Pour bénéficier d'une protection familiale supplémentaire, les terroristes se marient plusieurs fois. L'extrémiste islamiste Noordin Mohammed Top, qui aurait été tué samedi sur l'île de Java, au cours d'un raid policier, s'appuyait comme bon nombre de militants radicaux indonésiens sur des relations familiales et des écoles pour se protéger et recruter des adeptes. Depuis l'attentat contre deux hôtels de luxe de Jakarta le 17 juillet (7 morts), la première attaque de grande ampleur depuis 2005, les autorités sont sous pression pour expliquer comment des islamistes présumés, liés au réseau radical Jemaah Islamiyah (JI), ont pu passer à l'action sans éveiller les soupçons. Lors d'un raid mené avant les attentats du 17 juillet contre une cache présumée de Noordin Top dans un village de Java, la police a découvert que l'homme le plus recherché d'Indonésie était marié et avait deux jeunes enfants. Le mode de vie de Noordin Top, alors qu'il était en cavale, est révélateur de la manière dont la JI est soudée par des liens sociaux très solides, via les écoles et le mariage, argumente Sidney Jones, analyste au sein de l'ONG International Crisis Group (ICG). Ces liens permettent aux militants islamistes du réseau de Noordin Top de ne pas se faire capturer, même lorsqu'ils mènent des attaques spectaculaires et sanglantes désapprouvées par d'autres membres de la JI, selon M. Jones. « Je pense que les liens familiaux ont toujours représenté un maillon essentiel permettant de préserver l'unité du réseau », explique-t-il. « Il est indéniable que lorsque vous entrez dans une famille par le biais du mariage, vous bénéficiez d'une protection supplémentaire. » Si le mariage représente un refuge, les établissements scolaires, eux, constituent un vivier potentiel de recrues. En Indonésie, près de 50 écoles entretiennent, d'une manière ou d'une autre, des liens avec la JI, selon M. Jones. La plus connue, al-Mukmin, est située à Solo, au centre de l'île de Java. Plusieurs des proches de Noordin Top, dont Nur Hasbi, recherché pour son implication dans les attentats du 17 juillet, et Asmar Latin Sani, qui s'était fait sauter en 2003 en attaquant l'hôtel Marriott, y auraient étudié. « Presque toutes les écoles disposent d'une petite frange d'un faible pourcentage de personnes qui partagent le point de vue de Noordin », déclare Nasir Abas, un ancien membre de la JI. « Je pense qu'il (Noordin) ne recrute pas au sein même des écoles, mais parmi les diplômés de ces écoles », poursuit-il. Bien que les autorités indonésiennes aient déjà appréhendé des centaines de membres de la JI et exhorté ses militants à rejeter la violence, Noor Huda Ismail, ancien élève d'al-Mukmin, est convaincu que cette approche ne parviendra pas à briser les liens du sang et la « culture de la protection » qui prévalent actuellement. Lui-même l'affirme d'ailleurs sans ambages : « Si j'avais le pouvoir de dire à Noordin de fuir, affirme-t-il, c'est ce que je ferais. Je ne le livrerais pas à la police ».