Nous avons choisi des boutiques de la rue Didouche et sommes aussi allés au bazar Mellah du 1er Mai. Si les vendeurs ont été en général assez réticents à notre intrusion, les clients se sont montrés intéressés et prêts à nous répondre. Ce sont des femmes plutôt à l'aise et qui entendent vivre pleinement leur féminité que nous avons rencontrées. Le refus des commerçants de nous laisser discuter avec la clientèle révèle le tabou récurrent autour du corps de la femme. Leur intervention aurait pourtant pu être très enrichissante. Les femmes viennent en famille ou parfois en couple pour choisir leurs sous-vêtements. «Je préfère venir avec mon mari pour avoir son avis», nous déclare timidement une jeune femme. «Et puis je serais mal à l'aise seule, puisque l'on a souvent affaire à des vendeurs plus qu'à des vendeuses», dit-elle. On trouve des sous-vêtements de toutes sortes, au même prix partout : 200 à 400 dinars pour les culottes, strings, boxers ou autres, et de l'ordre de 500/600 dinars le soutien-gorge. Les prix ne diffèrent que très peu selon les enseignes, «il n'y a pas de différence de plus de 50 ou 100 dinars maximum», précise une cliente. Les produits proposés sont majoritairement importés. «Tout est importé», affirme une femme, venue au bazar faire ses achats de lingerie avec sa fille. «Il y a beaucoup de marques françaises (playtex, Dim), mais je pense que ce que l'on trouve chez nous n'est pas la même marchandise qu'en France», ajoute-t-elle. Ce serait donc des modèles spécialement destinés à l'exportation vers certains pays comme l'Algérie. Les femmes sont donc attirées par l'ailleurs, la nouveauté et la mode. Il n'existe pas encore de magasin spécialement réservé à la vente de lingerie, même si une jeune fille, en habituée, nous conseille d'aller à Griffa, à la rue Didouche. Une clientèle exclusivement féminine dans cette boutique, où l'on trouve aussi bien des vêtements que divers dessous. L'engouement pour la lingerie semble tout naturel, d'autant que la femme algérienne, souvent bridée dans ses comportements vestimentaires, voit dans le choix de ses sous-vêtements le moyen d'exprimer sa coquetterie, son originalité et d'afficher sa différence. C'est un nouvel espace intime exprimant une explosion actuelle de ce marché, une tendance, un espace d'émancipation discret, mais bien réel. Les maillots de bain, des deux-pièces fleurissent aussi sur les rayons, que des jeunes filles coquettes ne manquent pas d'acheter. La présence sur les marchés de «maillots-hidjab» atteste de l'hétéroclisme des tenues adoptées par les femmes. Les plages sont l'illustration parfaite de cette diversité, les jeunes filles arborant soit des maillots deux-pièces légers, soit se dissimulant derrière des vêtements, tissus, ou autres paréos. Une clientèle diversifiée donc pour la lingerie fine, femmes voilées ou non, jeunes ou moins jeunes, motivées par «le besoin de se sentir belle». Un pari réussi pour tous les commerçant du secteur.