L'accord d'association entre l'Algérie et l'Union européenne a-t-il vécu ? Possible, si on analyse la portée des décisions prises récemment par le gouvernement en matière de conditions d'exercice des activités commerciales des entreprises étrangères et les réactions qu'elles ont suscitées de la part de l'UE. Après la confirmation officielle de ces mesures, le 20 mai dernier, par un décret exécutif, la question a pris le caractère d'une mini-crise entre les autorités algériennes et Bruxelles. La première réaction en provenance de Bruxelles s'est faite sous la forme d'une correspondance adressée le 12 juin dernier par la commissaire européenne au Commerce extérieur, Mme Catherine Ashton, au ministre algérien du Commerce, El Hachemi Djaâboub. Dans cette lettre, la commissaire considère que « les mesures annoncées semblent être en désaccord avec l'accord d'association entre l'Algérie et l'Union européenne, notamment l'article 37.1 qui contient une clause de stabilité, l'article 32.1 (b) qui engage l'Algérie à accorder le traitement national aux prestataires de services de l'UE et l'article 39 qui impose la libre circulation des capitaux entre les deux parties ». Mme Catherine Ashton déclare en outre : « J'encourage votre gouvernement à reconsidérer les mesures annoncées et à explorer la possibilité de suspendre leur application. » C'est à partir de Constantine, le 27 juin dernier, que le ministre du Commerce a répondu à la lettre en déclarant : « L'Algérie prend ses décisions en toute souveraineté et nul ne peut s'arroger le droit de lui dicter ce qu'elle doit faire. » Pour M. Djaâboub, « l'Algérie, qui constitue un grand marché de 51 milliards de dollars, se doit de prendre les mesures d'encadrement de l'investissement à même de sauvegarder ses intérêts ». « Les décisions prises, entre autres l'imposition aux sociétés commerciales étrangères d'ouvrir obligatoirement leur capital à une participation algérienne de 30% au moins, seront strictement respectées et appliquées car il s'agit de mesures qui engagent la souveraineté nationale, quelle que soit la réaction de ces sociétés », a-t-il ajouté. Du côté de Bruxelles, on accuse le coup après qu'« un membre du gouvernement eut expliqué à un commissaire européen le caractère conjoncturel de la décision vu les risques que fait peser l'augmentation de la facture des importations sur la balance des paiements. » Une solution qui « sauverait la face » Le caractère rétroactif de la décision est un autre élément d'inquiétude pour Bruxelles. Selon un fonctionnaire, on réfléchit à une solution qui « sauverait la face » puisque la Commission est harcelée par les sociétés concernées. Ces dernières disposent de moyens puissants de lobbying à Bruxelles, où l'activité est légale et les représentants des sociétés sont accréditées et disposent de bureaux officiels. Même la délégation de la Commission européenne à Alger subit ce harcèlement à travers les diplomates en poste et les attachés commerciaux des ambassades. Le gouvernement algérien aurait pu utiliser la clause de sauvegarde prévue par l'accord d'association, selon un fonctionnaire qui a requis l'anonymat. Surtout que la cause est connue, avec la crise économique et les risques qui pèsent sur la balance des paiements. Même si on a noté la volonté de l'Algérie de considérer l'UE comme l'un des axes principaux de la politique étrangère de l'Algérie et le caractère stratégique des relations de l'Algérie avec l'UE, de sérieuses questions se posent sur les dernières mesures, même si l'Algérie déclare toujours être attachée au respect scrupuleux des dispositions de l'accord d'association. Si à la Commission, on comprend le principe de souveraineté avancé par l'Algérie, on note néanmoins que l'Algérie est le seul pays qui adopte une législation contre l'accord d'association. Du côté algérien, les causes de ces nouvelles mesures ont été expliquées par la nécessité d'encadrer le commerce extérieur avec une augmentation régulière des importations qui ne s'accompagne pas d'un investissement productif et qui menace les équilibres et la balance des paiements, surtout avec la baisse drastique des prix du pétrole, principale source de financement des importations. D'autres causes sont avancées, pour lesquelles il a été difficile d'avoir des informations complètes. Ainsi, pour la taxe sur les engrais de Fertial décidée par l'UE en 2007, elle aurait été provoquée par une compagnie européenne concurrente de Fertial sous le prétexte de dumping dû à la double tarification du prix du gaz. Sur ce plan, il a été constaté que l'UE participe à sa manière au blocage de l'adhésion de l'Algérie à l'OMC à travers cette taxe. Les blocages qu'a rencontrés Sonatrach pour s'implanter dans certains pays européens sont un autre facteur de discorde. Même si elle a finalement obtenu, dans certains cas, l'autorisation de commercialiser de petites quantités de gaz, la compagnie algérienne reste soumise à des tracasseries et y compris à une fiscalité discriminatoire. Comme on le voit, cette mini-crise n'est pas aussi simple qu'on le croit et elle pourrait aboutir à une demande algérienne de renégocier des termes de l'Accord d'association d'ici la fin de l'année.