Le second tour très attendu par les candidats de l'opposition n'aura finalement pas lieu. Le général Ould Abdelaziz, meneur du putsch du 6 août 2008, remporte l'élection présidentielle dès la première manche. Nouakchott. De notre envoyé spécial Comme il l'a d'ailleurs promis durant sa campagne électorale. « Nous sommes sûrs et certains de la remporter dès le premier tour », a-t-il déclaré samedi, au sortir d'un bureau de vote à Nouakchott, où il a accompli son devoir électoral. Les résultats provisoires rendus publics hier soir par le ministre de l'Intérieur, Mohamed Ould Rzeizim, créditent le général de 52,58% des suffrages exprimés avec plus de 400 000 voix, ce qui le donne vainqueur de cette élection présidentielle, qualifiée par nombre d'observateurs comme « la plus serrée » de l'histoire de la Mauritanie. Il est suivi par Messaoud Ould Boulkheir, porte-étendard des ex-Harratines et candidat du Front national pour la défense de la démocratie (FNDD), avec 16,29%. Celui qui a été présenté comme le principal dauphin du général Ould Abdelaziz, à savoir le leader de l'opposition Ahmed Ould Daddah, demi-frère du premier président mauritanien Mokhtar Ould Daddah, n'a obtenu que 13,66%, prenant ainsi la troisième position. Le plus grand perdant de cette élection reste, aux yeux de nombreux observateurs, le colonel Ely Ould Mohamed Vall, ancien chef de l'Etat qui a mené avec succès la période de transition de 2005 à 2007. Ely, comme l'appellent ses concitoyens, n'a eu que 3,81%, ce qui équivaut à une véritable humiliation pour celui qui se targuait de porter le projet de société dont rêvent tous les Mauritaniens. Il occupe ainsi la sixième place sur neufs candidats ayant pris part à cette compétition électorale. Il est surclassé par l'islamiste Jamil Mansour, qui a arraché la quatrième place avec 4,76% et par le négro-africain Ibrahim Sarr qui s'est adjugé la cinquième place avec 4,59%. Le taux de participation à cette élection est de 64,58%. Un taux jugé fort. Le ministre de l'Intérieur, dans un point de presse tenu au siège de son département ministériel, rejette en bloc les suspicions de fraude émises par certains candidats, affirmant n'avoir reçu aucune plainte ni recours relevant des dépassements au cours de l'opération électorale. Une opération que le ministre – qui est, faut-il le préciser, de l'opposition – a d'ailleurs qualifiée de « très réussie » et de « très transparente ». La CENI valide l'élection Quatre candidats, dont ceux présentés comme les principaux concurrents du général Ould Abdelaziz, ont dénoncé dès la matinée d'hier les premiers résultats, qu'ils considèrent comme « préfabriqués ». Dans une déclaration commune signée par Messaoud Ould Boulkheir, Ahmed Ould Daddah, Ely Ould Mohamed Vall et Hamadou Ould Meimou, les quatre malheureux « vaincus » ont parlé d'« une mascarade électorale qui cherche à légitimer le coup d'Etat du 6 août 2008 ». Ils ont également parlé de constatations de « manipulation du fichier électoral, d'utilisation de faux bulletins de vote et de cartes d'identité falsifiées ». Les quatre candidats ont demandé à cet effet une commission d'enquête internationale. Comme ils ont appelé le Conseil constitutionnel et la commission électorale nationale indépendante (CENI) à ne pas reconnaître ce qu'ils qualifient de « coup d'Etat électoral ». Messaoud Ould Boulkheir a affirmé devant les journalistes que les résultats sont « truqués ». Preuve en est, pour lui, la grande mobilisation des citoyens autour des autres candidats durant la campagne et qui n'a pas été traduite, d'après lui, par les résultats de ces élections. Au niveau de la CENI, où un décompte parallèle a été fait, on atteste de la crédibilité des résultats. Le vice-président de la commission, Hamdi Ould Mahdjoub, a souligné que « jusqu'à la fermeture des bureaux de vote, aucun incident ni plainte ni recours n'ont été enregistrés ». Il précise qu'au contraire, les différents représentants des candidats ont reconnu que l'opération de vote s'est bel et bien déroulée dans de « bonnes conditions ». M. Ould Mahdjoub en veut pour preuve aussi la sérénité dans laquelle s'est terminée l'élection. « Si la population avait senti que son vote a été détourné, elle aurait réagi. Mais là, je vois que les rues aussi bien de la capitale que des autres villes sont plutôt calmes », assure-t-il comme pour démentir les déclarations de candidats dénonçant la fraude. Dès l'annonce des résultats provisoires, les partisans du général Ould Abdelaziz ont investi les rues de Nouakchott pour exprimer leur joie et fêter la victoire de leur candidat. Cette élection, prévue au départ en deux tours, a été organisée conformément à l'accord de Dakar conclu en juin dernier entre les auteurs du putsch du 6 août 2008, renversant le premier président démocratiquement élu Sidi Ould Abdellahi, et les acteurs politiques mauritaniens anti-putsch. Le pays a frôlé une guerre civile et cette élection devrait ainsi mettre un terme à une crise politique qui a duré plus de dix mois.