Certains parlent de «peinture féminine», un peu comme on parle d'écriture féminine. Mais on s'est rendu compte depuis longtemps qu'il s'agissait de clichés. Les femmes écrivent et peignent de manières différentes selon leurs parcours, leurs origines, leurs formations, leurs préférences artistiques ou thématiques. Il n'y a donc pas, à proprement parler, de peinture ou d'écriture féminine, et on a tord de confondre une certaine «sensibilité» avec une école ou un style. En fait, c'est souvent par préjugé qu'on tombe dans ce piège. On ne parle d'ailleurs pas de peinture ou d'écriture masculine et on distingue les artistes et écrivains hommes par leurs tendances et leurs niveaux. Cela dit, si le 8 mars permet de découvrir de nouveaux talents ou de nouvelles productions, c'est tant mieux, à condition les découvrir comme tels. Cette année encore, on compte plusieurs manifestations du genre. L'une des plus originales peut-être est l'exposition de Sabeha Abdiche qui peint depuis plusieurs années sans avoir eu, jusque-là, l'envie de soumettre ses œuvres au regard du public, sauf une fois à travers un blog. Cette jeune cadre de marketing a découvert l'art depuis son enfance au cours des séjours de sa famille dans le monde, son père étant diplomate. La première originalité de son exposition est qu'elle coïncide avec son anniversaire, puisqu'elle est née le 8 mars 1970 à Tunis. C'est donc avant tout pour marquer cette date personnelle et jauger l'effet de son travail artistique, qu'elle a choisi d'exposer en jouant de la coïncidence de ces dates. Autodidacte, Sabeha Abdiche peint par périodes concentrées, portée (ou transportée) par une démarche où dominent ce qu'elle nomme des «décharges émotionnelles», soit une façon de peindre instinctive, voire intuitive. C'est le geste qui prime dans sa peinture et l'amène à élaborer, à partir de ses perceptions instantanées et de ses émotions, une œuvre qui s'exprime davantage par la couleur que par les formes. On pourrait pour cela la rattacher un peu au mouvement de l'Action Painting, né aux Etats-Unis en 1945, et qui recherchait la spontanéité créative. La différence réside dans le fait que Sabeha Abdiche préfère les formats moyens au lieu des grands. Mais on retrouve la même nervosité d'une peinture de pulsions qui fait jaillir les couleurs selon des ordres intérieurs quasi-inconscients, d'où l'allusion au tourbillon (maelström). On y sent une forte recherche de liberté et la prise d'un risque assumé, préféré à une organisation planifiée de l'esthétique. Le résultat est rafraîchissant, toujours attrayant et, parfois, véritablement beau. C'est peut-être une peintre qui comptera qui est en train de naître, pour peu qu'elle maintienne son élan, sans oublier que la spontanéité aussi nécessite du travail. D'Alger à Maghnia, on signalera enfin l'exposition de la peintre Leïla Ferhat à la dynamique galerie Riwaq El Fen, toujours gérée par le collectif des peintres de la ville. «Maëlstrom». Exposition de Sabeha Abdiche. Médiathèque de l'ENAG, 26 rue Ahmed Zabana, Alger. Du 8 au 11 mars 2010. Vernissage le 8 h à 15 h. Exposition de peintures de Leïla Ferhat. Galerie Riwaq el Fen. Maghnia. A partir du 8 mars.