Les débats au deuxième jour du 6e congrès du mouvement Fatah se sont déroulés à couteaux tirés entre la direction regroupée autour de Mahmoud Abbas et les délégués qui réclament des comptes de gestion. Pensant avoir évité la fronde après avoir reconnu ses « erreurs » dans son discours-fleuve de la veille, Mahmoud Abbas a été contraint de revenir en catastrophe, hier, pour tenter d'éteindre le feu des délégués qui ne veulent pas céder. Des querelles et autres échanges à fleuret moucheté entre les deux parties ont ainsi installé une ambiance électrique qui n'a rien à voir avec la sérénité constatée au premier jour du congrès. Des centaines de délégués ont protesté contre l'absence des bilans administratif et financier sur la gestion du Fatah depuis son dernier congrès en 1989. Ils ont rejeté les explications des instances dirigeantes du parti, le comité central et le Conseil révolutionnaire, selon lesquels le discours prononcé par Mahmoud Abbas à l'ouverture du congrès faisait office de bilan de la gestion du Fatah des 20 dernières années. Les délégués mécontents et irréductibles ont ainsi interrompu une allocution du numéro deux du comité central, Ahmad Ghneim (Abou Maher), qui, furieux, a quitté la tribune. Cet incident a nécessité le retour dans la salle du président Abbas – qui n'assistait pas aux débats – pour tenter de les apaiser. Ce dernier est allé jusqu'à avouer avoir commis des « péchés » dans l'espoir de ramener les adversaires à de meilleurs sentiments. « Je reconnais que nous avons commis des erreurs, même des péchés, mais rendre des comptes doit se faire lors des réunions des commissions et non à travers des interventions anarchiques », leur a-t-il lancé. Rien n'y fit, puisque Mahmoud Abbas lui-même a été interrompu par le chahut des délégués. Le service de l'ordre est brièvement intervenu lorsque un délégué, que M. Abbas avait expulsé, a refusé de quitter la salle. Abbas joue le pompier D'autres délégués sont intervenus pour calmer les esprits et l'homme a pu finalement rester dans la salle. « Nous sommes ici pour remettre le Fatah sur le droit chemin et non pour régler des comptes », a-t-il ajouté. C'est dire que le congrès du Fatah est loin d'être une simple revue d'effectifs où l'unanimisme est de rigueur. Géré comme un parti unique, comme il en existe dans tout le monde arabe, le Fatah n'échappe pas aux soupçons de corruption sur ses dirigeants quand bien même la Palestine est en guerre depuis des lustres. Mahmoud Abbas, qui a surfé sur le jeu trouble du Hamas et l'intransigeance d'Israël pour galvaniser ses troupes et faire passer ses bilans « discursifs », a finalement buté sur des délégués qui ne veulent pas se laisser embarquer. Conséquence de ce bras de fer, ce congrès, devant s'achever aujourd'hui, pourrait être prolongé d'« un ou deux jours » pour mettre à plat les divergences, selon des participants. Affaibli par les revers politiques et militaires au profit du Hamas et son image ternie par des accusations de corruption, le Fatah a connu, ces dernières années, un déclin qui s'est accéléré depuis la mort de son fondateur et chef historique Yasser Arafat en 2004. Signe de cette méfiance, les délégués du Fatah à Ghaza, empêchés par le Hamas de se rendre à Bethléem, ont demandé dans une lettre à la direction du parti un quota pour Ghaza au sein des instances dirigeantes et d'y élire ses représentants « dans un délai de quatre semaines » faute de pouvoir voter en même temps que leurs collègues réunis en Cisjordanie, selon des participants. « Ghaza aura son poids » dans les instances dirigeantes, s'est contenté de commenter le porte-parole du congrès, Nabil Amr, se refusant toutefois de parler de « quota ». Le congrès du Fatah, qui devra adopter un nouveau programme politique et renouveler les instances dirigeantes du parti, pourrait tourner la page d'une gestion qui ne fait plus l'unanimité. Sa direction nationale n'a qu'un choix à faire : s'adapter ou disparaître.