Depuis le premier jour du Ramadhan, la frénésie pour faire des provisions a pris des proportions telles que les magasins d'alimentation générale, les boucheries et les marchés populaires, n'arrivent plus à contenir les flux de clients qui arrivent des villages de toute la daïra de Bouzeguène. Les artères du chef-lieu connaissent, chaque jour, une large cohue pleine de saveurs, d'odeurs et de couleurs. Les gens de tous les âges, viennent acheter de la viande et des légumes de première fraîcheur. Pour la première fois, les trottoirs ne connaissent pas cette agitation provoquée par les vendeurs à l'improviste, de pain, de galette, de kalbellouz…etc. En plus des prix pratiqués par ces revendeurs, la marchandise exposée au soleil et à la poussière n'intéresse pas trop les jeûneurs. Le commerce de la zlabia à Bouzeguène ne fait pas une révolution. Une famille de tunisiens, installée, dans un même local depuis la fin des années 1960, propose, à longueur d'année, de succulentes spirales imbibées de miel. A l'exception d'un vieux vendeur de zlabia, originaire d'une wilaya de l'est du pays et qui a réussi à imposer son modèle de zlabia, tous ceux qui ont essayé de concurrencer le Tounsi ont vite plié bagages, si bien que ce dernier fait face quotidiennement à une chaine interminable. Les cafés qui restent fermés toute la journée, rouvrent une heure avant la rupture du jeûne. Ils ne chôment pas car beaucoup, cassent le Ramadhan, au café, avec un crème-croissant. Dans tous les villages, les mosquées diffusent le coran, à travers les hauts-parleurs, un quart d'heure avant El Adhan. Des membres de chaque famille montent sur leurs terrasses pour guetter le premier appel de l'imam. L'imam le plus adulé est celui qui «grignote» quelques secondes par rapport à l'heure exacte de l'appel à la prière. Aussitôt toutes les rues se vident à l'exception de quelques retardataires qui se pressent de regagner leurs domiciles. Quelque 70 personnes, prennent régulièrement leurs repas au restaurant La Rahma, ouvert par le comité local du Croissant-Rouge algérien. Ce restaurant est ouvert grâce à la charité des donateurs ; aucun centime n'a été versé par le comité de wilaya, comme chaque année d'ailleurs. La soirée ramadhanesque est partagée entre les amoureux des jeux de cartes et de dominos dans les cafés et les nombreux fidèles qui emplissent les mosquées pour la prière des tarawihs dans une atmosphère de profonde ferveur. Pendant ce temps, les ruelles du chef-lieu se remplissent de monde. Pas une place de libre sur les trottoirs. Des gamins débrouillards installent leurs barbecues et d'épais nuages de fumée mélangés à une appétissante odeur de brochettes de viande se dégagent des box à cuisson. La plupart de ces gamins font un double travail, celui de vendre des primeurs (figues et figues de barbarie) le jour et de préparer des brochettes de viande la nuit. Une véritable boulimie s'empare des randonneurs insomniaques qui affectionnent ce genre de victuaille. La nuit donnera naissance à une autre journée de jeûnes mais le coran préconise une frugale collation, avant l'appel à la prière d'El Fedjr.