Les clandestins, ou les fraudeurs comme on a l'habitude de les nommer, semblent bien occuper la scène en l'absence de services légaux à même d'assurer le transport à tous les niveaux. C'est là donc une activité qui fait le bonheur de plusieurs familles dans plusieurs villes du pays. Cela est devenu un véritable métier. Auparavant, cette activité était réservée uniquement aux chômeurs qui n'ont pas eu la chance de décrocher un poste d'emploi. Au chef-lieu de la wilaya de Bouira, les fraudeurs sont partout. On les trouve dans plusieurs endroits. A la gare routière, à proximité même des taxis, des fourgons et autres bus à destination des autres wilayas, ils tentent de grignoter… Ils sont disponibles à acheminer leurs clients vers n'importe quelle destination demandée. Pourvu qu'ils soient payés. Pour certains d'entres ces fraudeurs, rencontrés dans les différents arrêts érigés par leur propre volonté, le recours à cette activité n'est pas fortuit. D'abord, il y a le besoin «d'arrondir ses fins de mois», et puis – pour d'autres – «que faire d'autre que d'utiliser son véhicule et gagner sa vie honnêtement au lieu d'aller chaparder dans le coin». D'autres encore se croient dans une position de service public, puisque «le transport est assuré de manière intermittente, sinon anarchique dans certains endroits. Ce qui fait que les usagers ne trouvent pas mieux que de faire appel à notre service». La plupart de ces clandestins ont un petit salaire par ailleurs. Ce sont souvent des gardiens, agents de sécurité qui travaillent une journée sur deux, et des salariés de la Fonction publique qui exploitent leurs journées de repos hebdomadaire et/ou les heures de l'après-midi pour se faire un peu d'argent. Leurs salaires sont minables ! S'accordent-ils tous à dire pour justifier ce recours au transport des voyageurs. En effet, on y trouve de toutes les catégories. Des agents de l'administration, des pompiers, des enseignants, des retraités et même des policiers qui après leurs horaires de service, s'adonnent à ce nouveau métier. Âmmi Moh, pompier de son état, rencontré à une heure tardive à la gare routière de Bouira, dira «je travaille des fois jusqu'au petit matin. J'ai mes clients qui m'appellent. Ce sont des jeunes, qui des fois à leur sortie du bar, ils ne trouvent que moi ici à la gare routière». Une bonne recette, indique Âmmi Moh. «Je profite dans des moments libres de venir ici à la gare routière pour travailler, je gagne bien ma recette», dira Hamid, enseignant dans un établissement scolaire de la ville. Pour les usagers, cette situation est due, notamment à l'absence des moyens de transport à partir de 18h. Pour s'en convaincre, il suffirait d'une petite virée en ville, à partir de cette heure-là. La situation est presque la même à tous les niveaux. A Sour El Ghozlane et à Lakhdaria, les usagers doivent se débrouiller pour trouver un taxi en début de soirée. Le tarif appliqué est de 45 DA/la place. A défaut, ils sont contraints de louer un clandestin à raison de 600 DA. Des fois, ce prix augmente. «À partir de 22h, les clandestins demandent 1000 DA, juste pour une distance qui ne dépasse pas les 5 km», nous raconte Slimane, rencontré à la gare de Bouira. D'autres citoyens interrogés indiquent que le recours aux services des clandestins est justifié par des situations d'urgence dues au manque de moyens de transport. Les clandestins sont partout à Bouira et plusieurs arrêts sont érigés dans les principaux quartiers, à l'instar de l'Ecotec et celui à proximité de l'hôpital Mohamed Boudiaf. La prolifération des clandestins à Bouira n'a pas pour autant laissé indifférents les chauffeurs de taxis installés non loin de là. C'est la guéguerre. «Nous avons même interpellé les responsables du secteur des transports sur cette situation mais rien n'a été fait à ce jour», dira Saïd. Même si le prix est le même, les chauffeurs des taxis de la wilaya interpellent les autorités afin d'appliquer la loi. Cependant, faut-il noter que les responsables sont pratiquement absents sur le terrain. D'ailleurs, c'est ce que nous a confirmé le premier responsable de la direction du transport de la wilaya, arguant le fait qu'il y a un manque de personnel humain pour faire face à cette situation. Une seule brigade de trois inspecteurs assure des inspections à travers tout le territoire de la wilaya. De son côté, un responsable à la même direction, dira que même si les clandestins travaillent dans l'illégalité, ils répondent des fois à un besoin en matière de transport. Selon lui, «les usagers font appel à ce moyen et des fois, défendent même lorsqu'un fraudeur est verbalisé par les services concernés». Par ailleurs, notre interlocuteur a affirmé que la loi existe et est claire. Se basant sur la loi 01-13 du 7/08/2001 portant orientation et organisation du transport terrestre, l'article 61, stipule que les clandestins seront sanctionnés par cette loi. Il s'agit de la mise en fourrière immédiate, pour une durée de 15 à 45 jours du véhicule ayant servi à commettre l'infraction.