Accusé d'avoir détourné plus de 13 milliards de centimes, Mohamed Essadre Feddane, 48 ans, ancien receveur de la poste de Aïn Zaâtout, a été arrêté après une cavale à l'étranger. D'abord condamné par contumace à perpétuité, il verra sa peine ramenée 10 ans d'emprisonnement par la cour criminelle de Biskra au cours d'un procès ayant duré 24 heures non-stop. A titre comparatif, un jeune qui arrache à un passant son téléphone portable encourt 5 ans de prison ferme, alors que le premier coaccusé, Abdelouahab Derouez, 49 ans, honnête père de famille et non moins supérieur hiérarchique immédiat du receveur de Aïn Zaâtout, et dont le principal tort est d'avoir été nommé, à son corps défendant, directeur régional de la poste « sans un minimum de moyens humains et matériels pour mener à bien cette immense tâche de sauvetage », a écopé, comme un vulgaire malfrat, de 10 ans d'emprisonnement et d'un million de dinars d'amende. « Heureusement que le législateur a prévu le pourvoi en cassation », s'indigne à ce propos la défense. Quoi qu'il en soit, et pour faire bonne mesure, on a aussi condamné Miloud Bezagrari et Hamza Ouargli, deuxième et troisième coaccusés, à 5 ans de prison et à verser 100 000 DA d'amende. Par contre, huit autres personnes ont été purement et simplement relaxées. L'affaire a débuté à la seconde quinzaine du mois d'avril 2004, quand, sur plainte de Abdelouahab Derouez, la brigade de la gendarmerie de la daïra d'El Kantara commence à enquêter sur de prétendus détournements commis au préjudice de la poste de Aïn Zaâtout par le receveur lui-même, et qui remontent à l'année 2000. Un receveur d'autant plus condamnable qu'il avait entre- temps filé à l'anglaise vers l'étranger avec le contenu de la caisse, s'élevant à l'époque à 1 milliard et demi de centimes, sans laisser d'adresse ou plutôt si, car, selon des indiscrétions des B'ni Farh, « il aurait élu domicile dans un pays du Golfe, d'où il lui arrive de téléphoner à ses proches ». La gendarmerie procède donc à l'arrestation de douze personnes dans l'entourage immédiat du receveur indélicat, des employés suspectés de complicité, ou simplement d'avoir fermé les yeux sur les agissements répréhensibles du fugitif. Parmi les personnes mises en cause en ce temps là, la justice n'en écroue que trois et met le reste sous contrôle judiciaire. Il faut souligner qu'à l'époque, dans un petit village comme Aïn Zaâtout, où tout finit par se savoir, un fonctionnaire a pu mener un train de vie bien au-dessus de son salaire, qui plus est a continué impunément à faire virer au su d'un cercle restreint de comparses, d'importantes sommes d'argent sur les comptes courants d'amis, de collègues et autres connaissances qui les lui restituaient, moyennant une part du magot, pour finalement partir avec la caisse. Cela est dû, ont rappelé les experts, d'une part au climat délétère de fin de règne qu'a connu la poste algérienne à cette époque, où il était question d'en privatiser les services, et d'autre part, à l'absence de vérifications et d'inspections de routine durant cette période de flottement ayant précédé d'une année la restructuration des PTT et la création d'Algérie Poste. Période qui a connu en une seule année — et ce sont là les chiffres officiels de l'époque — pas moins de 100 autres affaires de détournement enregistrées à travers tout le territoire national, avec, à la clé, la disparition de plusieurs centaines de milliards de dinars, au grand dam des usagers de la poste comme les retraités, les pensionnées et autres détenteurs de livrets de caisse d'épargne.