Depuis la montée en puissance de l'équipe nationale de football, nous avons assisté à une production extraordinaire de CD lancés par des groupes plus ou moins connus, certains d'entre eux surgis de nulle part. Tout le monde se met de la partie et même de grands noms de la chanson est en droit de se demander si c'est seulement l'amour des Verts qui anime les créateurs de ces chansons aux paroles souvent bâclées et aux musiques souvent empruntées ou maquillées mais fortement expressives. Le fait est là et, devant le succès énorme de ces titres, piratés par dizaines de milliers d'exemplaires et vendus ces derniers jours aux passants et automobilistes par des jeunes supporters malins, il est certain qu'on peut s'interroger sur ce marché spontané. A ce titre, Sétif a accueilli le 1er Séminaire national sur la chanson sportive, organisé par l'APC de la ville, annonce une dépêche de l'APS. La rencontre a regroupé des artistes, des journalistes, des dirigeants de clubs sportifs et de professeurs de psychologie de l'université Ferhat Abbas. Pourquoi cette seule spécialité des sciences humaines quand des sociologues auraient été bien utiles pour envisager la globalité de cette production et son impact immense ? Selon un participant au séminaire, l'objectif de la rencontre est de «contribuer à améliorer la chanson sportive algérienne en la débarrassant de tous les artifices, parfois malsains, qui en dénaturent le message». La dépêche ajoute que le séminaire a mis l'accent sur «l'importance du choix des paroles et souhaité la redynamisation des mécanismes de contrôle par l'Office national des droits d'auteur (ONDA)». Comme son enseigne l'indique, l'Office est chargé de s'assurer du respect des droits d'auteurs et cette mission s'applique non seulement à tout type de chanson ou de musique, mais à l'ensemble des créations littéraires et artistiques. Il y a donc une certaine maladresse à réclamer pour la chanson dite sportive un contrôle particulier. Et à invoquer, aussi spécialement, pour ce genre de chanson, «l'importance du choix des paroles», ce qui résonne comme une volonté de mise en place de mécanismes coercitifs de contrôle des contenus et, partant, d'un marché avant tout juteux. Les millions d'Algériens et d'Algériennes qui ont repris en cœur les chansons de ces jeunes groupes avisés ne se sont pas posé ce type de questions. La chanson sportive est, dans le monde entier, un phénomène conjoncturel lié aux événements sportifs. Nulle part, elle n'a brillé par son raffinement et son niveau élevé. Ce n'est pas sa fonction socioculturelle, ni ses procédés. Si certains artistes veulent créer des œuvres de haute qualité littéraire et musicale, qu'ils le fassent. Si, maintenant, certaines des paroles des chansons à succès posent problème au regard des lois (droits d'auteurs, incitation à la violence, offense…), il y a lieu d'agir dans ce cadre. Mais on ne peut vraiment pas envisager d'aller brimer ce bel élan, d'ailleurs passager, qui, quoi que l'on pense, fait désormais partie d'un moment d'émotion partagé par tous. En revanche, il faut se battre pour la qualité, mais partout et toujours.