En visite dans la capitale française pour l'adhésion d'Israël à l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), Benjamin Netanyahu fait face à des rassemblements, désormais habituels, dénonçant sa politique. L'un de ces mouvements propalestiniens, le collectif génération-Palestine, appelle ainsi à protester contre «l'accueil des représentants du gouvernement d'extrême droite israélien», alors que «rien n'arrête la politique de judaïsation de Jérusalem». Mais la critique s'étend aujourd'hui au-delà des milieux militants, souvent situés à la gauche de la gauche. «La critique anti-israélienne en France déborde largement de l'extrême gauche, parce que la pensée de l'extrême gauche exerce une forte influence sur l'ensemble du corps social, avec un souci de délégitimation de l'Etat d'Israël», déplore Gilles William Goldnadel, président de l'Association France-Israël. Elle touche, ainsi, les intellectuels français dans le pays d'Europe qui abrite les plus importantes communautés juive et musulmane. Dans un ouvrage paru le 19 mai, l'écrivain Régis Debray se livre à une critique sans concession d'un Etat, selon lui, en proie à une crise d'identité entre nationalisme et universalisme : «Un Etat juif et démocratique. Le livre A un ami israélien se présente comme une lettre ouverte adressée à l'historien et ancien ambassadeur d'Israël en France, Elie Barnavi, parue le 19 mai. Israël «n'a pas cessé de coloniser, d'exproprier et de déraciner», y dénonce l'ancien militant révolutionnaire, qui fut aussi un proche de l'ex-président socialiste, François Mitterrand. Des juifs dénoncent sa politique Mais la critique de la politique israélienne, en particulier de la poursuite de la colonisation, atteint également des intellectuels juifs. Dans un «Appel à la raison» lancé le 3 mai à Bruxelles par le JCall (European Jewish Call for Reason) et qui a recueilli plus de 6000 signatures selon les organisateurs, des juifs européens ont ainsi décidé de «faire entendre une voix juive solidaire de l'Etat d'Israël et critique quant aux choix actuels de son gouvernement». Pour les signataires, dont les philosophes Bernard-Henri Levy et Alain Finkielkraut, «l'existence d'Israël est à nouveau en danger», en partie à cause de la colonisation qu'ils qualifient d'«erreur politique» et de «faute morale». Cet «appel» a été dénoncé par les institutions juives en France et la droite au pouvoir en Israël, qui y a vu une atteinte à la «solidarité juive». «Les signataires de cet appel ne veulent plus de cette chape de plomb qui les contraint à opposer le bien (Israël) au mal (tous les autres)», répondent deux d'entre eux, les avocats Michel Zaoui et Patrick Klugman, dans une tribune au journal Le Monde, mercredi. Mais ils soulignent parallèlement «leurs liens indéfectibles» avec Israël. «Des intellectuels juifs vivent la critique de manière inconfortable et ils se sentent obligés de prendre leurs distances par rapport au gouvernement israélien. Pour ma part, je ne vois aucun changement entre l'action des gouvernements Olmert, Barak et Netanyahu», affirme de son côté M. Goldnadel. Le retour au pouvoir en 2009 du Likoud (droite) de Benjamin Netanyahu, bête noire des associations pro-palestiniennes et de la gauche française, a pourtant libéré les critiques en France, avivées par la présence au ministère des Affaires étrangères d'Avigdor Lieberman, chef controversé d'un parti ultranationaliste.