L'encadrement de l'école de formation au langage des signes, membres de l'Union des sourds-muets de la wilaya de Béjaïa, ne sait plus à quel saint se vouer. Malgré l'énergie et la volonté du personnel, cet établissement manque terriblement de moyens matériels et financiers. C'est avec un strict minimum que cette équipe, composée de 16 encadreurs, 5 enseignants, dont deux jeunes femmes, et d'autres enseignants remplaçants, tente tant bien que mal d'enseigner ce mode d'expression. Créée en 2006, soit trois ans après la naissance de l'Union des sourds-muets de la wilaya, cette école a débuté dans le hall de la maison de la culture de la ville de Béjaïa. Mais les différentes activités qui s'y déroulent perturbent le bon enchaînement des cours, ce qui a incité les membres de l'Union des sourds-muets à louer un local. L'on compte cette année prés de 300 stagiaires dont une centaine ont l'ouïe saine. « Nous étions obligés de refuser un tas d'autres inscriptions à défaut de places » raconte Nadir Belabbas, président de l'Union des sourds-muets de Béjaïa. Selon notre interlocuteur, le premier objectif de l'école est « d'intégrer les sourds-muets dans la société ». Pour ce faire, des adultes et adolescents sourds de naissance y sont admis. Beaucoup d'interprètes sont aussi formés parmi les entendeurs. D'un autre côté, Nadir Belabbas et son équipe ont pour mission d'améliorer le niveau, jugé trop bas, des sourds-muets qui ont étudié à l'école étatique des sourds. L'insuffisance dont souffre cette école empêche ces sourds-muets d'avancer dans la vie. « Ils (les sourds-muets, ndlr) sont nombreux à avoir des dons dans différents domaines, mais ils se retrouvent devant des obstacles qui les privent de la réussite » déclare M. Nadir Belabbas. Beaucoup parmi ces sourds-muets aimeraient suivre une formation en informatique, photographie et autres. Ces handicapés pourraient aussi s'initier à l'art, tel que le théâtre et le dessin, ou encore à l'artisanat. Bref, avoir un métier qui leur assurera un avenir et leur permettra une vie autonome. Seulement, le budget de l'association ne permet pas d'acquérir le matériel nécessaire pour lancer ce genre d'apprentissage. Subvention insuffisante L'Union des sourds-muets de Béjaïa a reçu une subvention de 100 000 DA pour l'année en cours alors que le loyer à lui seul coûte 360 000 DA l'année. Rencontrés à l'école de langage des signes, des sourds-muets expriment leur détresse : « Un grand nombre de gens comme nous, s'isolent et vivent à la marge de la société. A défaut d'une instruction adéquate, ces gens finissent, au mieux, comme balayeurs dans des entreprises publiques. Au pire, ils sombrent dans le chômage, la drogue et d'autres fléaux sociaux ». D'après nos interlocuteurs, la Direction de l'action sociale de la wilaya de Béjaïa (DAS) leur refusent la pension destinée aux handicapés, prétextant qu'ils sont physiquement aptes à travailler. Les autorités ne font rien afin d'améliorer le quotidien de cette frange de la société. En tous les cas, à croire les responsables de l'Union, il y a un profond hiatus entre les promesses des officiels et leurs actions. Les sourds-muets ont aussi abordé l'importance d'avoir des interprètes au sein des hôpitaux, les tribunaux, les administrations ainsi que dans le corps de la sécurité et que ces derniers soient pris en charge par l'Etat. Ceci dans le but de faciliter le contact. « Il est aussi d'un grand intérêt que des instituteurs de l'éducation aient une formation continue au langage des signes, pour que des jeunes sourds-muets puisse avoir accès à une école normale ». L'on rêve également de voir des interprètes à la télévision, surtout lors des informations et les sessions du parlement. Pour concrétiser leurs ambitions, les sourds-muets ont beaucoup d'idées. Par exemple, ils comptent réaliser un CD d'apprentissage pour les débutants et le distribuer au large public. Mais ça reste au stade de projets pour cette association qui ne vit que des cotisations. Par ailleurs, l'Union des sourds-muets de Béjaïa demande aux autorités concernées de leur octroyer un local adapté, et l'équipement indispensable pour une meilleure prise en charge.