L'expérience est louable. C'est un exemple à suivre», commentent ceux qui ont assisté, mardi dernier à Alger, à la conférence-débat organisée pour présenter les résultats de l'audit du journal réalisé par l'Organisme de justification de la diffusion des médias (OJD-France). Et pour cause, lecteurs, annonceurs et spécialistes des médias auront enfin à leur disposition des données fiables sur le poids du quotidien El Watan. En attendant celles des autres organes qui constituent le paysage médiatique national. La fiabilité de ces chiffres vient d'être confirmée par OJD-France, un organisme neutre et indépendant qui, affirment ses responsables, ne donnera son cachet qu'à un journal qui soumettra à son contrôle toute sa comptabilité. Celle d'El Watan a été, d'ailleurs, passée au peigne fin par les enquêteurs de cet organisme, Philippe Rince, directeur adjoint, et Pierre Aumond, expert-comptable de l'OJD. Par cette opération, le quotidien confirme sa place de leader de la presse francophone en Algérie. Selon les résultats de l'audit, le tirage moyen du titre quotidien durant l'exercice 2009 s'élève à 152 600 exemplaires par jour. L'édition du vendredi, El Watan Week-end, a réalisé un tirage moyen de 111 389 de mars à décembre 2009. Les deux éditions ont réalisé, toutefois, une progression en matière de tirage. Le quotidien El Watan est passé de 139 396 exemplaires/jour en janvier 2009 à 182 527 exemplaires/jour en décembre de la même année. L'édition du vendredi, qui de son côté a démarré avec un tirage de 42 235 exemplaires/jour en mars 2009, a multiplié son chiffre pour arriver à 170 364 exemplaires/jour à la fin de l'année. Le taux d'invendus, comme le certifie l'OJD, n'est pas important. Sur les 152 600 exemplaires/jour tirés en moyenne, 127 290 sont vendus (diffusion moyenne). Avec 35 717 exemplaires/jour vendus à son lancement, l'édition du week-end arrive à 117 000 exemplaires/jour vendus en décembre 2009. «C'est une progression exceptionnelle», soutient Philippe Rince. «Souci de transparence» Interrogé à cette occasion, le directeur de publication du quotidien El Watan, Omar Belhouchet, a réaffirmé l'engagement de l'entreprise à améliorer son rendement à l'avenir. «On n'est jamais satisfaits. Nous évoluons dans un contexte de concurrence très féroce. C'est pour cela qu'El Watan a décidé de revoir sa stratégie et son organisation interne», a-t-il déclaré, citant toutes les actions menées dans ce sens. M. Belhouchet explique encore que le recours à la certification de sa diffusion par un organisme indépendant est une démarche imposée par «le souci de transparence qui anime l'entreprise». «Nous sommes en pleine réforme, à tous les niveaux dont celui de la gestion, et nous avons entrepris la démarche de nous adresser à l'OJD-France dans un souci de transparence vis-à-vis de nos lecteurs et de nos annonceurs», a-t-il ajouté. En tout cas, l'initiative a été saluée par les présents. Des annonceurs et des spécialistes des médias ont, en effet, exprimé leur soif de ce genre de données. «En tant qu'intermédiaire entre les annonceurs et les journaux, j'ai vraiment besoin de connaître le poids de chaque quotidien sur la scène médiatique nationale», a expliqué la responsable d'une agence de communication. Les présents ont surtout déploré l'absence d'un OJD national qui certifierait la diffusion des 80 titres de la presse quotidienne en Algérie. Les éditeurs ont été invités, dans la foulée, à mettre en place cet organisme qui consacrerait la transparence dans le secteur des médias. «El Watan est prêt à prendre part à toute initiative», a précisé M. Belhouchet. Impressions : – Ahcen Djaballah. Enseignant et spécialiste des médias en Algérie : «Seule la transparence nous permettra d'avancer…» «Je pense que c'est une très bonne initiative. En attendant qu'il y ait un OJD national – qui hélas est demandé depuis le début des années 1990 et n'arrive toujours pas à