Jack Kerouac rêvait d'une adaptation de son roman culte. Brando, Hoppen, Godard, Dylan s'y sont frottés en vain. Pas Walter Salles, qui a présenté mercredi sa version à Cannes. Avec On the Road, Walter Salles part sur les routes américaines à l'heure de la beat generation. Sur la route est l'un des plus fameux romans du XXe siècle, la formidable errance américaine, paru en septembre 1957 et placé sous le signe de la Beat Generation par Kerouac. Walter Salles y voit «l'éveil politique et social de jeunes gens qui découvrent une géographie humaine inconnue et qui savourent une liberté qui ne leur était pas permise». Il en va ainsi de la perte de l'innocence et, à travers la quête d'une ultime frontière qu'ils ne trouveront jamais. Les comédiens (Garett Hedlund et Sam Riley) sont beaux et époustouflants. Kirsten Stewart sensuelle, blonde, échappée de Twilight, s'essaye au personnage de Marylon, la presque adolescente accro aux galipettes. Les guest-stars (Kirsten Dunst, Tom Sturredge en Allen Ginsberg, poète Beatnik, Viggo Mortensen en Burroughs, Gourou Junkie) sont au rendez-vous. En partant sur les traces de Sal Paradise, double de Kerouac, on ne sent jamais la sueur, l'odeur du macadam, le parfum du shit, le goût du sexe. Le bonheur de croquer à pleines dents dans la liberté, la rébellion, l'espace, la route aurait mérité plus de sauvagerie. Film trop lisse, trop gentil, trop propre, on aurait tant aimé plonger dans un film déchiré parce que la route permet de se frotter au monde, à la force des road-movies, et à l'actualité du récit de Kerouac. L'autre moment très attendu de ce 65e festival, c'était le retour de Nicole Kidman, on l'avait perdue de vue au milieu des années 2000 où elle flirtait un peu trop avec la chirurgie esthétique. En barbie torride, elle signe un sacré retour dans Paperboy, humide et poisseux, conforme aux marais de Floride où rodent des alligators révélateurs de la violence quasi primitive que véhicule ce polar d'atmosphère. La discrimination raciale, très présente, est liée à l'expérience personnelle du réalisateur Lee Daniels, noir lui-même. Les personnages, la servante noire, le criminel condamné pour meurtre, la jeune femme qui écrit aux prisonniers pour les aider, lui ont été inspirés autant par sa propre famille, que par le roman de Pete Dexter. Cela éclaire d'un jour particulier un film plus complexe qu'il n'y paraît. Nicole Kidman, la rousse australienne d'Honolulu se faisait définitivement un nom avec le film d'auteur au titre prometteur Prête à tout. Ce qui est exactement le cas de Charlotte Bless, son personnage dans le nouveau film du réalisateur de Precions. Barbie sexuelle, ultra blonde, avec des yeux aux cils très longs et moulée dans une robe rose, Charlotte Bless aime les hommes dangereux. Elle entretient une correspondance avec des condamnés à mort. Et ce qui s'échange dans les lettres est si torride que les détenus ne peuvent que s'enflammer. Dans le film, Charlotte Bless rend visite à un meurtrier présumé innocent que des avocats voudraient sortir du couloir de la mort. Mais son correspondant a une dévorante envie de cette Charlotte, désormais en face de lui. Mais il ne le peut pas. Alors Charlotte ouvre les jambes, arrache son collant, expose sa petite culotte de dentelle et mine l'acte sexuel… Il y a du Tennessee Williams dans ce personnage de femme fatale, rivalisant avec celle, célèbre, de «Basic instinct», où Sharon Stone laissait entrevoir de la même manière une intimité plus que troublante. Interrogé sur la gêne éventuelle à tourner une telle scène, elle affirmait dans la conférence de presse, avec un petit sourire qu'elle n'avait eu aucune difficulté à aller très loin dans l'interprétation, dès lors qu'elle s'était identifiée au personnage et qu'elle doit rentrer dans la peau de Charlotte. Loin du Thriller moitié et sudiste de Lee Daniels, le Mexicain Carlos Reygadas est aussi dans la compétition avec Post elux, une œuvre austère. Les mots y sont rares, mais la maîtrise cinématographique du réalisateur est impressionnante. Il capte les visages et étire le temps comme pour aspirer le spectateur d'une atmosphère à la fois spirituelle et fantastique. «Crise» Dans ce film, il s'agit du dernier voyage d'un jeune vampire, romantique, de la finance dans Twilight. Robert Pattinson, coqueluche des jeunes filles, franchit un pas vers le 7e art en se glissant dans l'univers inquiétant du Cosmopolis de David Cronenberg. Dans ce film, trip probablement futuriste et fable philosophique plutôt bavarde, Robert Pattinson est de tous les plans : il suscitait jusque-là plus d'hystérie que d'admiration. Et puis vint Cosmopolis et son rôle de Golden Boy… Des crocs à Cronenberg un acteur est né. Le comédien londonien avoue : «J'aime beaucoup, même si j'avais peur au départ, tourner avec David Cronenberg. Qu'importe, le réalisateur de Crash et de Faux-Semblants, en bon directeur d'acteurs, trouve de nouvelles potentialités à l'interprète en Edward Cullen. Parce qu'il a envie d'une coupe de cheveux, le milliardaire s'élance, malgré les encombrements newyorkais, à travers la ville. Et ce caprice de gamin va se transformer en dernière journée d'un somnambule robot de la haute finance. Car Parker a perdu la partie et comme le requin qui arrête de tourner, il va s'asphyxier. Alors, Parker brûle ses dernières cartouches en aspirant à l'intérieur de sa gigantesque limousine blanche ses futurs et très jeunes concurrents, mais surtout des femmes (dont Juliette Binoche) qu'il consomme hâtivement, alors que sa jeune épouse le repousse. Mais lorsque Packer, spectre du capitalisme, quittera son cocon, il en sera fini de lui car, dit-il, «la continuité logique du business, c'est le meurtre…» Plus cérébral qu'organique, Cosmopolis, tiré d'un roman de Don de Lillo, introduit l'anomalie, l'imperfection dans un système qui prétend tout assurer, tout contrôler. Cynique, Packer constate : «Personne n'a rien contre les riches. Tout le monde est à dix secondes de la richesse.» Pour certains, c'est quand même plutôt une demi-heure (dans le film).