Avignon. De notre envoyé spécial Sur la route, de Jack Kérouac, fut, de la fin des années 1950 jusqu'aux années 1970, le livre-clef de ce qu'on a appelé la «beat generation», Dans le monde entier, le phénomène, dit aussi beatnik, a envahi la planète. L'Algérie issue de l'indépendance n'y avait pas échappé. Ceux qui ont aujourd'hui entre 55 et 70 ans ont tous connu, si ce n'est eux-mêmes, des copains qui succombaient à la vague. Au-delà de la petite histoire de chacun, la grande histoire retient que le livre de Kérouac, Sur la route, paru en 1957, est considéré comme un mythe littéraire fondateur de cette épopée. En ces temps de bougeotte sous la canicule, on se rappelle qu' On the road est le récit des errances sublimes, terribles, délirantes et extatiques de Sal Paradise (Jack Kérouac) sur les routes américaines de 1947 à 1950, et ses rencontres avec des «hommes remarquables, dont Carlo Marx (Allen Ginsberg), Old Bull Lee (William Burroughs) et l'extraordinaire Dean Moriarty (Neal Cassady)… », indique dans sa présentation le comédien Thierry Levefer, de la compagnie Raoul & Rita. Tous sont passés à la postérité comme icônes de ce mouvement. C'est Kérouac lui-même qui inventa le terme «beat generation».. «Beat» signifie à la fois battu, mais aussi béat – de béatitude – «en attente de révélation». Le beat («pulsation») est aussi le rythme de jazz (et de la musique en général). De béat à beat, le francophone d'origine (Jack Kérouac est né au Québec) a su inventer une catégorie qui lui a largement survécu à sa mort, en 1969, à l'âge de 47 ans, faisant naître le mythe. Sur sa trace et celles des personnages qu'il dépeint, beaucoup ont continué la route du rejet de la société, et de la recherche du plaisir maximum. En ces années 60 où dans beaucoup de pays, dont l'Algérie, le ton était à la révolution collective, Kérouac s'est fait l'apôtre du plaisir individuel et sans entraves. Ces personnes singulières se dézinguèrent dans l'amour à tout prix, la drogue sans limite, et les rêves extatiques. Plus que «beat generation», cela donna aussi une génération perdue qui se consolait dans la création. Ils partageaient un goût pour la prose spontanée et le surréalisme. Sur la route fut écrit d'un seul jet, en trois semaines, sur un rouleau de papier de 36 mètres de long, dans de longues sessions de prose spontanée. En voici une extrait, vers la fin du montage qu'en a fait Thierry Lefever ; «…Et le pouce en batterie sur une route au printemps, on se dirait qu'on part pour la Californie, Denver, Salt Lake City et puis Frisco. Carlo, Sal, Dean et Marylou et Tim Gray bitures bagarres à Central City, sur des airs de Charlie, de Lester ou de Miles Et puis Hollywood la chienne, et la sombre gaîté reviendrait, et nos ombres s'étaleraient sur Mulholland Drive.» Et on se dirait «Ouais, c'est ça, on est là ! On a le hit !» Sur cette foutue terre, clochards célestes mouchetures collées au pare-brise du monde, et on se dirait qu'on est les plus grands glandeurs mystiques de tout ce putain d'univers !» L'original a été vendu aux enchères pour 2,2 millions de dollars en 2001. Une version complète du rouleau original vient d'être publiée aux éditions Gallimard (Paris 2010). Le phénomène n'est pas près de se tarir, son livre se vendant déjà régulièrement à plus de 100 000 exemplaires par an. – Plus d'infos : http://raouletrita.over-blog.fr