Destinataire d'un écrit officiel réprouvant les mesures liées à l'investissement étranger, rédigé par la commissaire européenne au commerce extérieur, le ministre du Commerce, El Hachemi Djaâboub, a plaidé pour le droit de l'Algérie de prendre souverainement ses décisions. L'Algérie « prend ses décisions en toute souveraineté et nul ne peut s'arroger le droit de lui dicter ce qu'elle doit faire », a affirmé hier le ministre depuis Constantine lors d'un point de presse, organisé en marge d'une visite à l'est du pays. Face aux réserves exprimées par la commissaire européenne au commerce extérieur, M. Djaâboub a estimé que l'Algérie, qui constitue « un grand marché de 51 milliards de dollars, se doit de prendre les mesures d'encadrement de l'investissement à même de sauvegarder ses intérêts ». Catherine Ashton, commissaire européenne au commerce extérieur, avait notamment critiqué dans sa lettre, datée du 12 juin 2009, la décision d'imposer aux investisseurs étrangers une ouverture de capital à hauteur de 51% au profit d'un partenaire algérien et l'obligation faite à une société d'importation étrangère de céder 30% de ses parts à une partie algérienne. Des décisions assimilées à des restrictions au commerce et à l'investissement par les Européens mais jugées en accord avec la volonté de l'Algérie de remettre de l'ordre dans sa réglementation de commerce extérieur. Selon M. Djaâboub, les décisions prises, et entre autres l'imposition aux sociétés commerciales étrangères d'ouvrir leur capital à une participation algérienne de 30% au moins seront « strictement respectées et appliquées, quelle que soit la réaction de ces sociétés », a ajouté le ministre. Catherine Ashton, commissaire européenne au commerce extérieur, reproche notamment au gouvernement algérien l'effet rétroactif des mesures Ouyahia sur l'investissement qui, selon elle, « sape la certitude juridique », et appelle le gouvernement algérien de « reconsidérer les mesures et d'explorer la possibilité de suspendre leur application ». Pour le gouvernement, il n'y a ni état d'âme ni fléchissement. Pour la mesure des 30% d'ouverture de capital par exemple, la mise en application est déjà effective, et les sociétés d'importation implantées en Algérie qui ne se conformeront pas à la loi risquent la radiation au 31 décembre 2009. Ahmed Ouyahia avait d'ailleurs exprimé sa détermination à appliquer et à assumer, ce qui s'apparente, aux yeux des partenaires étrangers, à un revirement dans la politique de commerce extérieur de l'Algérie, mais qui est pour le gouvernement une redistribution des rôles dans un scénario visant le rééquilibrage des relations commerciales. Sur les directives du chef de l'Etat, Abdelaziz Bouteflika, le gouvernement entend en fait mettre en application un plan de remise en ordre des règles économiques et d'échanges avec les partenaires étrangers. Au regard des 40 milliards de dollars d'importation en 2008 et des investissements étrangers rarissimes en dehors du secteur des hydrocarbures, Ouyahia estime détenir la solution qui boostera les véritables investissements et diminuera les chiffres de l'importation. « Nous voulons combattre l'économie de bazar et réduire les importations. L'une des conséquences attendue de cette mesure est la chute probable du volume des importations de l'Algérie », avait affirmé le Premier ministre dans une intervention face aux députés en mai dernier. « Nous allons réduire la facture des importations quel que soit le prix à payer », avait-il encore lancé, anticipant déjà les nombreuses réactions hostiles à ces mesures prises par l'Algérie qui avait pourtant joué à fond, pendant plusieurs années, la carte de l'ouverture aux investissements étrangers. Ceux-ci déjà frileux et attentistes par le passé se voient imposer aujourd'hui une cession de 51% de capital à un partenaire algérien. Une situation inédite qui suscite de leur part une levée de boucliers – certes assez timide vu l'attraction qu'exerce tout de même le marché algérien – mais assez persistante pour être relayée officiellement par des instances comme l'Union européenne. Pour Ouyahia pourtant il n'y a rien à redire « Nous avons imaginé la configuration de ce partenariat de manière à laisser la gestion à l'investisseur étranger », tient-il à dire. Pour Ouyahia, principal artisan de ces mesures jugées protectionnistes par les partenaires étrangers, il n'y a absolument « aucun retour à une économie dirigée ». Pour la commissaire européenne au commerce extérieur, par contre, « ces mesures annoncées semblent être en désaccord avec l'Accord d'association et l'Union européenne qui imposent notamment la libre circulation des capitaux entre les deux parties » et contredit l'objectif de facilitation d'un climat favorable à l'investissement.