Les Mauritaniens étaient nombreux hier à se rendre aux urnes pour élire leur président parmi les neufs candidats en lice. A Tavragh Zeina, un quartier chic de Nouakchott, les bureaux de vote ont connu dès la matinée une affluence remarquable. Nouakchott (Mauritanie). De notre envoyé spécial Jeunes et vieux, hommes et femmes, se sont déplacés pour accomplir leur devoir électoral, tous espérant en finir avec les coups d'Etat et voir leur pays retrouver sa stabilité politique. « Mon souhait est que cette élection provoquera le changement attendu par les Mauritaniens afin que le pays sorte de l'impasse politique dans laquelle il est plongé depuis le coup d'Etat de 2008 », a indiqué Ahmed Mohamdou Ould Ny, rencontré au sortir d'un bureau de vote au centre de Nouakchott. Cette élection est censée mettre un terme à la crise qui perdure depuis dix mois. Les Mauritaniens y croient, mais le climat politique demeure tendu. Plusieurs incidents ont été signalés entre les partisans du général Ould Abdelaziz et ceux de son rival du RFD, Ahmed Ould Daddah, vétéran de l'opposition. Ces deux candidats ainsi que Messaoud Ould Boulkheir du Front national pour la défense de la démocratie (FNDD) et Ely Ould Mohamed Vall, ancien chef d'Etat, qui a mené la transition démocratique 2005-2007, sont présentés comme les mieux outillés pour arracher un ticket pour le second tour, dans une compétition électorale très serrée. Les tensions entre partisans sont attisées par une guerre de déclarations entre les candidats favoris de ce scrutin dont les résultats seront connus aujourd'hui. Le premier à ouvrir le bal, c'est le général putschiste Ould Abdelaziz qui irrite ses conquérants en annonçant d'un ton ferme qu'il est « sûr » de remporter l'élection au premier tour. « Nous sommes optimistes et certains de remporter l'élection dès le premier tour. Nous sommes le camp du changement et nous allons gagner, car les autres sont des destructeurs », déclare-t-il au sortir du bureau de vote où il a accompli son devoir hier matin à Tavregh Zeina. Guerre des déclarations A cette déclaration provocatrice, son principal rival Ahmed Ould Daddah répliquera quelques heures plus tard en disant : « Il sait qu'il ne sera pas élu et je doute fort qu'il soit au second tour. Il envisage peut-être de faire un autre coup d'Etat. » Cet échange à travers la presse a fait augmenter la tension entre les partisans des deux camps. Ould Daddah, dont le ministre de l'Intérieur est issu de son parti, se voit près du but, lui qui essaie depuis une vingtaine d'années d'accéder au pouvoir, en vain. L'enjeu de cette élection est pour lui « le retour à la légalité républicaine, dont le dirigeant est désigné par le peuple ». Messaoud Ould Boulkheir s'est plutôt montré calme et serein à l'heure de l'accomplissement de son devoir électoral. Il affirme à la presse que l'avenir de la Mauritanie dépend de l'issue de cette élection qu'il a souhaité voir se terminer dans de bonnes conditions « pour le bien du pays ». Indices de fraude L'autre candidat de poids, Ely Ould Mohamed Vall, dénonce, quant à lui, des « indices de fraude ». Pour cet ancien chef de l'Etat et ancien directeur de la Sûreté nationale, toujours colonel, « il y a de très mauvaises nouvelles par rapport au déroulement de l'opération de vote à travers l'ensemble du territoire », menaçant les auteurs de cette « fraude » d'en payer les conséquences. « Ely », comme l'appellent ses concitoyens, affirme que si ces « indices de fraude » viendraient à être confirmés, cela va créer un climat favorable à la « pérennisation » de la crise. Pour étayer ses propos, Mohamed Vall évoque « l'achat des voix et des cartes de vote ». Sans toutefois accuser telle ou telle partie d'en être responsable. Il s'est cependant plaint de la courte durée de la campagne qui ne lui a pas permis de faire 10% du territoire mauritanien, alors que d'autres, allusion faite à son cousin le général Ould Abdelaziz, sont en campagne depuis des mois. Pour le colonel Vall, il est quasiment impossible qu'un des neuf candidats puisse gagner l'élection au premier tour. « Dans le contexte actuel, passer au premier tour équivaut à un coup d'Etat dont l'auteur assumera entièrement les conséquences qui en découleront », avertit-il. Le candidat islamiste, Jamil Mansour, a de son côté dénoncé des actes de « fraude », affirmant en détenir les « preuves ». Selon lui, les femmes voilées sont la principale source de la fraude. « Certaines violations ont été constatées aux premières heures du vote, notamment à cause de la non-vérification de l'identité des femmes voilées », a-t-il indiqué dans un communiqué. Le ministre de l'Intérieur, Mohamed Ould Arzizim, issu de l'opposition, assure, quant à lui, que le scrutin se déroule dans de « bonnes conditions » et qu'il n'y a pas d'éléments palpables prouvant l'existence de la fraude. Le scrutin, faut-il le rappeler, est suivi par quelque 300 observateurs internationaux, issus de différentes organisations régionales, continentales et occidentales.