Cette aventure qui avait commencé comme une plaisanterie entre potes, a donné lieu à une belle aventure qui poursuit son petit bonhomme de chemin. Aujourd'hui, il est question d'un studio professionnel qui se donne pour objectif de doubler des œuvres connues ou inconnues du grand public. «Il faut kabyliser dans le respect de la propriété intellectuelle, en suivant le mouvement facial et labial. Il y a d'abord un travail d'écriture sur le scénario originel à adapter mais il faut avant tout opérer un choix sur le film car il y a un public à prendre en compte», dit Samir Aït Belkacem, le promoteur de ce studio réalisé dans sa ville natale de Aïn El Hammam. Samir est profondément passionné par son travail. Cela se lit dans les propos et dans les gestes de ce biologiste de formation. Il avoue volontiers qu'il se reconnaît une responsabilité envers la langue utilisée et envers l'œuvre à adapter. Il reconnaît également une certaine responsabilité envers les enfants auxquels sont destinés ses premiers produits. Il ne suffit pas de se mettre derrière un micro et de traduire. Il y a un véritable travail de création. Son modèle est plutôt le dramaturge kabyle Moh Ya, passé à la postérité pour avoir adapté en kabyle des œuvres aussi diverses et universelles que celles de Bertolt Brecht, Nazim Hikmet, La Fontaine, Samuel Beckett, Molière et bien d'autres. «Moh Ya est un génie. Il disait qu'on ne pouvait pas attendre à ce qu'il y ait un théâtre kabyle. Adaptons donc ce qui est universel», dit Samir. Sa démarche est un peu la même. Plutôt que d'attendre à ce qu'il y ait un cinéma spécifiquement kabyle, adaptons le cinéma mondial à notre langue et à notre culture. Les moyens techniques aujourd'hui existent. Il faut répondre à une demande qui existe. Il y a des télévisions berbères qui doivent être alimentées en œuvres de qualité en sus du marché du DVD. En plus des films, il y a des documentaires, des reportages et beaucoup d'émissions à caractère ludique ou culturel que l'on peut adapter. Il n'y a plus de vieilles grand-mères pour raconter des histoires et des contes à leurs petits-enfants. Qu'à cela ne tienne, ces enfants peuvent être confrontés aux langues et à la culture universelle dans la langue de leurs ancêtres en achetant un simple DVD. Nous avons rencontré Samir chez lui, dans son studio tout neuf qui sent encore la peinture. Il nous explique longuement toutes les étapes de l'adaptation et du doublage. Un travail parcimonieux et méticuleux, où le bruitage, la bande musicale, les répliques doivent être posées au millimètre près, en veillant à ne pas dénaturer le message transmis par le créateur de l'œuvre. Il nous explique également qu'il est amené à faire un vrai travail de recherche sur la langue en cherchant les mots et les expressions du terroir qui s'adaptent le mieux non seulement à la situation mais également au mouvement des lèvres des personnages. Même au cours d'une conversation banale, il lui arrive de sortir son calepin pour noter un mot ou une locution dont il pourrait un jour se servir. Après avoir fini le doublage de Pucci 1 et 2, Samir et ses amis ont en chantier deux films à adapter : Le Monde de Narnia et Les Tortues Ninja. Pour cela et pour les projets futurs, ils ont lancé un casting pour trouver des artistes, hommes, femmes et enfants à même de doubler les personnages des films.