Alors que les discussions de proximité entre Israéliens et Palestiniens devraient être engagées incessamment par l'entremise des Etats-Unis, le Parlement européen a abrité, lundi, une initiative intéressante. Il s'agit de la réunion d'un demi-millier de personnes, issues d'associations et divers personnalités et mouvements juifs d'Europe réputés de gauche, regroupées autour de Daniel Cohn-Bendit, Bernard-Henry Levy, Zeev Sternhell et David Chemla, entre autres leaders à la notoriété établie. Les présents ont expliqué leur motivation à signifier leur désaccord avec la politique israélienne en signant “un appel à la raison” baptisé “JCall”, qui s'inspire de la démarche et des positions de “JStreet”, une organisation juive américaine qui soutient la politique du président Barack Obama au Proche-Orient. L'appel s'adresse aux Israéliens, alors que le gouvernement Netanyahu continue “de façon ininterrompue les constructions dans les colonies de Cisjordanie et les quartiers arabes de Jérusalem-Est”. Tous les intervenants ont défendu leur choix de signer le texte et ont tenu à répondre aux critiques des droites israéliennes au pouvoir, mais aussi d'une partie de la gauche. Au reproche d'ingérence, le plus récurrent, il a été répondu que “si la nation israélienne décidera seule de son sort, cela n'empêche pas les juifs de la diaspora de s'exprimer”. “Si ce n'est pas maintenant, quand cela sera-t-il possible”, de mettre fin “à l'occupation ?”, a interrogé David Susskind, président d'honneur du Cercle communautaire juif laïc de Bruxelles. David Chemla, président de “La paix maintenant”, principal artisan du texte, a abondé dans le même sens. Il a mis l'accent sur “le risque de voir la solution de deux Etats vivant côte à côte impossible à mettre en place dans les prochaines années”. L'imbrication “de colonies dans le territoire palestinien” rendra de plus en plus difficile la création “d'un Etat palestinien viable”, a-t-il averti. L'historien Zeev Sternhell est allé plus loin dans l'analyse en estimant que “les territoires conquis en 1967 sont non seulement inutiles à Israël mais sont devenus dangereux”. L'ancien ambassadeur d'Israël en France, Elie Barnavi, a qualifié l'initiative “JCall” de “nécessité historique” d'aujourd'hui. “Si à l'angoisse nous répondons par la raison, alors nous aurons peut-être un peu d'espoir”, a-t-il déclaré. Le député vert d'Europe écologie, Daniel Cohn-Bendit après avoir fait le parallèle avec l'état des sentiments des deux côtés du Rhin, entre l'Allemagne et la France à la fin de la Seconde Guerre mondiale, qui n'a pas empêché le développement de la coopération, a averti néanmoins qu'une telle évolution au Proche-Orient ne sera possible que “si Israéliens et Palestiniens limitent leur rêve”. Pour sa part, le philosophe Bernard-Henry Levy a souhaité que “JCall” ne soit qu'un début et se développe au-delà de cet appel. Les partis de gauche amoindris en Israël, le principal d'entre eux, le parti travailliste, s'étant compromis en s'impliquant dans le gouvernement de Benjamin Netanyahu, cette initiative tombe à point nommé pour agir comme une résonance aux nombreuses voix, en Israël même, qui réclament une solution à deux Etats. Même si l'appel a peu de chances d'être entendu, son impact psychologique est certain. Normal, donc, qu'il fasse grincer des dents dans les travées du pouvoir à Tel-Aviv. Et qu'il gêne une certaine gauche qui se voit ainsi supplantée dans le rôle qui aurait dû être le sien.