Au début des années 1960, alors que l'Algérie renaissait au terme d'un combat épique, le monde était chamboulé par une révolution qui jaillissait des Etats-Unis, la «beat generation». Lyon De notre correspondant La «beat generation», ce fut d'abord une vivace idée de liberté intellectuelle qui se traduisait par un puissant et dérangeant mouvement littéraire. Pourtant, cette frénésie de mots, la jeunesse n'en sera plus jamais vraiment la même ! Qu'on songe au mouvement hippie qui bouleversa à sa manière la planète, à la contre-culture vivace aux USA, ou aux événements de Mai 1968 en France. Quelques années plus tard, dans les années 1970, en Algérie même qui se construisait alors sur des bases des trois révolutions (agraire, industrielle et agricole), il n'était pas rare de croiser dans le pays des clones de cette période épique qui donna vie aux «beatniks». Lorsque le poète Jean Sénac fit sa déclaration d'amour en clamant : «Tu es belle comme un comité d'autogestion», on peut se demander s'il n'y avait pas là une parenté lointaine, même si l'amour de la révolution était alors fécond. Comment est né ce mouvement aux USA ? Un documentaire diffusé ce mercredi soir sur Arte, que nous avons pu découvrir en avant-première, explore cette nourrissante mutation sociale qui marqua le monde entier. Si la phase «beat» fut éphémère, elle façonna l'histoire sociale et culturelle avec des contrecoups visibles encore aujourd'hui. Le film de Jean-Jacques Lebel raconte la formidable et durable amitié entre Jack Kerouac, Allen Ginsberg et William S. Burroughs, qui suscita d'abord le formidable mouvement littéraire de la Beat Generation. Trois livres qui avaient valeur de manifeste Les images d'archives et le récit de Ginsberg apportent de la force au document. L'histoire commence à New York, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, au moment où Kerouac envisage pour la première fois d'écrire «un énorme roman sur tout ça» : leur histoire commune. Puis, il passe par San Francisco, Mexico, Tanger, Paris et s'achève une quinzaine d'années plus tard avec la publication de Howl (Allen Ginsberg), Sur la route (Jack Kerouac) et Le Festin nu (William S. Burroughs), trois livres qui avaient valeur de manifeste. Pour le documentariste, par ailleurs, commissaire d'une exposition actuellement visible au centre Pompidou de Metz, «avec une dizaine d'autres écrivains, le KGB (Kerouac-Ginsberg-Burroughs), ce trio infernal, a dynamité la littérature, posé les germes de la contre-culture et influencé les modes de vie et les mentalités à venir. Ce film montre ce qui les relie et les oppose à l'Amérique à travers la découverte des grands territoires, leur quête d'absolu et d'accomplissement de soi – essentiellement par la littérature. Au long de la route, les clochards célestes (Ndlr : titre d'un roman de Kérouac) en rupture avec le puritanisme ambiant plongent dans la sexualité, dans les drogues et découvrent le bouddhisme ». Un film à voir pour la page de rêve que l'histoire fulgurante de ces trois amis éveille en nous. * «BEAT GENERATION Kerouac - Ginsberg – Burroughs», un film de Jean-Jacques Lebel et Xavier Villetar, une coproduction Arte France, la compagnie des Phares et Balises, le Centre Pompidou (2013-52mn). Mercredi soir à 22h35. Revoir sur internet sur Arte 7.