Avec l'été, se remplissent rapidement plages et piscines. De la plage de Bab-el-Oued à la piscine de Kiffan Club, on se rend compte du contraste des pratiques vestimentaires surtout. L'observation anodine de femmes profitant d'un moment de baignade semble nous révéler bien plus sur la société algérienne dans son ensemble, mettant en lumière certaines contradictions. Sur les plages dites populaires, telle celle de Bab El Oued, Nous avons pu observer la «pudeur» affichée des femmes. Aucun maillot de bain. On se dissimule derrière des vêtements amples, qui parfois exacerbent d'ailleurs des formes qu'ils prétendent dissimuler aux yeux de tous. «Je ne pourrais jamais me mettre en maillot deux-pièces ici», déclare avec dépit une jeune fille. «Je ne peux pas, je me sens jugée». L'idée n'étant pas forcément d'imposer le maillot deux-pièces comme vêtement «officiel» de plage, mais plutôt de normaliser son usage. Que les femmes qui souhaitent porter un maillot de bain le portent, que les autres nagent non dévêtues, si cela correspond à leur envie réelle. Pour l'instant sur certaines plages, des femmes se sentent brimées par le regard accusateur des autres. A d'autres endroits, comme Palm-Beach ou Sidi Fredj se côtoient tous les genres. Maillots légers pour certaines, T-shirt et short pour d'autres, voile pour certaines. «Je viens ici en famille et nous passons toujours un bon moment», nous précise cette maman. Ni hidjab, ni maillot de bain, une simple robe. «Je respecte celles qui portent un bikini, elles sont jeunes». On trouve, en effet, une partie de la plage «réservée aux familles», ce qui assure une relative tranquillité. Une jeune fille nous dit ne pas porter de maillot «par habitude». Pudeur ? Morale ? Tradition ? Nous nous trouvons ensuite confrontée de plain pied dans un univers totalement différent. Nous sommes pourtant toujours à Alger, mais les gens semblent si différents. Quels repères garder à l'esprit ? Nous sommes à Bordj El Kiffan, piscine de loisirs qui accueille une foule nombreuse chaque jour. Etudiants, femmes seules, couples. Les hommes doivent être accompagnés pour rentrer. Un prix assez élevé qui renseigne sur le genre de public, prix à payer pour «se sentir plus libre» ? Cette barrière financière interpelle. Faut-il, pour pouvoir arborer librement bikini ou autre brésilien de son choix, débourser davantage ? De la musique, une animation intense : les gens dansent, glissent le long des toboggans et s'accordent un moment de détente autour d'une pizza ou d'un sandwich à la terrasse. Transats, parasols, confort et «liberté» semblent de mise. «C'est le seul endroit à Alger où je me sens vraiment à l'aise pour porter ce genre de maillot», affirme une jeune femme, étudiante en commerce. «Ailleurs, je me sens observée. Les gens se montrent parfois très intrusifs vous savez», me dit-elle, cherchant mon assentiment. Et son amie d'ajouter «ça n'était pas comme ça avant, ma mère m'a montré des photos d'elle plus jeune, ce devait être dans les années 1970, et le maillot de bain ne paraissait pas choquer outre mesure». Pour faire bref, les contrastes sont frappants entre les différents endroits où je me suis rendue. L'intolérance et l'incompréhension, quant à certains comportements vestimentaires, amènent au cloisonnement des individus dans certains espaces. Est-ce vraiment ce à quoi il faut rêver d'aboutir ? Cette différence, selon les lieux et milieux, devrait attirer notre attention. Atteste-t-elle du malaise de la société algérienne empêtrée dans ses contradictions ? Un vêtement suffit-il à démontrer la grandeur morale d'un individu ? Le port d'un maillot de bain constitue-t-il un pas vers la dépravation ? Une telle hypocrisie me gêne. Je ne prône rien, sinon le droit pour chacun de faire ses propres choix. C'est l'été, le temps des glaces et des sorties à la plage, mais c'est aussi le temps de la baignade et son lot de maillots de bain, l'occasion pour nous d'effectuer un bilan des pratiques actuelles et autres tendances estivales ostentatoires.