L'été approche et les salles de remise en forme se remplissent. Autour des haltères, des poids et des appareils de musculation, c'est le rush. Simple coïncidence ou réelle tendance, Malek, 22 ans, étudiant rencontré au détour d'une salle de sport dans le quartier d'El Harrach, a son avis sur la question. «Avant l'été, c'est fou comme les salles se remplissent ! Il faut sculpter ses muscles, entretenir sa forme, parfois perdre un peu de ventre, c'est une affaire de séduction.» Son copain, Mohamed, renchérit : «Il y a ceux qui veulent rester en forme et ceux qui veulent profiter de l'été, mais au printemps tout le monde s'y met.» Loin de l'esprit de compétition, des entraînements chevronnés et des clichés de bodybuilders aux corps luisants et gonflés, Malek poursuit : «Nous ne sommes pas des mordus, mais les salles sont ouvertes tous les jours et c'est très pratique. Nous y venons entre 45 minutes et une heure pour y travailler un peu les jambes, les pectoraux, les bras… Et puis l'ambiance est bonne. Vers 18-19h, la salle est remplie, on rigole.» Un phénomène nouveau ? Pas si sûr. Plus visible, peut-être, grâce aux performances plus médiatisées des athlètes, à l'image de Mohamed Silmani, champion d'Afrique, 7e au Championnat du monde de bodybuilding à Manama 2009 (Bahreïn), le spécialiste algérien Mohamed Slimani reste méconnu en Algérie. Slimani s'est lancé également dans la promotion et initie des jeunes dans une salle située à Bab Ezzouar. A Oran, il existerait déjà plus de 200 salles de musculation, dont la majorité, clandestines, et où parfois, les pratiquants se dopent aux hormones interdites. Même les filles «Depuis vingt ans, la musculation attire de plus en plus de monde. Et plus nous avançons dans la promotion de cette activité, plus nous gagnons des pratiquants et du public pour nos spectacles». Ce constat, c'est Moussa Messaour qui le tire. Un véritable poids lourd dans le milieu du culturisme. Fondateur, ex-président et actuel directeur technique national de la Fédération algérienne de bodybuilding et de power lifting, il estime avoir réussi à arracher ces deux pratiques à la tutelle de la fédération d'haltérophilie. «Ce n'est qu'en 2006 que nous avons réellement pu obtenir notre indépendance. L'haltérophilie est un sport olympique, plus formel dans sa pratique et dont nous ne partageons pas les mêmes gestes. Dès 1991, nous disposions d'une commission nationale de power lifting et de bodybuilding, certes rattachée à la fédération haltérophile, mais disposant de ses propres pratiquants». Les chiffres sont là pour parler. Le divorce des fédérations a conduit à une division des troupes. Et la jeune fédération ne cesse de voir ses rangs grossir. De 2400 licenciés en 2006, elle en regroupe aujourd'hui près de 8300. Même les filles s'y mettent. Depuis 2007, elles sont un petite trentaine, réparties dans plusieurs clubs, à avoir rejoint la fédération de power lifting et bodybuilding. Mais on est loin des images de femmes, complètement bodybuildées, défilant en bikini. «Pays musulman oblige, les femmes ne pratiquent pas le bodybuilding, mais seulement le power lifting», explique Moussa Messaour. «Chaque année, nous organisons un championnat national féminin dans dix catégories. Mais nous ne participons pas encore aux championnats féminins internationaux, nous travaillons dans l'espoir de les intégrer dès l'année prochaine». Ambiance techno Cette croissance s'explique par un fort potentiel. «Les salles de sport drainent une quantité incroyable de pratiquants, faisant d'eux de potentiels licenciés», poursuit Moussa. «Tous nos efforts de stratégie sont mis dans la formation des entraîneurs, nous voulons professionnaliser le milieu». Un discours fort pour une réalité plus complexe. Khalifa Naïli, président du Club sportif amateur culturisme, basé à Maison-Carrée, prévient : «Le culturisme attire beaucoup de jeunes. Il permet d'être sculpté et fringant. Mais attention, une pratique anarchique peut conduire à des problèmes de santé». D'autant que des boutiques spécialisées en compléments alimentaires, non contrôlées, s'ouvrent un peu partout. Ambiance techno, présentation futuriste, les étalages se veulent aguicheurs mais n'en sont pas moins déroutants. Les compléments se vendent par bidon de 5 à 10 kilos et se mélangent à l'eau et au lait. «Nous vendons seulement des compléments alimentaires, se défend l'un des gérants, installé à Alger et qui se présente comme un pharmacien. Pour le développement musculaire, les articulations, le sommeil, la mémoire. Nos clients sont très variés, nous ne recevons pas que des sportifs et certains ont plus de 50 ans.» A l'évocation des éventuels dangers d'une surconsommation de ces compléments, il estime «qu'ils n'entraînent pas plus d'effets secondaires qu'une surconsommation alimentaire normale». Une appréciation contestée par la communauté scientifique (voir interview) et qui sonne comme un rappel à tous les pratiquants : sculpter son corps ne doit pas conduire à l'abîmer.