La cérémonie de remise des prix par la direction de l'éducation, jeudi à la salle Betchine d'El Tarf, avait des allures de funérailles. Les visages étaient fermés et les discours lugubres. Le cœur pas du tout à la fête. Et comme pour en rajouter à cette ambiance de désolation, l'animatrice et le groupe de petits chanteurs étaient vêtus de noir. Le wali a eu un geste d'humeur pour marquer son mécontentement. L'année dernière aussi. Avec 24,30% de réussite au baccalauréat, El Tarf a replongé dans le bas du tableau national. A 13 points d'écart du taux national, elle occupe la 47e place juste derrière Annaba, sa voisine. En 2008, avec un taux de 42% et un écart de 9 points du taux national, les résultats du bac à El Tarf avaient montré une légère progression par rapport à 2007, où la wilaya s'était aussi classée bonne avant-dernière juste avant Illizi. Le directeur de l'éducation, Mourad Messadia, a tiré son épingle du jeu. Selon lui, ces résultats, qui l'ont personnellement surpris, sont à mettre sur le compte des enseignants et de l'équipe d'encadrement de la direction de l'éducation. Lui n'y serait pour rien. Bien entendu, ce n'est pas l'avis général qui attribue ces mauvais scores à l'administration locale de ce secteur, donc à son premier responsable. Une gestion désastreuse, parsemée de nombreuses irrégularités et malversations, dénoncées à cor et à cri sans pourtant ébranler quiconque, au point de donner l'impression que la dérive népotique à El Tarf a été délibérément encouragée. Pour des spécialistes de ces questions, le classement par wilaya et les taux de réussite ne sont pas des indicateurs fiables pour comparer les régions. En effet, de nombreux facteurs entrent en jeu mais tous s'accordent à dire que ce qui parasite les évaluations est sans aucun doute la fraude. Individuelle ou organisée pour des intérêts particuliers ou politiques, elle a pris des proportions qui sapent les fondements du système éducatif avec toutes les conséquences qu'on peut imaginer. Elle peut prendre des formes multiples et être circonscrite à quelques salles d'examen, quelques établissements, quelques wilayas ou être franchement nationale selon le niveau de décision. Le « je veux 70% de réussite en 2008 » de Benbouzid a été perçu comme un feu vert pour fermer les yeux pendant les épreuves. Toutefois, la fraude comme la politique sont bien présentes et les disparités entre les régions ont au moins une signification sur la manière d'appliquer l'une et l'autre dans la gestion du quotidien. Autre fait relevé, les candidats qui ont passé le bac cette année appartiennent à une première promotion de lycéens dits « du nouveau système » formés d'élèves qui ont été repêchés et qui ont redoublé en 9e année fondamentale alors qu'il auraient dû être éjectés du système scolaire. Tout le monde se souvient à ce propos de cette surprenante volte-face de Benbouzid à Sétif devant une remontrance de Bouteflika. A El Tarf, on en veut pour preuve que le taux de réussite de 24,30% est dû essentiellement aux candidats libres. Un fait de plus qui met au jour les échecs inavoués de la réforme de l'éducation.