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Yahia Belaskri. journaliste et écrivain : «Quand on perd la capacité de rêver…»
Publié dans El Watan le 27 - 02 - 2010

– Vous êtes romancier, nouvelliste et journaliste. Comment l'écriture littéraire s'est-elle imposée à vous ?
Je vis en France depuis 1989, une année après les émeutes d'octobre 1988. Pour moi et pour ma génération, ces événements étaient un échec. Nous aurions du être dans la rue et non pas les gosses qui sont morts sous les balles de l'armée. J'avais écrit, dans une autre vie, de la poésie. Mais je n'avais rien publié. Au journalisme, je suis venu par hasard. C'est un copain, rédacteur en chef d'un hebdomadaire sportif, qui m'avait mis le pied à l'étrier. Ensuite, j'ai travaillé pour les quotidiens algériens L'Opinion et Le Soir d'Algérie.
– Le bus dans la ville est le roman de la défaite et de la désillusion ? Comment est née l'idée de cette histoire qui prend l'allure d'une fable fantasmée, où l'absurde et le tragique se mêlent et s'entremêlent ?
J'ai commencé à écrire le texte au lendemain d'un voyage en Algérie. Au retour, j'avais été malade. Je suis resté deux semaines à la maison. Puis je me suis mis devant une feuille blanche. Le Bus dans la ville, c'est le roman de la perte. Oui, il y a une défaite cinglante. Elle l'est d'autant qu'elle entraîne la population dans l'abîme. C'est également le roman de l'amour. Notamment l'amour des femmes rencontrées. Chérifa, la différente, rejetée pour sa langue et les «odeurs» de sa cuisine. Alima, l'amie «étrangère» qui se suicide car elle ne comprend pas ce mot. Leïla qui initie le narrateur à la poésie présente à travers Jean Sénac, Kateb Yacine, Abdelkader Alloula, etc. La poésie est cette lumière qui permet de s'extraire de l'obscurité. C'est là que s'exprime le «beau», c'est-à-dire cette part d'humanité qui fait reculer les démons qui sont en nous.
– Le roman nous propulse au cœur d'un espace qui n'est ni situé géographiquement ni nommé, sinon en tant que «ville». Quel est le sens de cet anonymat ?
Il est évident que je parle de moi et de l'Algérie. Mais j'ai fait le choix de ne pas nommer la ville. Je ne voulais pas l'inscrire dans une géographie précise. Cette ville, je la voulais universelle. J'ai été agréablement surpris, lorsqu'un jour quelqu'un m'a dit qu'elle lui faisait penser à une ville d'Amérique latine. C'est donc un acte délibéré.
– La ville inspire la peur, le malaise, la douleur… Elle est à l'image de ses habitants, engluée dans la boue de la défaite. Pourquoi le choix de cette configuration catastrophique de la ville ?
Dans cette ville, les personnages perdent leur capacité de rêver, car ils sont entravés. Mais le roman ne livre pas seulement une vision catastrophique. A la fin de l'histoire, le narrateur n'est pas dans l'abîme. Son absence est une ouverture. Par ailleurs, l'autre personnage qui n'y est pas est son frère, Badil, qui signifie en langue arabe l'alternative. Ce frère absent qu'il cherche partout est possiblement en vie. Il représente une autre possibilité de vivre et de rêver. Il y a là une ouverture qui, à mon sens, est à creuser.
– Les personnages du roman ont une destinée tragique et commune. Vous les décrivez comme des «êtres perdus», «perdants», qui «avaient perdu leur histoire et le présent». Ne se laissent-ils/elles pas broyer par le système ?
Dans cette ville, les personnages ont des projets, des espoirs, des rêves. Mais peu à peu, leurs rêves sont contrariés, déviés, brisés. Par qui ? Ce n'est pas mon rôle de le définir. Il y a des analystes, des politologues, des sociologues et autres chercheurs qui ont toute légitimité et latitude de le faire. Je me place du côté du sensible. Dans le passé de cette ville, tout n'est pas rose. Mais il y avait de l'enthousiasme et l'idée que tout était à construire. Ces êtres sont perdus, car ils n'ont plus de rêves. Ils sont perdants, car ils ont abdiqué. Quand on perd la capacité de rêver, quand on abdique, c'est qu'on renonce à ce qu'il y a de plus essentiel chez l'homme, c'est-à-dire son humanité. Cette vision est en lien avec mon histoire. Je suis Algérien et à travers ce que j'écris transparaît les successives ruptures qu'a connu mon pays : la colonisation, octobre 1988, la guerre civile… C'est toute l'histoire de ce pays que l'on ressent en filigrane.
