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Laïcité stricte, laïcité ouverte, laïcité critique : Une interprétation du débat français (2ème partie et fin)
Publié dans El Watan le 07 - 06 - 2010


III. Laïcité critique
Qu'est-ce que la neutralité de statu quo ? C'est une position théorique qui fait l'économie d'une réflexion critique sur les relations qui existent entre Etat et religion. Parce qu'elle ne spécifie pas correctement une base impartiale sur laquelle fonder les jugements d'injustice ou d'inégalité dans les sociétés réelles, elle ne permet pas d'articuler les faits aux normes, et ainsi de réduire les effets de domination produits par le statu quo.
En quoi les laïcs stricts succombent-ils à la neutralité de statu quo ? Par abstraction du statu quo, car ils font appel à la laïcité imaginée plutôt qu'à la laïcité réelle. En d'autres termes, ils se réfèrent exclusivement aux principes abstraits de séparation et se refusent à justifier ou critiquer la façon dont ces principes ont été en pratique mis en œuvre. Le problème qui se pose, en conséquence, est celui de l'incohérence et du double standard. Alors que les religions traditionnelles ont pu bénéficier d'une interprétation «souple» de la laïcité ouverte, on demande aux musulmans de respecter à la lettre les principes de la laïcité stricte. Or, on ne peut raisonnablement demander aux musulmans de respecter la laïcité stricte s'ils voient par ailleurs que d'autres groupes religieux s'en sont partiellement affranchis.
Comme les marxistes et autres théoriciens critiques l'ont bien montré, l'application directe de principes abstraitement «neutres» dans des contextes «non-neutres» ne fait que perpétuer les inégalités réelles. De leur côté, les partisans de la laïcité ouverte s'exposent à une aporie symétrique. Au lieu de s'abstraire du statu quo, ils l'idéalisent : ils prétendent en effet généraliser les entorses à la laïcité idéale. Comme on l'a vu, ils proposent, par exemple, l'extension aux musulmans du «système des cultes reconnus» qui prévaut implicitement en France (et officiellement en Alsace-Moselle).
L'argumentaire est similaire à celui développé par des penseurs multiculturalistes tels que Tariq Modood dans le contexte britannique. Selon ces derniers, plutôt que de rechercher une séparation plus stricte de l'église et de l'Etat, les musulmans auraient intérêt à demander la généralisation de l'établissement, c'est-à-dire l'extension des privilèges de l'église anglicane aux autres religions. Là où ce type d'argument pèche, c'est qu'il ne s'interroge pas suffisamment sur la légitimité des privilèges existants.
Autrement dit, les laïcs stricts raisonnent trop a priori, et les laïcs tolérants raisonnent trop ad hoc. Or, ni l'abstraction ni la contextualisation ne permettent la critique raisonnée du statu quo. Ainsi, a fait défaut au débat sur la laïcité en France (et ailleurs) une mise en perspective critique des relations qui existent entre Etat et religion, qui est le préalable nécessaire à toute discussion sur l'application juste de la laïcité aux musulmans. D'où l'intérêt d'un «républicanisme critique» qui pose un principe laïque général, et deux exceptions destinées à corriger la neutralité de statu quo et ses effets de domination.
Le principe général est celui de la citoyenneté laïque. Celui-ci postule que dans les sociétés pluralistes, le statut de citoyen ne peut être fondé que sur une base non-confessionnelle et non-sectaire — c'est, par définition, un statut général et universel qui ne peut être rattaché à aucune croyance ou identité. C'est là le principe commun du libéralisme et du républicanisme. On en dérive l'idée selon laquelle la sphère publique doit être religieusement neutre (agnostique) pour traiter croyants et non-croyants sur une base égalitaire et inclusive. La sphère publique impose légitimement ses règles au religieux dans tout ce qui touche les principes fondamentaux : la citoyenneté laïque, l'égalité entre les sexes, la liberté de croire et de pas croire, la primauté du droit civil sur les règles religieuses, la neutralité religieuse des institutions publiques, le refus du rôle politique des organisations religieuses : ces principes forment l'armature de la «clause principale» du républicanisme critique.
