Deux ans après sa mise en application, la nouvelle politique de santé publique affiche un objectif en deçà des objectifs escomptés et des attentes de la population de la wilaya de Boumerdès, en matière de soins médicaux. Les moyens humains et matériels mobilisés par le ministère de tutelle dans le but de rapprocher la santé des habitants n'ont pas eu des résultats probants sur le terrain. Créées conformément au décret n° 07-140 du 19 mai 2007 relatif à la réorganisation de la carte sanitaire dans le pays, les structures de santé de proximité fonctionnent toujours au ralenti et avec des moyens très limités. Les tracasseries que subit le citoyen Boumerdassi en matière de soins et les carences ayant entaché l'ancienne organisation sont toujours de mise. C'est ce qui nous a été donné de constater lors des visites que nous avons effectuées dans quelques établissements sanitaires de la région. Notre première halte a été la polyclinique de Timezrit, une commune rurale de 10 000 habitants répartis sur une quinzaine de villages. Il est 11h environ en ce mardi de fin du mois de février. Des grappes de femmes continuent d'affluer vers la polyclinique du chef-lieu. Devant la porte d'entrée une procession d'élèves du primaire s'impatiente en attendant l'appel du médecin pour se faire vacciner. À l'intérieur, une quarantaine de patients, presque toutes des femmes, attendent leur tour, qui pour une consultation médicale, qui pour une extraction dentaire. La plupart d'entre elles précisent avoir parcouru 5 km avant d'atterrir ici. «Je suis venue du village Aït Dahmane. On y a construit une salle de soins mais elle ne sert presque à rien. L'infirmier qui y travaille ne fait que les injections et les pansements. Récemment, on y a affecté un médecin mais il ne vient qu'une fois par semaine», se plaint une patiente, la cinquantaine. Dans le hall, un agent de sécurité oriente les malades et tente d'y mettre de l'ordre. Couverture sanitaire défaillante L'infrastructure paraît à première vue sinistrée. Tout y manque ; ni service de maternité, ni radiologie, ni laboratoire, encore moins une ambulance pour l'évacuation des cas d'urgence. Cet établissement tourne avec deux médecins, un dentiste, une assistante, une infirmière et une sage-femme. Un effectif qui reste loin des normes nationales qui prévoient un médecin pour 700 habitants et un infirmier pour chaque agglomération de 350 habitants. En somme, ce n'est qu'une polyclinique fantomatique. Elle ouvre à 9h et ferme à 15h et parfois à 13h, nous confient les habitants. Les soins se font au rez-de-chaussée uniquement car le premier étage est trop dégradé et n'a fait l'objet d'aucune réhabilitation. Plafonds décrépis, murs lézardés, infiltrations des eaux de pluies… Cette partie de la bâtisse qui devra abriter le service «maternité» est tout simplement abandonnée. L'établissement était à l'origine un centre culturel. Il a été cédé par la direction de la culture au profit du secteur de la santé, en 2004, pour cause d'exiguïté du centre de soins réalisé au début des années 2000 par l'APC. Aujourd'hui, ce dernier est exploité par un médecin privé et son logement d'astreinte est occupé par un fonctionnaire de la poste. «Dites-leur qu'il n'y a plus de santé à Timezrit. La prise en charge des malades s'est arrêtée juste après l'effondrement de notre polyclinique suite à l'explosion d'une bombe artisanale par les groupes terroristes en 1995. Depuis c'est le calvaire», peste un habitant accroupi à l'extérieur de l'infrastructure. Et son ami, transporteur clandestin, d'enchaîner : «Moi, je suis en train de guetter une course. Car, on ne dispose pas d'ambulance qui doit évacuer les malades, qu'on ne peut prendre en charge ici, vers les établissements sanitaires de Thenia et d'ailleurs.» L'EPSP de Bordj Menaïel auquel est rattachée cette unité ne dispose que d'une seule ambulance fonctionnelle sur les trois dont il a bénéficié lors du partage du matériel roulant du CHU. Certaines sources parlent d'une «répartition illégale» des moyens humains et matériels et notent que l'essentiel a été consacré aux soins hospitaliers. Ainsi, sur les huit polycliniques gérées par cet établissement, seule celle de Chaâbet El Ameur dispose de ce moyen de locomotion devant éviter aux patients des dépenses supplémentaire. A Timezrit, plusieurs femmes ont accouché et continuent de le faire en dehors des murs des hôpitaux, en raison du manque d'ambulance d'une part et de l'absence d'une maternité au niveau de leur commune d'autre part. En 2007 et afin