En dépit de la cherté des produits alimentaires, les villageois vont jusqu'à vider leur bourse pour s'alimenter convenablement. Les commerçants créent la “fièvre", et les prix prennent leur envol sans aucun contrôle. Le Ramadhan à Bouzeguène ne déroge jamais à la tradition. Depuis le premier jour du mois sacré, la frénésie pour faire des provisions a pris des proportions telles que les magasins d'alimentation générale, les boucheries et les marchés populaires n'arrivent plus à contenir les flux de clients qui arrivent de tous les villages. L'activité commerciale enregistre une recrudescence telle que les plus calmes perdent leur self-control. En dépit de la cherté des produits alimentaires, les villageois vont jusqu'à vider leur bourse pour s'alimenter convenablement. Les commerçants créent la “fièvre", et les prix prennent leur envol sans aucun contrôle. Dans les boulangeries, avec la même pâte, on a droit à une variété de pains et de prix à vous donner le tournis. La “ficelle", une baguette de pain d'à peine 150 g sans amélioration aucune est cédée à 8,00 DA mais le pauvre citoyen la paie 10 DA, le boulanger se cachant derrière l'absence de monnaie. C'est d'ailleurs à longueur d'année que le prix de la baguette est à 10 DA. “Nous sommes, chaque jour saignés à blanc !", affirme un père de famille et de poursuivre : “Les prix ont presque triplé aux premiers jours du Ramadhan, mais malgré cela, tu ne trouveras rien à partir de 10h ! Tout s'achète à Bouzeguène. Je me rappelle le temps où ma vieille mère conservait tout : l'ail, les oignons, les tomates, la viande séchée, la graisse, les piments. À l'époque, les commerçants ne profitaient pas du Ramadhan pour augmenter les prix des produits, ils faisaient, au contraire, des promotions. C'est là où se situe la différence avec la nouvelle génération de commerçants." De nos jours, le Ramadhan bascule dans la cupidité, l'hypocrisie, l'égoïsme, la frénésie, la précipitation et l'irréflexion. Où sont les valeurs de ce mois sacré ? La foi, la piété, la spiritualité, la solidarité et la convivialité ont quitté nos mœurs. En face de tous ces commerçants, il y a la pauvreté qui s'exhibe sur les trottoirs de la ville avec les nombreux mendiants et mendiantes. Certaines d'entre ces dernières exposent ostensiblement des bébés endormis sur leurs genoux, pour susciter davantage de pitié. Autre activité florissante, en ce mois sacré, le commerce de la zlabia sans lequel le Ramadhan n'aurait aucun sens. Entre 200 et 250 DA le kilo, le Tunisien, installé depuis 1965, et le Bordjien, fidèle au mois de Ramadhan, ne font pas de stock, ils travaillent à la demande et vendent leur produit tout chaud, directement de la poêle à la balance. Les cafés qui restent fermés toute la journée rouvrent une heure avant la rupture du jeûne. Ils constituent, chaque soirée, le point de chute des nombreux villageois. Le restaurant du Croissant-Rouge, qui ouvre chaque année au mois de Ramadhan, accueille au repas du f'tour, quelque 60 personnes, grâce à la charité des donateurs et à l'aide substantielle du comité de wilaya du C-RA. Après le f'tour, les mosquées accueillent les nombreux fidèles pour la prière des tarawih. De l'autre côté, les ruelles de Bouzeguène s'illuminent. Des centaines de familles à pied ou en voiture rallient le chef-lieu de la commune et viennent prendre un bol d'air frais autour d'une table, consommant des boissons fraîches et des glaces. Des gamins débrouillards installent leurs barbecues, et d'épais nuages de fumée mélangés à une appétissante odeur de brochettes de viande se dégage des barbecues. Une véritable boulimie s'empare des randonneurs insomniaques qui affectionnent ce genre de victuailles. C. N O