Une laïcité bien comprise n'accepterait pas l'expression par les institutions d'une allégeance à quelque religion que ce soit, mais devrait respecter l'expression de convictions religieuses chez les citoyens. Un vrai débat, délicat et complexe, devrait concerner le statut de l'interface entre le public et le privé, notamment les situations où le citoyen cesse d'être un individu privé et ne peut légitimement faire valoir ses croyances en public sous peine de miner les conditions de la citoyenneté laïque. Est-il juste, par exemple, de bannir tout symbole d'appartenance religieuse pour un ministre de la République et un inspecteur des impôts pour un instituteur et un universitaire ? Cela devrait dépendre de l'importance de la fonction, et de sa nature symbolique et/ou coercitive. En ce qui concerne l'école, autant on peut soutenir que les personnels, bâtiments et programmes des écoles publiques se doivent d'être laïques (afin de n'exclure, même symboliquement, aucun élève), autant il me semble que la prohibition de symboles religieux ne saurait s'appliquer aux élèves eux-mêmes.
Voilà donc pour le principe général qui tire les conséquences de la citoyenneté laïque pour les principes d'organisation de la sphère publique. La laïcité, dans cette optique, est essentiellement une doctrine de séparation stricte (qui enjoint les institutions publiques à ne pas formellement reconnaître ou promouvoir une quelconque religion) accompagnée d'une doctrine de conscience tolérante (qui limite la portée du devoir de réserve religieuse). Car une conception trop stricte de la laïcité aboutirait à l'exclusion de la religion de la vie publique et sociale, ce qui constituerait une forme de domination des croyants. Pour cerner les limites précises de ce risque, la «laïcité critique» que je défends propose deux clauses secondaires à la clause principale de la citoyenneté laïque : l'Etat ne devrait soutenir aucune religion, sauf si une telle abstention alourdit de façon déraisonnable l'exercice des libertés religieuses de base (la clause du «droit fondamental») et/ou contribue à la légitimation d'un statu quo désavantageant de manière indue les groupes religieux minoritaires (la clause de la «parité contextuelle»).
La «clause du droit fondamental» est en principe admise par le droit de la laïcité français. Le droit de la laïcité s'est accommodé de certaines exigences religieuses, et la neutralité religieuse de la sphère publique a été interprétée de manière souple (concernant du moins les usagers ordinaires, la laïcité ayant été plus restrictive, on l'a vu, concernant les agents publics). L'exemple le plus clair de cette souplesse est celui du financement par l'Etat des aumôneries et lieux de prière dans les institutions closes telles que les prisons, l'armée ou les internats. La règle de non-financement des activités religieuses a trouvé là une limite de principe, qui veut que, sans intervention de l'Etat, les croyants membres de ces institutions ne seraient plus en mesure d'exercer (effectivement) les droits que les autres citoyens peuvent exercer librement dans la société civile. D'où la première exception au principe de séparation énoncée plus haut : l'Etat ne devrait soutenir aucune religion, sauf si une telle abstention alourdit de façon déraisonnable l'exercice des libertés religieuses de base.
A travers la deuxième clause, celle de la «parité contextuelle», la laïcité critique cherche à corriger les effets de domination produits par le fait que la laïcité a historiquement pris la forme d'une catho-laïcité. Tout statu quo qui désavantage gravement les minorités doit être justifié, corrigé, ou compensé. Le but est d'assurer l'égalité des chances de pratique de toutes les religions (et non l'égalité des résultats suggérée par la laïcité ouverte). Cette «laïcité critique» ne cède pas sur les principes de droit fondamentaux — la citoyenneté laïque, l'égalité entre les sexes, la liberté de conscience de tous, la primauté du droit civil sur les règles religieuses, la neutralité religieuse des institutions publiques, mais elle affirme aussi que la mise en forme institutionnelle des principes dérivés de la laïcité — les règles de financement public, la visibilité symbolique du religieux, les accommodements de la pratique religieuse dans les collectivités publiques et privées — est variable historiquement et culturellement, et se prête plus difficilement à l'énoncé de grands principes.
Dans ce cas, le droit normatif à la française doit céder la place au dialogue et à la démocratie délibérative. Dans un tel régime de non-domination, les membres de minorités religieuses doivent pouvoir contester les règles et normes du statu quo, si elles remettent en cause un droit religieux fondamental (clause du «droit fondamental») ou si elles légitiment un statu quo, catho-laïque notamment, qui les désavantage gravement (clause de la «parité contextuelle»).
Ces principes de «laïcité critique» sont-ils pertinents si l'on cherche à penser à nouveaux frais un certain nombre de débats concernant le traitement de l'Islam dans le contexte européen
contemporain ? C'est ce que la dernière section de cet article cherchera brièvement à démontrer.
