C'est l'épilogue provisoire d'une âpre bataille juridique entre Alger et Londres : le tribunal de Westminster a décidé, jeudi, de confier le sort de l'ex-milliardaire algérien, Abdelmoumène Khalifa, à la justice algérienne. A l'écoute du verdict, l'ancien businessman n'a soufflé mot sur cette décision. Son avocate, Anna Rothwelle, a fait part de son intention de faire appel devant la Haute cour de Londres ; le processus pourrait s'étaler sur plusieurs mois. La défense dispose aujourd'hui d'une dizaine de jours pour trouver des éléments solides lui permettant de faire appel. Le fait est que A. Khalifa a basé sa défense sur son statut, réel ou présumé, de « victime », allant jusqu'à laisser penser que le président algérien aurait été « jaloux » de sa percée extraordinaire. Il n'a pas apporté d'élément concret prouvant son innocence dans les affaires de détournement dont il est accusé. Le juge Workman a déclaré n'avoir trouvé « aucune preuve » permettant de soutenir que l'Algérien était victime, comme l'affirme sa défense, d'un règlement de comptes politique de la part du président algérien, Abdelaziz Bouteflika. Selon l'avocat et défenseur des droits de l'homme, maître Mostefa Bouchachi, si Khalifa est extradé « tout recommencera à zéro ». « Il devrait y avoir un arrêt de la chambre d'accusation. Khalifa aura droit à un nouveau procès », nous explique-t-il. Me Bouchachi souligne que « A. Khalifa a le droit de faire appel devant une juridiction suprême ». « Il ne pourra pas être extradé pendant cette période. L'extradition n'est pas pour demain », affirme encore l'avocat. Abdelmoumène Khalifa a déjà été condamné, par la cour de Blida, à la réclusion à perpétuité par contumace, pour « association de malfaiteurs, vol qualifié, détournement de fonds, faux et usage de faux ». Le tribunal londonien s'est longtemps montré réticent à une éventuelle extradition de l'ex-golden boy, émettant des suspicions sur l'indépendance du système judiciaire algérien et sur la possibilité pour Khalifa de bénéficier d'un procès équitable. Le changement de ton est aujourd'hui patent. Au tribunal de Westminster, le juge Timothy Workman a estimé que cette extradition ne contrevenait pas aux droits de l'homme. Il s'est dit également « convaincu » que les assurances données par l'Algérie quant au respect des droits de M. Khalifa étaient « à la fois fiables et de toute bonne foi ». Il a souligné que si l'ancien golden boy revenait dans son pays, sa condamnation à perpétuité, prononcée en Algérie en mars 2007, serait annulée et qu'il aurait droit à un nouveau procès « suffisamment équitable » et « dans un délai raisonnable ». Le ministre algérien de la Justice, Tayeb Belaiz, a en effet déclaré, il y a quelques jours, que « l'Algérie acceptera toutes les décisions émanant de la justice britannique », espérant toutefois que « la décision britannique concernant cette affaire soit en notre faveur ». L'Algérie n'était pas seule en course pour l'obtention de l'extradition d'A. Khalifa ; la France a également déposé une demande en ce sens auprès de Londres, mais son examen a été gelé dans l'attente d'une décision définitive de la demande algérienne qui prévaut sur celle de Paris. La justice algérienne satisfaite La demande algérienne pour l'extradition de Khalifa est basée sur des documents relatifs à la falsification de l'hypothèque de la villa familiale et d'un local commercial jusqu'à la constitution du groupe Khalifa. Parmi les autres chefs d'inculpation retenus contre lui, figurent également les cas de vols survenus au niveau des différentes agences d'El Khalifa Bank, sur ordre de l'accusé lui-même, la gestion anarchique et la négligence ayant marqué les transferts de devises sous couvert de diverses transactions qui étaient en réalité, selon la liste des chefs d'accusation, des détournements organisés. Dans un communiqué rendu public jeudi, les responsables du ministère de la Justice n'ont pas caché leur satisfaction : « Cette décision a été prise suite à une série de procédures qui ont abouti à l'annonce de l'acceptation de la demande algérienne en la forme et à l'examen ensuite de l'objet de la demande, la vérification des pièces à conviction en s'assurant que les conditions qui garantissent un jugement équitable du concerné devant les tribunaux algériens sont réunies et ce, au cours de nombreuses séances d'audition des témoins, d'experts et des plaidoiries des avocats. » La saga du plus grand scandale du siècle ne semble pas près de se terminer.