Vingt-cinq ans après sa création, l'union de wilaya des sourds-muets de Constantine mène un combat sans relâche pour faire valoir les droits d'une frange de la société longtemps livrée à la marginalisation. Avec plus de 2000 adhérents au niveau de la wilaya répartis sur les bureaux des communes de Zighoud Youcef, Ben Badis, El Khroub, Ouled Rahmoun, Aïn Abid, la nouvelle ville Ali Mendjeli et Constantine, qui en compte plus de 500 ; l'union affiliée à la Fédération nationale des associations des sourds-muets tente d'assister tant bien que mal tous les sourds-muets dans les différents aspects de la vie quotidienne. « Les demandes de logement, premier souci pour l'union, s'entassent chez nous depuis 1987. Malgré toutes les promesses des autorités de la wilaya, nous n'avons bénéficié d'aucune part, aussi insignifiante soit-elle parmi tous les quotas de logements livrés jusque-là », nous dira Habbès Hamdani, président de l'union de wilaya des sourds-muets. Ces derniers s'estiment marginalisés et lésés à tous les niveaux par rapport à d'autres catégories de personnes handicapées et ne comprennent toujours pas pourquoi ils demeurent encore écartés des opérations d'octroi des kiosques et de locaux commerciaux et autres avantages dont bénéficient les handicapés moteurs, comme la réduction du loyer. M. Habbès ne manquera pas de nous révéler qu'une bonne partie de la population des sourds-muets, qui se présente au siège de l'union sis à la rue Larbi Ben M'hidi pour différents motifs, est issue d'un milieu défavorisé. Un énorme travail de sensibilisation est entrepris en direction des parents généralement analphabètes et habitant en milieu rural pour permettre la scolarisation de leurs enfants sourds-muets. Côté apprentissage et formation, les jeunes sourds-muets demeurent souvent livrés à eux-mêmes. Selon M. Habbès, la qualité de l'enseignement dispensé est insuffisante surtout que la plupart des enseignants ignorent le vrai langage des signes. Les jeunes écoliers enseignés en arabe ont rencontré en conséquence des difficultés à communiquer même avec leurs aînés sourds-muets de l'ancienne école. Une bonne partie de ces jeunes qui abandonnent en cours de route n'aura d'autres alternatives que le secteur de la formation professionnelle où le seul centre habilité à les recevoir au niveau de la route de Aïn El Bey ne leur propose qu'une formation en sculpture sur bois et plâtrage. Les filles ont pour seule issue l'apprentissage de la couture au centre du Croissant-Rouge algérien de la rue Belloucif dans le quartier El Djezarine. Selon toujours son président, l'union de wilaya, sans subventions depuis quatre ans et qui ne dispose actuellement que d'un seul interprète, éprouve d'énormes difficultés à satisfaire les sollicitations et demandes des sourds-muets. Le jeune Sedrati Hocine, unique interprète bénévole activant depuis des années au sein de l'union de wilaya avoue que la tâche n'a jamais été facile surtout qu'il se trouve sollicité pour assister en même temps des sourds-muets à l'APC, à la poste, à l'auto-école et même au tribunal et aux commissariats de police. Citant les difficultés d'accès à l'emploi, les efforts déployés par l'union de wilaya ayant permis l'insertion d'une quarantaine de sourds-muets disposant d'un certain niveau professionnel au sein de quelques entreprises publiques demeure insuffisant. « C'est à cause du niveau d'instruction largement insuffisant des sourds-muets à Constantine contrairement à ceux d'Alger qui parviennent même à occuper des postes dans les banques et les administrations », regrettera M. Habbès. « Il faut élargir les domaines de formation des sourds-muets et leur donner un enseignement solide qui leur permettra d'affronter toutes les difficultés », conclura-t-il.