L'enquête judiciaire, sur la mort par électrocution de deux adolescents et qui a déclenché une vague de violences sans précédent dans les banlieues françaises à l'automne 2005, est terminée. Un juge d'instruction de Bobigny a adressé la semaine dernière un avis de fin d'information à toutes les parties. Non, ils ne volaient. Si, ils étaient poursuivis par la police. Deux gardiens de la paix sont mis en examen pour « non-assistance à personnes en danger » et pourraient comparaître en correctionnelle dans le courant de 2010. Le 27 octobre 2005, trois adolescents poursuivis par des policiers s'étaient réfugiés dans un transformateur EDF de Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint Denis, près de Paris. Deux d'entre eux, Zyed Benna et Bouna Traoré, sont morts électrocutés, le troisième, Muhittin Altun, a été gravement blessé. Les familles des victimes de Clichy estiment que des propos du ministre de l'Intérieur de l'époque, Nicolas Sarkozy, ont été un facteur déterminant du déclenchement des émeutes. Au lendemain de la mort des deux jeunes, il avait mis la police hors de cause, assuré que les victimes étaient impliquées dans un vol sur un chantier et n'étaient pas poursuivies par les policiers au moment de leur entrée dans le transformateur. L'enquête de l'Inspection générale des services, IGS, la « police des polices », a en grande partie infirmé ses dires. La procédure a établi qu'il y avait eu deux poursuites successives de jeunes par des policiers. Elle a certes confirmé une intrusion préalable sur un chantier privé mais sans pouvoir l'imputer aux victimes. L'hypothèse d'une responsabilité policière est bien retenue, sur le fondement d'enregistrements de conversations-radio lors du drame, saisies et versées au dossier d'instruction. Le premier mis en examen est un gardien de la paix présent sur le terrain. Selon ces enregistrements, il déclare notamment trois fois à ses collègues avoir vu les deux jeunes gens se diriger vers le transformateur EDF et lance : « S'ils rentrent sur le site EDF, je ne donne pas cher de leur peau ». Le second policier mis en examen est celui qui a reçu les alertes à la salle de contrôle. Il est reproché aux policiers de ne pas avoir prévenu EDF pour que l'électricité soit coupée dans le transformateur. Leur défense nie toute infraction. Les parties disposent désormais d'un délai de trois mois pour présenter soit de nouvelles observations, soit demander des actes supplémentaires. L'avocat des policiers veut des informations complémentaires sur la mort des adolescents. « L'instruction n'est pas terminée. J'ai l'intention de déposer, avant fin août, des demandes d'actes complémentaires. La prégnance de la partie civile a fait que l'instruction ne s'est intéressée qu'à ce qui s'était passé cinq minutes avant le drame » a réagi Me Daniel Merchat, conseil d'un des policiers mis en examen dans cette affaire. Pour Jean-Pierre Mignard, l'avocat des familles de Zyed et Bouna, « Tout acte d'information complémentaire ne vise qu'à une chose : retarder l'examen de l'affaire en audience publique et contradictoire. Je considère que c'est une information judiciaire qui a été anormalement longue ».