La ville antique de Thamugadi (Timgad), dans la wilaya de Batna, souffre en silence. Au lendemain de l'extinction des lampions du Festival international de Timgad, les atteintes commises sur ce patrimoine archéologique font craindre le pire. Des éboulements de pierres non remises à leur place initiale comme s'il s'agissait de « vulgaires pierres », une ancienne galerie transformée en lieu d'aisance le temps d'un festival et des pièces archéologiques des plus précieuses dérobées par une « faune de pilleurs », tel est le constat après la tombée du rideau sur le festival, apprend-on auprès des animateurs de l'association « Tidoukla n'thamugadi » (Les amis de Thamugadi). La liste des violations perpétrées sur ce site chargé d'histoire est longue. « La casse est indiscutable et nous sommes dans l'irréversibilité. Si, sous d'autres cieux, un vélo de quelques kilogrammes est interdit à l'intérieur des vestiges, à Thamugadi, c'est l'ENTV qui ouvre la voie : un camion de plusieurs tonnes stationné à quelques mètres de l'arc de Trajan, sous prétexte que c'est indispensable pour une bonne diffusion. On ne voit pas ça ailleurs. Bouteilles en plastique, canettes, sacs et sachets jonchent le sol. Il y a même des personnes qui déplacent des pierres pour s'installer à leur aise. Une grosse tache d'huile de vidange indélébile, témoin du passage du camion de la respectable ENTV », a confié à El Watan, Rachid Hamatou, membre actif de cette association. L'organisation itérative du Festival international éponyme a fini de porter l'estocade dans une indifférence totale à un lieu pourtant classé patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco depuis 1982. « Après les vols, les pillages subis et, bien sûr, lors des éditions précèdentes, dont les préjudices sont irréversibles, les organisateurs font la sourde oreille en dépit des alertes et avertissements des plus hautes instances universelles et associations mondialement connues et reconnues. Le festival a eu lieu et aura certainement lieu dans la même cacophonie, désordre et casse », se désole notre interlocuteur. Même s'ils considèrent que le festival reste un « acquis », les représentants de l'association soulignent en revanche que « le festival de Timgad perd de son aura pour la simple raison, qu'il n'a plus aucun objectif sauf celui de se maintenir. On l'organise vaille que vaille, les résultats ou plutôt les conséquences, on s'en fout ! » précisent-ils. Inquiets devant la défiguration de ce patrimoine, ils tirent la sonnette d'alarme contre le risque d'évanescence irrémédiable des vestiges de cette ancienne ville romaine contruite en l'an 100 après J-C. « Il n y a pas l'ombre d'un doute qu'à ce train-là ça va changer. L'Aurès, considéré comme un musée à ciel ouvert, est en train de perdre des empreintes laissées par l'homme depuis la nuit des temps. Le tombeau Imedghassen (Tombeau berbère) en souffrance après des travaux douteux, Timgad subit des affres à chaque festival comme bien d'autres lieux de mémoire, livrés à eux-mêmes, où les pilleurs agissent en toute impunité (…) Si nous continuons à chanter à Timgad, il arrivera un jour où nous danserons sur les décombres », estime-t-on encore.