Le dernier Salon du livre et du multimédia amazighs organisé du 17 au 20 mai à Bouira, constitue bien une halte pour mesurer les conséquences positives de l'introduction de tamazight à l'école. Le HCA (Haut commissariat à l'amazighité), né suite aux accords du 22 avril 1995 impliquant une reconnaissance ne serait-ce que partielle de la dimension amazighe de notre identité nationale, qui organise cette 6e édition a, d'ailleurs, bien voulu en faire le point. Ainsi et loin de prétendre faire l'inventaire en matière de multimédia, puisque l'on est encore aux premiers balbutiements, mais le livre semble néanmoins faire son petit bonhomme de chemin. Cela est de l'avis de l'ensemble des acteurs ayant pris part à cette manifestation désormais considérée comme l'une des rares, sinon l'unique à même de dévoiler la réalité du terrain en ce qui concerne la promotion de la langue et de la culture amazighes dans notre pays. D'un point de vue d'ensemble, «le livre amazigh est devenu une réalité incontestable». En effet, de plus en plus d'auteurs, romanciers, poètes et chercheurs donnent de la consistance à la production dans cette langue doublement millénaire. Pour les chercheurs en littérature et linguistique berbères «le passage de l'oralité à l'écrit est déjà amorcé, reste à mieux canaliser le flux de production et mettre les règles les plus élémentaires à même d'assurer une évolution croissante accouplée à la promotion sans faille de tamazight dans tous les domaines de la vie sociale». M. Ali Mokrani, doyen du HCA et non moins auteur dans cette langue nous dira à ce propos que «tamazight a enregistré un saut qualitatif considérable en dépit de la persistance de certaines insuffisances en matière de prise en charge du volet promotion, particulièrement sur le plan des médias». Notre interlocuteur qui jette un regard réaliste sur l'évolution de l'édition en tamazight dira encore que «le HCA milite pour plus de considération à tous les volets sous-jacents à même de constituer l'ossature que seule la création d'une académie berbère puisse mettre en valeur et développer». Abordant la question de la production dans la langue tamazight, certains auteurs et enseignants de cette langue diront que l'on est déjà en face d'une réalité tangible et non moins prometteuse. Il s'agit là de l'existence d'une bibliographie riche qui, dans une certaine mesure, permettra d'offrir de la matière à traiter aux chercheurs, notamment ceux travaillant dans le cadre institutionnel du HCA et/ou des trois départements de langue et culture amazighes de Tizi Ouzou, Béjaïa et Bouira. A ce niveau d'ailleurs, la revendication de l'élévation de ces départements au rang d'instituts est brandie par nos différents interlocuteurs qui considèrent que «les travaux universitaires sont ceux qui ont la possibilité d'élever la production au rang des standards scientifiques qui prémunisse toute production littéraire et/ou scientifique des erreurs de singularisation». Pour se mettre au diapason de cet objectif tant recherché, des travaux d'atelier ont bien été tenus durant toute la durée de ce salon pour faire le point de situation. Des chercheurs émérites y ont pris part à l'image du professeur Oussalem Mohand Ouamar de l'université de Tizi Ouzou et non moins connu pour ses recherches élaborées autour du dictionnaire berbère. Considérant que le dictionnaire est l'élément de base pour toute entreprise de standardisation de la langue amazighe que certains cercles tentent de réduire au statut de dialectes disparates sans consistance, Menniche Malek, enseignant de tamazight et auteur de plusieurs lexiques en tamazight préconise la mise en place d'une institution spécialisée pour cerner la donne et permettre aux linguistes d'élaborer des travaux scientifiques pouvant aboutir à la standardisation de la langue amazighe. «Je ne prétends pas faire dans le dictionnaire, car ça doit être un travail de groupe. Cela veut dire que ce que j'ai publié n'est qu'une collecte de mots et d'expressions usuels pouvant faire l'objet d'approfondissement à l'avenir», dira-t-il. Sur le volet de la production littéraire, si l'avis partagé, notamment par les auteurs et les éditeurs présents au salon est celui consistant à encourager la production dans cette langue, certains souhaitent voir ce volet perfectionné. D'abord, il y a le besoin de rendre lisible cette langue avec l'importance des œuvres à mettre sur le marché, puis la mise en place de paramètres à même de perfectionner les lignes éditoriales. «Le plus important, actuellement, est de mettre des garde-fous et des règles pour que les différentes œuvres s'inscrivent dans une logique scientifique. Il est temps de cesser de mélanger les genres et de respecter les différents styles d'écriture», préconisa Brahim Tazaghart, écrivain et responsable des éditions Tira de Béjaïa. D'autres éditeurs, à l'instar de Mohand Arkat des éditions La Pensée (Tizi Ouzou) abondent dans le même sens, eux qui rejettent l'idée qui fait croire au déficit de lecteurs. «Les lecteurs existent, et ce n'est pas un hasard si l'on trouve de plus en plus de demandes sur les produits littéraires, à l'image du roman, la nouvelle et la poésie», dira notre interlocuteur. D'ailleurs, cette tendance se confirme bien par l'abondance des œuvres du genre sur le marché du livre amazigh. Un petit tour sur les étals nous renseigne amplement sur la diversité des œuvres qui font désormais le décor des bibliothèques. Des noms et des titres de différentes œuvres littéraires font le plein et accrochent de plus en plus l'intérêt des lecteurs… C'est là donc des prémisses encourageantes pour l'avenir du livre amazigh, s'accordent à dire les initiés.