La Méditerranée s'est invitée à La Roque d'Anthéron, village de 5000 âmes au nord d'Aix-en-Provence, à l'occasion de la deuxième édition du Festival du roman noir et méditerranéen, du 9 au 11 juillet. Une quarantaine d'auteurs, du Maghreb, de France, d'Italie, de Sardaigne. Le Cours Foch, au centre du village, bercé par le chant des cigales de l'après-midi caniculaire, a connu une effervescente fête de trois jours : stands de libraires, rencontres avec des auteurs, atelier de calligraphie, coin des créateurs, artisanat, expos photos, animation multimédia, musique arabo-andalouse, etc. Fiesta La fiesta s'est dite dans toutes les langues. L'occasion de voir et d'entendre ces maîtres du polar, comme le Sarde Giulio Angioni qui souligne que le roman policier c'est peut-être aussi « comprendre comment un homme est mort pour supporter notre propre mort ». C'est aussi entendre l'auteur tunisien Ali Becheur (Tunis Blues, éditions Clairefontaine, son dernier roman) se révolter contre la marchandisation de l'espace méditerranéen, scandant « Nous sommes devenus des dépliants touristiques ». Voir les destins croisés autour d'un même lieu lointain et proche. Quand l'Algérienne Najia Abeer arrache ses souvenirs à « sa » Constantine natale (Constantine et les moineaux de la murette, éditions Barzakh, 2003), il y a dans le public attablé autour de la fraîcheur, des natifs de Cirta vivant à La Roque qui lui rendent regards et sourires de la Souika. Francis Zamponi, auteur confirmé de polar et journaliste installé à Montpellier se précipite sur le livre qui porte le nom de la ville où il a vu le jour. Destins entrelacés. Lectures croisées. Regards entendus. Serge Scotto, auteur de roman policier marseillais, nous plonge dans la cité phocéenne mythique et brillamment sordide. « Ici les pierres se nourrissent de soleil », avait écrit le grand auteur marseillais Jean-Claude Izzo, dont les textes ensoleillés accompagnent l'expo de photos sur Marseille. Souvenir, souvenir Abed Abitat rattrape l'histoire des sans-histoire dans son expo photos « Chibanis, chibanias », portraits en noir et blanc de la première génération de l'immigration. « Laisser une trace, car on a besoin de cette histoire pour avancer », dit Abed. Derrière la kheima, son thé et sa fraîcheur en plein centre du village provençal, l'orchestre arabo-andalou de Didi Fouad, à l'initiative du dynamique Centre culturel méditerranéen (CCM) de Marseille, a enchanté la soirée de samedi. « L'aire méditerranéenne est frappée par le diktat des frontières, mais l'espoir est intact puisque nous nous retrouvons tous ici ensemble », se sont accordés à dire les participants. Alors on ne se dit pas seulement « au revoir », mais « à bientôt ».