En particulier, je me tourne vers quatre revendications émises par les musulmans ou les défenseurs d'une laïcité ouverte, pour en examiner la légitimité au regard de la laïcité critique : la revendication que le lien organique entre l'Etat et certaines religions dominantes sur le plan historique soit étendue aux musulmans, les revendications portant sur les écoles musulmanes ainsi que celles qui visent le financement public de la construction de mosquées, et l'exemption de certaines règles générales pour motifs religieux.
Considérons, comme premier exemple, l'idée de multi-faith establishment (établissement multiconfessionnel), défendu en Angleterre par Modood et suggérée en France, on l'a vu, par l'archevêque de Strasbourg. Elle concerne l'extension aux religions minoritaires du système historique des «cultes reconnus» (tel le Concordat appliqué à l'Alsace-Lorraine) et, plus généralement, des privilèges historiques accordés au christianisme en Europe. Il en est ainsi, dans plusieurs pays européens, de l'enseignement religieux à l'école, du délit de blasphème et/ou d'insulte religieuse, et de la représentation des autorités religieuses dans les assemblées consultatives (telles la Chambre des Lords au Royaume-Uni). Selon la perspective de la laïcité critique que je propose, ces propositions sont difficilement défendables.
En effet, les pratiques d'établissement battent directement en brèche la notion de neutralité religieuse de la sphère publique. Tout comme un Etat à forte identité chrétienne risque d'aliéner les minorités religieuses non chrétiennes, un Etat à forte identité religieuse, même multiconfessionnelle, aliénerait tout autant les non-croyants. Dans les sociétés pluralistes contemporaines, il est important de préserver une sphère publique qui soit autant que possible détachée des appartenances religieuses et qui soit vraiment «publique». Telle est la clause principale de la doctrine de laïcité critique (qui suit sur ce point la laïcité stricte).
Un raisonnement similaire peut être appliqué au financement public des écoles religieuses, chrétiennes, juives, ou musulmanes, qui me parait contraire au principe de laïcité, y compris dans la version critique que je défends. Dans les discussions actuelles, on fait l'hypothèse que le statu quo est justifié, et on s'interroge sur les conditions dans lesquelles il peut être étendu aux écoles musulmanes. D'évidence, on ne saurait refuser aux musulmans ce qu'on accorde sans sourciller aux autres religions. Mais il aurait fallu — par cohérence et justice — s'interroger de manière critique sur le bien-fondé de ce statu quo, qui a fait de la promotion de l'école publique laïque son idéologie officielle, mais qui, en pratique, finance généreusement les écoles privées religieuses. Selon la doctrine républicaine critique (qui suit ici la laïcité imaginée, sinon la laïcité réelle pratiquée en France), la famille et les églises sont les lieux privilégiés de la transmission des croyances religieuses, alors que l'école est principalement un lieu d'éducation du citoyen.
L'Etat a un devoir vis-à-vis de tous les enfants en tant que futurs citoyens : celui de les socialiser dans un espace commun qui soit «détaché» du milieu familial, et qui donne à tout enfant les mêmes opportunités. Ainsi, la tolérance d'écoles privées à caractère religieux mine potentiellement tous les idéaux de la république : la cohésion et la mixité sociale, l'égalité des chances, l'apprentissage de la citoyenneté, la tolérance et la solidarité entre enfants issus de milieux, classes, cultures et religions différentes. En pratique, bien entendu, il peut y avoir des bonnes raisons de tolérer l'enseignement privé — et de faire de son contrôle étroit une condition de son financement (c'est grosso modo la situation actuelle en France). Mais encore convient-il de distinguer soigneusement idéal et réalité — et rappeler que les écoles privées sont sûrement une bien plus grave entorse aux principes de la laïcité que le port de signes religieux dans les écoles publiques.
Que penser, ensuite, de l'aide publique à la construction de lieux de culte, telles les mosquées ? Selon les principes de la laïcité critique, celle-ci peut en revanche se justifier. Reprenons une à une la clause principale et les deux clauses secondaires. La première clause secondaire, celle du «droit fondamental», semble être remplie : autant il est contestable que le droit au financement public de l'enseignement religieux soit un droit fondamental, autant il est acquis que la liberté religieuse requiert, pour ne point être purement formelle, le droit de prier en commun dans des lieux de culte décents. La deuxième clause, celle de la parité contextuelle, semble aussi être remplie. Il ne s'agit pas — comme ont pu l'affirmer certains défenseurs de la laïcité ouverte — de compenser les musulmans pour le fait qu'étant absents du territoire (métropolitain) français avant 1905, ils n'ont pu bénéficier des avantages historiques de la reconnaissance publique des cultes.