de mettre un terme à cette situation durement pénalisante, les pouvoirs publics y ont inscrit un projet d'une nouvelle polyclinique. Trois ans plus tard, on invoque la possibilité de sa réaffectation vers une autre localité puisque aucune assiette de terrain n'a été dégagée pour sa réalisation. Le lendemain, direction les Issers, un chef-lieu de daïra de 32 000 âmes qui ne dispose d'aucun établissement de soin digne de ce nom. Notre première halte fut la polyclinique jouxtant l'Ecole supérieure de la gendarmerie. Un établissement qui connaît une grande affluence de patients tout le long de la semaine. Le médecin généraliste nous confie qu'«on assure que les soins de base, à savoir la médecine générale et les soins dentaires qui se limitent à l'extraction uniquement». Cette entité sanitaire fonctionne de 8h à 16h, avec trois paramédicaux, quatre médecins et quatre filles affectées dans le cadre du filet social. Polycliniques dans le dénuement Des citoyens estiment que L'EPSP de Bordj Menaïel n'est pas bien loti dans ce domaine. «Notre établissement englobe neuf polycliniques et 27 salles de soins pour une population de 220 000 habitants environ, mais nous n'avons que 132 paramédicaux et 67 médecins dont 24 ont été recrutés récemment. Alors que celui de Dellys, qui englobe 6 polycliniques et 19 salles de soins et une population de 94 343 habitants emploie 80 infirmiers et 67 généralistes», compare un médecin. La plupart de ceux qui s'adressent à la polyclinique en question reçoivent des conseils et des orientations à défaut de soins. Le matériel de radiologie, installé le 17 février 2007, demeure toujours «enfermé» dans une salle au rez-de-chaussée. «Les patients qui nécessitent des examens radiologiques se voient contraints d'aller vers EPH de Bordj Menaïel où à celui de Thenia, avec bien évidemment leurs propres moyens, car nous ne disposons pas d'ambulance», précise-t-on. Ce genre de carences a été constaté au niveau des polycliniques de Naciria, Bordj Menaïel, Ouled Aïssa, Si Mustapha, Zemmouri, Taouarga, Afir, Sidi Daoud, Cap Djinet, Ammal, Benchoud et Isserville. Aucune d'entre elles n'assure la garde durant la nuit et la plupart ne sont pas dotées d'ambulance et de service de radiologie fonctionnelle. Les deux dernières font l'objet de travaux de réhabilitation et d'autres le seront incessamment, bien que la plupart d'entre elles ont déjà été réhabilitées après le séisme. A Isserville, il n'y a que le service PMI et de médecine générale qui fonctionnent. Le bloc maternité (8 lits) fait l'objet d'un lifting général. «C'est de l'argent jeté par les fenêtres», lance un habitant qui soutient que «ce n'est pas par ce genre d'opérations qu'on va mettre fin aux difficultés que nous endurons en matière de santé». Les insuffisances que connaîssent les établissements sus-mentionnés démontrent que l'objectif recherché par les initiateurs de la nouvelle politique sanitaire est loin d'être atteint dans la wilaya de Boumerdès. Une politique qui recommande, faut-il le souligner, la dotation de ce genre d'établissements d'appareils de radiologie, d'échographie, d'un laboratoire d'analyses médicales, d'une ambulance et de rester ouverts jour et nuit. Résultat, des milliers de citoyens s'adressent journellement vers les hôpitaux pour se soulager de leurs souffrances. Hôpital de Bordj Menaïel, il est 17h. Une quinzaine de malades prennent place sur les bancs des couloirs du service des urgences médicales. Ils sont venus de différentes régions. La raison est toute simple : les établissements de santé de leurs localités sont fermés. Il n'y a qu'un seul médecin généraliste qui assure les consultations au niveau des urgences. Le deuxième praticien n'est pas encore arrivé. Le médecin n'est aidé dans sa mission que par trois paramédicaux. «Nous devrions être à quatre, mais le quatrième fait fonction de chef de service, un poste qui doit être assuré en principe par un administrateur», lance un des infirmiers. Là aussi, rien ne semble fonctionner normalement. Le bloc devant abriter le nouveau service de pédiatrie et de gynécologie n'est pas opérationnel. L'appareil de radiologie est en panne depuis plus de quatre mois. Les examens de radiologie sont effectués au niveau du bloc abritant le laboratoire d'analyses médicales qui est équipé de deux appareils. L'hôpital n'est pas doté des services de cardiologie et d'ophtalmologie, malgré la disponibilité de spécialistes. Les patients nécessitant des soins approfondis sont souvent orientés vers l'EPH de Tizi Ouzou et d'Alger.