Lors de son ouverture, il y a un mois, à l'Hôtel de Ville, Hubert Julien-Laferrière, adjoint au maire, délégué à la coopération décentralisée et à la solidarité internationale, a déclaré : «Ce qui se passe ici, à Lyon, possède la force des présences de personnalités qualifiées en art et en savoir qui sont venues d'Algérie montrer et parler des créations de leur pays à leurs homologues français et aux citoyens lyonnais. Cet événement n'est ni circonstanciel ni ponctuel.» Après les remerciements de Mahieddine Moussaoui, consul général adjoint d'Algérie, Zohra Perret, présidente de l'association France-Algérie de la région Rhône-Alpes et coordonnatrice du projet, a souligné la volonté de «fonder un territoire de l'entre-deux des mixités sociales et culturelles qui témoignent de la diversité unie». Etaient présents les artistes, organisateurs et mécènes qui ont mis en place un maillage d'activités dans plusieurs sites de la ville. Et, ainsi, pendant un mois, Lyon, en son cœur battant, s'est faite algérienne. L'écoute, l'œil, la raison, liés dans un même mouvement circulaire et profond se sont saisis d'un feuilleté d'images éblouissantes de potières artistes de Patrick Massaïa, de personnages, orgueils de la culture algérienne, présentés en photographies et peintures par Rachid Nacib et des monumentales sculptures des «Enfants du monde» de Rachid Khimoune. Des lieux prestigieux ont été mobilisés : la MAPRA, voisine de l'Hôtel de Ville, pour la photo et la peinture, et le Jardin de la Basoche, pour les sculptures. Daniel Pelligra, anthropologue et réalisateur, a mis en scène une série de textes et de photos sur ce que l'on appelle aujourd'hui le «patrimoine colonial». Une riche exposition, dont l'auteur précise les contextes historiques pour lever toute équivoque possible d'une nostalgie chauvine. Le catalogue, conçu par Nicolas Cornu, fait lui-même œuvre d'art et inscrit cette fête des yeux dans l'histoire de la ville avec des textes de Pierre Souchaud et Benamar Mediene. Aux voluptés offertes aux regards par les plasticiens, se sont conjuguées les paroles libres des conférenciers. Le professeur émérite, Charles Bonn, a montré l'inépuisable richesse mythologique de Nedjma de Kateb Yacine. Naïma Yahi, historienne, a raconté comment des artistes, venus du Maghreb au XXe siècle, ont fondé une culture immigrée, qui, par en-dessous, a marqué celle de Paris et d'autres villes et régions de France. Longtemps cachée, elle apparaît aujourd'hui au grand jour. Le professeur Slimane Hachi, directeur du Cnerpah d'Alger et expert auprès de l'Unesco pour le patrimoine immatériel, a mis en écho les millénaires beautés pariétales du Hoggar. Le professeur Benamar Mediene a présenté le rapport que tout humain entretient avec son patrimoine. Dans une approche universaliste, il a montré que les frontières des civilisations sont plus profondément inscrites dans la mentalité des pouvoirs séculiers que dans la géographie humaine. Avec cet événement préparé depuis deux années par une équipe imaginative et courageuse, l'AFARA signe un acte d'amitié fondé sur l'échange de valeurs symboliques. Déjà, en 2008, elle avait consacré une somptueuse exposition au peintre Mohamed Khadda (1930-1991). L'année suivante, c'est Choukry Mesli, autre grand artiste sans frontières, qui fut reçu à la galerie Françoise Souchaud. Ce lundi, les œuvres ont été décrochées, laissant un vide provisoire. Une nouvelle fête est dans les cartons, pour la continuité des dialogues que la bonne ville de Lyon recevra dans deux ans, en perspective de manifestations-miroirs en Algérie.