– Le bus est une métaphore qui semble avoir plusieurs significations. Est-ce un lieu mémoriel qui permet un retour sur soi ?
Il m'a semblé intéressant de faire en sorte que le narrateur revienne dans un bus qui tourne autour de sa ville et qui va la lui révéler telle qu'elle est aujourd'hui. Ce moyen de locomotion va faire affleurer à sa mémoire les souvenirs de son enfance, son adolescence… Mais le bus, c'est la métaphore du voyage et du déplacement : aller d'un endroit à un autre et là, on retrouve la question de l'exil. Le bus, c'est aussi une histoire personnelle. Mon père est décédé, renversé par un bus. Cet événement douloureux qui m'a fait détester les bus. Et à chaque fois que j'en voyais un, je revoyais l'image de mon père écrasé et traîné par terre. J'avais envie d'apaiser ce souvenir douloureux et de me réconcilier avec le bus. En faisant voyager le narrateur dans un bus, je voulais exorciser ma peur et conjurer le sort. Le bus permet au narrateur de faire un retour sur lui-même.
– L'emploi du «je» nous met en présence d'un narrateur autodiégétique qui est témoin de l'histoire de la ville. Le «je» permets d'impliquer les lecteurs dans son processus d'introspection…
Le bus dans la ville est mon premier roman et, comme je voulais susciter l'attention des lecteurs/trices, je l'ai écrit à la première partie du singulier. On ne sait pas grand chose du narrateur, mis à part le fait qu'il était absent et qu'il revient dans sa ville. On ne commence à le situer que lorsqu'il raconte sa ville, sa famille, son enfance, son adolescence, ses amours, ses déceptions… On le découvre au fur et à mesure de l'avancement de l'histoire. Je voulais que le narrateur se dévoile progressivement. C'est à travers les personnages qu'il se révèle aux lecteurs/trices qui découvrent un homme très sensible, issu d'un milieu social modeste, qui a fait des études, qui aime la poésie, le théâtre, l'amour et la vie et qui a quitté sa ville. Et un jour, il revient. Il est à la recherche de quelque chose d'imprécis et on ne le saura qu'à la fin. Il y a du mystère dans la construction narrative.
– Le roman met en évidence une juxtaposition entre deux temporalités antagonistes : un passé chargé d'espoir malgré les difficultés et un présent dominé par le malheur et la mort… On assiste à un engloutissement dans l'abîme de la défaite…
Cette dualité est nécessaire dans le récit car elle confronte deux réalités, celle d'hier où prévalaient les espoirs et les rêves et celle d'aujourd'hui marquée par le renoncement. N'est-ce pas qu'aujourd'hui, nous sommes tous d'accord pour dire qu'il y a perte de repères ? Dans cette ville, non nommée, non définie, non située, il y a effondrement des repères, des valeurs. Les êtres se retrouvent ainsi dans l'abîme. Cette dualité passé/présent n'est pas pour glorifier, mythifier l'un et rejeter l'autre. Elle dit la nécessité de renouer avec le passé, pluriel, afin de construire du pluriel et rejeter l'enfermement.
– Le roman est ponctué de départs, de disparitions, d'absence, de mort. Cette configuration tragique de la ville ne fait-elle pas écho à l'histoire de l'Algérie ?
Ce qui affleure sur ma peau, c'est mon pays. Cette Algérie que je porte en moi, belle et douloureuse. L'Algérie paradoxale. Ce roman peut être la métaphore d'une ville algérienne. Beaucoup ont cru qu'il s'agissait de ma ville natale, Oran. Mais c'est l'Algérie qui est là dans toute sa complexité, tout cet amour que j'ai pour elle et toutes les difficultés que j'ai pour appréhender ses difficultés actuelles qui me questionnent. Mais ces interrogations pourraient être celles d'une personne d'un ailleurs lointain qui s'interroge sur sa ville en décrépitude, qui connaît des difficultés à se transformer et à s'humaniser. Ce roman est un constat d'échec de ma génération.
Yahia Belaskri, Le bus dans la ville. Editions Apic, Alger, novembre 2009. 84p; 400 DA


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