Depuis la légalisation du multipartisme en Algérie, en 1989, les partis démocratiques ont tenté des alliances, notamment en période électorale, mais sans grand succès. On assiste aujourd'hui, après l'élection présidentielle du 9 avril, à de nouveaux appels pour la création d'un pôle démocratique de l'opposition, en vue de mener la société vers le changement. L'appel à l'union des forces démocratiques sera-t-il entendu cette fois ? Quelle forme prendra cette union ? Les citoyens, plusieurs fois déçus par la politique politicienne et les échecs répétés d'alliances démocratiques, reprendront-ils confiance dans le projet de construction démocratique ? La Constitution de février 1989 qui a légalisé le multipartisme en Algérie post-indépendance, (des partis existaient dans la clandestinité durant le temps du parti unique), a permis la légalisation de près de 60 partis politiques, dont certains composés à peine du nombre d'adhérents minimum exigé par la loi. Peu d'entre eux ont survécu. Aujourd'hui, 22 partis sont représentés à l'Assemblée populaire nationale (Parlement), dont 7 avec plus de 10 sièges et 14 ayant entre 1 et 5 sièges, selon les résultats des élections législatives de mai 2007. Pourtant, mis à part quelques tentatives d'alliances autour d'échéances électorales, chaque parti, même microscopique, a préféré faire cavalier seul, plutôt que de s'unir avec d'autres formations de la même mouvance. Ce foisonnement de partis agréés visait, selon certains analystes, à discréditer le multipartisme en Algérie et à empêcher la constitution d'une véritable force d'opposition. Dans les rangs des partis démocratiques et républicains, les tentatives d'alliance avortées ou peu fructueuses ont fini par décevoir beaucoup de citoyens qui s'identifiaient au camp démocratique et qui ont fini par tourner le dos à la politique, découragés par les rivalités de clocher et les luttes intestines au sein de ces partis. Une nouvelle approche d'alliances ne pourra se faire et rencontrer le soutien des citoyens que si les dirigeants de ces partis font leur critique et analysent les raisons des échecs de leur union par le passé. Ces raisons, ne sont -elles pas à rechercher dans le manque d'ancrage des partis démocratiques au sein de la société, leur manque d'expérience et les erreurs dans la démarche suivie, qui a été biaisée pour avoir privilégié le « sommet » des appareils des partis et non la base des militants et des citoyens, unis autour d'actions et de luttes concrètes et pas seulement sur la base de programmes idéologiques ? Les citoyens organisés en syndicats, associations, comités, ont eu à mener des luttes parfois très dures, pour l'amélioration de leurs conditions de vie sociale et professionnelle, dans l'indifférence des partis démocratiques qui se comportaient en sectes, coupés de la masse. La faiblesse de certains partis est tellement manifeste que leur présence sur la scène politique se trouve réduite à une simple diffusion de communiqués de presse ou encore à la tenue de meetings électoraux. Le fonctionnement interne de ces formations, dominé par le pouvoir absolu du chef (zaïm), les divisions, les luttes pour le leadership, les préjugés, les manipulations, n'ont pas toujours permis la sérénité voulue pour militer et faire avancer le projet démocratique au sein de la société, laquelle est activement « travaillée » par ailleurs, par les courants islamistes et conservateurs dominants. Considérant ces lacunes, une nouvelle tentative d'union semble alors improbable, d'autant que les deux partis importants de cette mouvance, le Front des forces socialistes (FFS) et le Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), ne semblent pas prêts à enterrer la hache de guerre. Si une alliance — organique — semble donc illusoire, par contre, les forces démocratiques peuvent faire preuve d'innovation et trouver de nouvelles formes de rassemblement, qui permettent à la fois de maintenir l'indépendance organique de chaque parti et d'offrir un cadre de concertation et de débat. Ainsi, à titre d'exemple, un forum informel ouvert à tous, sans lutte de leadership, peut rapprocher les démocrates de tous horizons et de toutes tendances autour du projet de construction démocratique. Dans cette démarche, il ne faut pas négliger le fait que les citoyens ont été échaudés par la politique, épuisés par une décennie de terrorisme, excédés par les divisions des démocrates qui n'ont pas réussi à mettre de côté leurs divergences secondaires pour s'unir autour de l'essentiel. La meilleure façon de renouer le fil de la confiance et de réconcilier les citoyens avec la politique, n'est t-il pas de créer un nouveau cadre de rassemblement qui soit en rupture avec les anciennes méthodes et qui soit animé par de « nouvelles têtes », d'hommes et de femmes politiques crédibles, honnêtes, qui ne sont pas impliqués dans les luttes de sérail ? Cela paraît possible si l'on considère le désir profond pour le changement qui existe au sein de la société. Car si les forces démocratiques sont aujourd'hui « affaiblies », la démocratie, semble au contraire, devenue une aspiration plus profonde et un concept plus ancré qu'il y a quelques années. Ce forum, ouvert sur la société et ses convulsions, notamment les couches de jeunes et de femmes, peut s'organiser sur la base d'une plateforme de travail, ou « Smig démocratique », qui va constituer un engagement moral et non pas organique, pour tous ses membres. Il ne va pas se substituer aux partis, qui continueront d'exister chacun de façon indépendante, mais qui peuvent mener des actions politiques communes sans être obligés d'être d'accord sur tout. Un forum offre l'avantage de ne pas être une organisation politique achevée, structurée, mais un cadre souple, qui permet d'écarter les luttes de leadership, puisque tous les membres ont le même statut et sont liés non par des engagements organiques mais moraux. Ce qui importe c'est l'objectif visé et non pas l'organisation qui sert de support pour sa concrétisation. Ce rassemblement pourra assurer la jonction entre la jeune génération qui veut lutter pour construire son avenir et les politiciens expérimentés, qui ont à cœur de voir l'Algérie figurer au rang des pays modernes et développés, où règnent la démocratie, la justice, l'égalité et le bien-être pour tous ses citoyens, rejetant l'exclusion, l'arbitraire et la violence. Des partis qui prétendent arriver au pouvoir pour diriger tout une nation aussi diversifiée que l'Algérie, peuvent-ils y arriver s'ils ne parviennent même pas à nouer un dialogue avec des gens de la même mouvance ? Qu'en sera-t-il alors avec tous les Algériens ? Des exemples puisés dans l'histoire anti-coloniale de l'Algérie, peuvent inspirer les démocrates aujourd'hui, comme ce fut le cas du FLN historique, qui a réussi à rassembler différents partis politiques existant à l'époque coloniale, (nationalistes, communistes) autour de l'objectif commun de la guerre d'indépendance du pays, grâce notamment au rôle unitaire joué par le martyr Abane Ramdane qui a conduit, en mai 1956, les discussions avec le Parti communiste algérien (PCA). L'auteur est : Journaliste