naître –, cela fait un énorme plaisir de voir une telle initiative même avec le soutien et l'expertise d'une entreprise étrangère. L'essentiel est qu'il faut que cette entreprise étrangère soit d'une grande expertise. OJD-France, on la connaît très bien, a une grande expérience. On est vraiment heureux aujourd'hui, tout en espérant qu'il y aura un OJD national dans un délai de cinq ans au maximum. Mais là, tout dépend de la volonté de nos éditeurs et de nos annonceurs et aussi des institutions de l'Etat. Les chiffres sont absolument nécessaires, car nous sommes dans une économie libérale ; nous avons besoin de chiffres crédibles et de transparence en matière d'activité économique, financière et industrielle pour que tout le monde sache exactement comment fonctionnent les entreprises. C'est la seule manière qui nous permettra d'avancer. Sinon, nous allons encore tourner en rond. Aujourd'hui, la presse est un secteur important dans notre économie et il est nécessaire qu'il fonctionne dans la transparence à la fois dans l'action et l'exactitude dans les chiffres et les faits. L'Etat ne peut pas tout faire, même s'il est vrai que le ministère des Finances peut contrôler en taxant un journal qui, par exemple, déclare tirer 3 millions d'exemplaires. Il y a toujours un retour de manivelle. Donc, il vaut mieux être transparent. Et peut-être tout le monde y gagnera, même le journal qui tire 2000 exemplaires sera gagnant.» – Belkacem MOstEfaoui. Enseignant spécialiste des médias : «…Sinon on aura des journaux privés subventionnés par l'Etat» «Je trouve l'initiative tout à fait heureuse. Il y a un élan d'aller vers la transparence. Le devoir de transparence des éditeurs algériens, en particulier les privés, est indispensable. Il l'est pour au moins trois choses : d'abord le droit à l'information du citoyen est incontournable ; il faut que les lecteurs et les auditoires sachent quelles sont les entreprises qui leur offrent des journaux. C'est ce que l'on appelle “le making of”, c'est-à-dire savoir quelle est cette cuisine qui nous fabrique chaque jour des quotidiens. Cela permet de connaître les ressorts économiques et les journalistes qui font ces journaux. Deuxièmement, cela est très important pour les journalistes, eux-mêmes. C'est en allant vers la transparence que les journalistes sauront quelle est leur production et comment celle-ci rencontre des auditoires et des lecteurs-acheteurs. Ce type d'audit et de scanner est nécessaire pour connaître les rapports entre les annonceurs et les journaux. Les liens entre ces derniers doivent indiquer une qualité qui fait qu'un journal a beaucoup de publicité, sinon on arriverait – j'ai l'impression que c'est la logique dans laquelle va la presse privée algérienne – à des journaux privés que subventionnera l'Etat.» – Chérif Rezki. Directeur de la publication du quotidien El Khabar : «El Khabar pense reproduire l'expérience» «Nous connaissons El Watan et ses responsables depuis les années 1990. C'est des professionnels et cette action est une preuve d'honnêteté, de franchise de leur part. Sans qu'on le lui demande, le journal donne ses chiffres en se faisant contrôler par un organisme complètement indépendant et très rigoureux. Je crois que c'est une très bonne chose, à la fois pour El Watan et pour la presse algérienne. Nous, à El Khabar, réfléchissons aussi à ce genre de contrôle. Parce qu'il y a des gens qui affichent des tirages qui ne sont pas réels. Nous donnons un tirage quotidien qui est fiable à 100% et nous aimerions le confirmer en recourant à l'OJD. Je suis convaincu qu'il le confirmera.» – H'mida Ayachi. Directeur du quotidien Algérie News : «Un pas vers plus de professionnalisme» «Je pense que c'est un pas qualitatif par rapport à d'autres journaux et aussi un pas vers plus de professionnalisme. C'est pour cela que je salue cette initiative et j'espère qu'elle sera un modèle pour les autres quotidiens.»