On parle peu du racisme contre les Noirs africains en Algérie, pourquoi selon toi ? C'est un sujet tabou, comme il y en a tant dans notre société. On ne parle pas de racisme car on ne veut pas l'admettre. Il y a un grand travail de sensibilisation à faire sur le sujet, au-delà des slogans creux qui ressortent comme c'est le cas actuellement pour le Festival panafricain. Bien sûr, on entendra çà et là les termes de « peuples frères », de notre appartenance au continent africain, de nos valeurs et de notre hospitalité. On oublie vite que des Africains qui tentent le passage vers l'Europe sont traités comme des criminels et que d'autres sont réduits à l'état d'esclavage dans des ateliers clandestins ici même à Alger. Personne n'en parle. Comme pour les Algériens en Europe, obtenir une carte de résidence en Algérie pour un migrant subsaharien relève du tour de force. Et dans la rue, on continue d'utiliser des termes dégradants comme Kahlouch, Nigrou ou Babaye, et ça ne choque personne… Existe-t-il un racisme spécifique en Algérie contre les Africains ? Je ne crois pas. Il s'agit de racisme ordinaire, d'intolérance. On stigmatise également les Chinois ! C'est de la xénophobie, la peur de l'autre et de la différence, la peur de l'étranger. Les Africains subsahariens de confession musulmane sont par exemple mieux acceptés que ceux de confession chrétienne, on le voit bien dans les quartiers populaires. Il y a aussi tout un discours qui est relayé par les médias. Il est courant de voir des articles de presse qui reprennent des communiqués des forces de l'ordre et qui font de tout Africain subsaharien un trafiquant de drogue en puissance, un porteur de maladie, c'est aberrant… Qu'est-ce qui vous a le plus marqué lorsque vous avez travaillé sur la question avec Kaïs Jilali sur le documentaire Le Piège ? Que des êtres humains qui aspirent à une vie meilleure soient traités avec mépris et violence. Que des migrants soient abandonnés dans le désert… C'est triste de voir des hommes, des femmes et des enfants raser les murs et avoir peur. C'est une situation intenable. C'était le cas dans les années 50 pour les Algériens en France par exemple, mais on a la mémoire courte… (*) Pour plus d'informations : http://www.ram-network.org/spip.php ?page=video&id_article=62