Par M'hamed Sahraoui (*) Nous avons suivi attentivement cet entretien. A la question de Mme Ababsa de savoir pourquoi les professionnels n'auraient pas participé à l'élaboration du texte de loi, le ministre a fait savoir que le débat était ouvert et que leur participation est la bienvenue dès lors que le projet de loi est maintenant du ressort du législateur au niveau de l'APN et du Sénat. Nous saisissons donc l'occasion pour soulever quelques interrogations qui pourraient servir le débat au niveau des deux Chambres, chacune en ce qui la concerne, enrichir le projet de loi des avis et recommandations qui émaneraient des promoteurs immobiliers publics et privés eux-mêmes, de leurs partenaires et des experts à l'occasion de rencontres organisées à cet effet, et peut-être faciliter ainsi les échanges de ces Chambres avec le ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme représentant le gouvernement : -1. Pourquoi le décret législatif n° 93-03 du 1er mars 1993, à l'exception de l'article 27 portant sur l'activité immobilière, a-t-il été remplacé en son objet par l'activité de promotion immobilière ? Nous savons que l'activité de promotion immobilière est un segment important de l'activité immobilière mais elle ne peut pas la remplacer. -2. Les dispositions finales du projet de loi font mention de l'abrogation de l'ordonnance n°76-92 du 23 octobre 1976 portant sur les coopératives immobilières. Faut-il comprendre qu'elles sont interdites, d'une part, et que deviendraient les coopératives en cours d'activité, et quels seraient les droits des coopérateurs, d'autre part ? -3. Au lieu de définitions courtes qui laissent la porte ouverte à des interprétations différentes selon les intérêts personnels des antagonistes dans l'acte de promotion immobilière, tous acteurs confondus, l'activité devrait être analysée et définie juridiquement, comme sont définies et codifiées les autres activités de maître d'œuvre, d'entrepreneur par exemple. -4. Une réflexion portant sur les missions, tâches et responsabilités dans l'acte de réalisation d'une opération de promotion immobilière doit être menée afin de coordonner les différentes interventions entre les différents acteurs et situer les responsabilités de chacun. En effet, autant les rapports du promoteur à l'administration, du promoteur à ses clients et du promoteur à la justice, sont explicités et clarifiés, autant les rapports du promoteur à ses nombreux partenaires ne sont pas cités et les responsabilités franchement occultées. Sachant que la réalisation des opérations de promotion immobilière est une chaîne de processus dont les acteurs sont l'agent immobilier, le notaire, le service de l'urbanisme de la commune (certificat d'urbanisme, – PDAU et POS –, l'architecte et le bureau d'études, – indépendants – les concessionnaires de services publics (eau, assainissement, gaz et électricité, téléphone et internet), sans oublier les opérations en douane qui ignorent totalement l'utilité publique énoncée par le texte de loi, le promoteur risque de faire les frais de tous les retards, malfaçons et autres surcoûts qui ne sont pas de son fait. Le promoteur immobilier passe un contrat avec l'architecte et le bureau d'études, mais n'a aucune prise sur les interventions relevant du secteur public (les services de l'urbanisme pour la délivrance et/ou les autorisations ayant trait au permis de construire, Sonelgaz pour l'électricité et le gaz, l'ADE pour l'eau, l'ONA pour l'assainissement) alors qu'il est responsable de tout retard constaté qui lui vaut pénalités. C'est dire que l'activité de promotion immobilière doit obéir à un système contractuel entre les parties engagées dans la réalisation des opérations d'études et de construction des ouvrages. -5. Par ailleurs, les pénuries récurrentes de matériaux de construction (sable et ciment actuellement), comme la réglementation contraignante de la circulation des camions ou le transport ont un impact direct sur les délais de réalisation, lesquels sont tout simplement mis à charge du promoteur immobilier. -6. La loi évoque la possibilité pour le promoteur immobilier d'avoir des sous-traitants ; cette disposition n'est pas acceptable juridiquement dans la mesure où le promoteur immobilier, personne physique ou personne morale, répond d'une seule responsabilité, celle de livrer, contractuellement, dans les délais et en parfait achèvement le bien immobilier qu'il a réalisé au prix convenu avec son client, l'acheteur. Pour ce qui concerne le processus d'études et de réalisation, il peut y avoir de la sous-traitance mais c'est au titre de la maîtrise d'œuvre ou de l'entreprise de construction. Et les responsabilités sont différentes de celles du promoteur immobilier. -7. Sur des points essentiels tels que les conditions d'exercice de l'activité, de l'agrément rendu obligatoire par le projet de loi, l'inscription au tableau institué, les autres formalités administratives et fiscales, le conseil supérieur de la profession, le projet de loi renvoie leurs définitions à la voie réglementaire sans en fixer les buts et les objectifs et/ou le cadre général. -8. Parce qu'elle n'est pas obligatoire, les modifications à apporter sur la vente sur plan (VSP) devraient faire l'objet d'un autre texte législatif ou réglementaire (ce qui est déjà le cas) puisque le promoteur immobilier peut choisir la formule de vente à l'achèvement. Cas occulté par le texte. -9. La gestion et la promotion immobilières publiques constituent un volume d'affaires très important et qui vise des objectifs hautement politiques de soutien à la demande de logements sociaux. Ces opérations sont confiées à des organismes publics (OPGI et EPLF), qui agissent comme des instruments de régulation du marché immobilier et servent d'outils privilégiés pour répondre aux besoins identifiés, quantifiés et financés par l'Etat. Les moyens comme les objectifs étant différents, ne faut-il pas différencier leur statut de celui de promoteur immobilier privé ? D'autre part, il est urgent que le projet de loi revoit les droits et les devoirs de l'acquéreur dans ses rapports avec le promoteur sur le plan des engagements financiers ; en effet, la loi ne peut pas contraindre le promoteur immobilier à conserver les droits de l'acquéreur qui ne s'acquitte pas de ses obligations financières. -10. La promotion immobilière privée au sens de l'acquisition de terrains d'assiettes et de construction de biens immobiliers n'a pas atteint le niveau de développement qui permet de dire qu'elle participe, de façon significative, à la formation du segment de marché de l'immobilier du moyen et du haut standing. Noyée dans la promotion immobilière pilotée et gérée par l'Etat (LSP et locatif) et qui est en fait une activité de maîtrise d'ouvrage et/ou de maîtrise d'ouvrage déléguée et non pas de promotion immobilière, la promotion immobilière privée ne représente que moins de 5% du marché de ce qu'on appelle aujourd'hui la promotion immobilière publique et privée. Son développement ne peut se faire que si et seulement si elle est différenciée de la maîtrise d'ouvrage. En conclusion de ce qui précède, il y a lieu de rappeler que l'aboutissement d'une opération est le résultat de l'implication directe de nombreux acteurs. Il est donc temps que le promoteur immobilier privé fasse l'objet d'un traitement égal et qu'il soit protégé en tant que professionnel, et ce, dans le seul but de rendre plus efficientes les opérations de promotion immobilière.