Mais il est concevable d'avoir à les compenser pour le fait qu'ils ne bénéficient pas actuellement des conséquences du compromis de 1905, qui confie encore aux collectivités publiques le soin de l'entretien des lieux de cultes bâtis avant cette date. La différence est subtile, mais importante : autant il est problématique d'offrir compensation pour des états de fait inégalitaires passés, autant il est cohérent, et parfois juste, d'offrir compensation pour des disparités actuelles dans l'usage de fonds publics, même si celles-ci s'expliquent par des raisons historiques. L'aide au financement des mosquées remplit donc les deux clauses conditionnelles de la laïcité critique.
Cet équilibre entre les critères de l'intérêt public, la liberté religieuse et l'égalité contextuelle doit être recherché dans les autres cas de revendications musulmanes d'exemptions à la loi commune. Il convient de s'assurer que la loi est «commune» sans être injustement discriminatoire. Ainsi, la laïcité critique admet la mise en question de certaines règles coutumières (ou conventions culturelles), quand elles ont un effet en termes de domination. Ainsi, le calendrier officiel des jours chômés et fériés, bien qu'officiellement laïque, facilite la pratique de la religion chrétienne.
Dans ce contexte, l'autorisation accordée aux croyants de religions minoritaires de prendre des congés pour motif religieux ne relève pas d'un privilège exorbitant, mais bien d'un rétablissement de l'égalité. Même si on ne saurait accéder à toutes les demandes, sous peine de «contrainte excessive», l'important est de reconnaître que certaines règles relèvent, non de principes de droit fondamentaux, mais bien de conventions culturelles particulières. Ainsi, les «carrés musulmans» dans les cimetières, l'offre de repas sans porc dans les collectivités publiques sont autant d'exemples d'«accommodements raisonnables», qui s'avèrent nécessaires quand les lois communes ne relèvent pas de principes neutres et universels, mais au contraire tendent à reproduire les valeurs et normes implicites de la culture majoritaire.
En revanche, des revendications concernant l'application de règles religieuses en matière de droit civil et familial, ou l'autorisation d'absence pour cause de prière cinq fois par jour (par exemple), apparaissent infondées et inégalitaires : la première parce qu'on peut montrer qu'il y a un intérêt public à l'application d'un droit laïque à tous (notamment pour préserver l'égalité entre hommes et femmes) et la deuxième parce qu'elle impose des coûts exorbitants (et inégalement répartis) à la collectivité au nom d'une conception «maximaliste» de la liberté religieuse. Notons d'ailleurs que ce type de revendications «maximalistes» est pratiquement inexistant en France, où les musulmans ont dans leur grande majorité assimilé les principes de la laïcité. Leurs revendications se bornent, pour la plupart, à demander un accès plus égalitaire à la citoyenneté.
Au terme de cette analyse, que peut-on retenir des avantages de la laïcité
critique ? D'une part, la laïcité critique suggère aux musulmans de France que la laïcité n'est pas simplement ou nécessairement une idéologie «catho-laïque» légitimant un statu quo arbitraire.
Correctement interprétée, elle offre les bases d'une intégration juste dans la république, à condition bien sûr que les musulmans acceptent le principe de séparation entre citoyenneté politique et identité religieuse. Mais, d'autre part, l'analyse présentée ici suggère que certains laïques ont tort de présenter la laïcité comme une idéologie foncièrement athée et antireligieuse. Si, d'évidence, la laïcité est fondamentalement incompatible avec l'islamisme politique, elle n'est pas incompatible avec l'Islam tel qu'il est pratiqué de façon majoritaire en Europe.
Prétendre le contraire reviendrait à aliéner les musulmans de la laïcité et de la République et, par là, à attiser, et non à éteindre les braises menaçantes de l'islamisme radical.
Texte de la conférence prononcée lors des Débats d'El Watan tenus le 28 mai 2010 à Alger sur le thème «La laïcité à l'épreuve de l'Islam».


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