L'homme est un processus et, précisément, c'est le processus de ses actes. » Et quel était celui du colonel Amirouche ? Hamou Amirouche, secrétaire particulier du colonel Amirouche Aït Hamouda pendant l'année 1957-1958, révèle, dans un ouvrage qu'il vient de publier, la véritable personnalité de l'homme d'Etat que fut son supérieur hiérarchique. Sous la forme d'un ouvrage historique et autobiographique intitulé Akfadou, un an avec le colonel Amirouche, publié par Casbah éditions, Hamou Amirouche nous fait, en effet, découvrir l'homme, son humanisme, sa rigueur de chef militaire et sa vision politique. En somme la vie de celui qui a conquis le cœur des habitants de la Wilaya III historique, voire de tous les Algériens de l'époque et d'aujourd'hui. Excédé par les contrevérités émises, après l'indépendance, par méconnaissance ou par une volonté ferme de ternir l'image d'un homme légendaire, l'auteur tente de lui rendre justice. En livrant ses propres témoignages ou ceux des responsables de l'ALN et d'anciens djounoud, Hamou Amirouche remet dans leurs véritables contextes certains faits tragiques de la guerre de Libération nationale. L'affaire de « la Bleuite » et la grande suspicion qui a provoqué de graves divisions dans les rangs de l'ALN en 1958, qu'on a reprochée après l'indépendance au colonel Amirouche, occupent une bonne partie dans cet ouvrage. « Ce complot (la Bleuite) perfide des services psychologiques de l'armée française qui induit en erreur le commandement des Wilayas III et IV, provoqua la suspicion au sein de leurs rangs et l'exécution pour trahison de quelques centaines de maquisards, selon les sources les plus fiables, ne visent pas à établir la vérité mais à amoindrir l'impact de l'action de Si Amirouche sur la révolution et sa stature d'homme d'Etat », écrit-il. L'auteur déplore, dans ce sens, les écrits et les témoignages « réducteurs » de certains acteurs de la révolution qui « n'ont d'autres desseins que de nuire à l'homme ». « Des "erreurs" tragiques, la Révolution algérienne en eut son triste lot, s'agissant de la Wilaya III, Si Amirouche reconnut les siennes », ajoute encore Hamou Amirouche. Il cite un extrait de son discours prononcé devant ses frères d'armes en parlant de la Bleuite : « On dit que l'ALN commet des injustices. Non, l'ALN ne commet pas d'injustices. Mais elle commet des erreurs. » Amirouche a réconcilié les Aurès Poursuivant dans la livraison de ses témoignages inédits, l'écrivain démontre la grandeur d'esprit et la grande sagesse de l'homme. Ainsi, en 1956, suite à la mort du chef de la Wilaya I, Mustapha Ben Boulaïd, le Congrès de la Soummam a été chargé de réconcilier les frères ennemis de la région (Aurès-Nememchas) qui se sont dressés les uns contre les autres. Une mission réussie. Du fait de l'impressionnante importance prise par la Wilaya III dans la résistance sous son commandement, Amirouche a également réussi son initiative d'organiser une rencontre avec les chefs de wilayas de l'intérieur, en décembre 1958, afin de réagir collectivement à l'inertie des responsables en Tunisie face à l'érection des lignes électrifiées et l'interruption de l'acheminement des armes et des munitions. Il a été également chargé de la préparation logistique du Congrès de la Soummam. Hamou Amirouche corrige également une autre fausse idée qui a été faite de son supérieur et selon laquelle, « il n'aimait pas les intellectuels ». « Une idée complètement fausse », rétorque-t-il, en affirmant qu'Amirouche dénichait des jeunes étudiants et les envoyait, par équipes, en Tunisie pour poursuivre leurs études. Avant de revenir sur les conditions de sa première rencontre avec le colonel et sa relation avec la population de la vallée de la Soummam dont il a eu la charge, Hamou Amirouche raconte la première rencontre du colonel Amirouche avec Krim Belkacem. C'est en décembre 1954. « Son chef, Amar Aït Chikh, ayant été tué au combat, Si Amirouche prit immédiatement, de sa propre initiative, le commandement de la région de Aïn El Hammam où son groupe opérait (…), Krim Belkacem apprit qu'un certain Amirouche avait, de sa propre autorité, pris la direction de cette région, il le convoqua sur le champ », précise-t-il. La rencontre s'est terminée avec une révélation : celle d'un homme des situations délicates. Sans attendre une interrogation de Krim, Si Amirouche lui fournit des explications. « Quand notre chef est tombé, j'ai vu les hommes désorientés… Je les ai pris en main, en attendant ton arrivée », lui a-t-il dit. Krim Belkacem, ajoute-t-il, a vu en lui un chef idéal et le chargea immédiatement de la gestion de la basse Kabylie. L'ouvrage de Hamou Amirouche contient également des témoignages sur plusieurs faits d'armes du colonel. Il revient aussi sur le différend existant entre l'intérieur et l'armée des frontières, en particulier sous le commandement de l'ancien président, Houari Boumediène. Akfadou, un an avec le colonel Amirouche est publié chez Casbah éditions, Alger, 2009. Bio express Hamou Amirouche est né à Tazmalt (Béjaïa) en 1937. Ce fils de forgeron et grand militant du PPA-MTLD a eu un parcours particulier. Après le certificat d'études primaires et trois années de labeur dans la forge familiale, il est admis au centre d'apprentissage de Béjaïa où il fut l'un des organisateurs de la grève des étudiants de mai 1956. Quelques mois après, il rejoint le maquis et devient le secrétaire particulier du colonel Amirouche, en 1957-1958. En mars 1958, il est désigné par le colonel pour faire partie d'une mission qui achemine le courrier et les fonds vers la Tunisie. A Tunis, il est nommé responsable du foyer des étudiants créé par Si Amirouche en 1957. Sur ordre du colonel, il reprend ses études et décroche son baccalauréat. Il est envoyé par la suite aux USA où il poursuit des études en économie politique à l'université Wesleyan et obtient un DES en sociologie politique à l'université du Colorado. Après avoir occupé plusieurs postes de responsabilité en Algérie, Hamou Amirouche retourne en 1994 aux USA, où il est enseignant à l'université de San Diego.