Justice sociale, consultation populaire sont les mots d'ordre des «gilets jaunes». Comment politiquement ce mouvement va-t-il se traduire ? Estimant que leurs préoccupations ne sont pas prises en compte par les élus, les «gilets jaunes» réclament désormais à Emmanuel Macron notamment l'instauration d'un référendum d'initiative citoyenne et une meilleure participation des citoyens à l'élaboration des lois, grâce aux divers dispositifs de consultation populaire inscrits dans la Constitution. Les plus radicaux parlent d'une révision profonde des institutions de la Ve République. Le référendum d'initiative citoyenne – appelé aussi référendum d'initiative populaire – s'est imposé en défiance envers une classe politique jugée coupée des réalités quotidiennes. La démocratie représentative ne suffit plus. Déjà, en 2017, à la veille du premier tour de la dernière élection présidentielle, 57% des Français sondés par le Cevipof (Centre de recherches politiques de Sciences Po, une unité mixte du CNRS et de Sciences Po) estimaient que les décisions les plus importantes pour le pays devaient être prises par le peuple plutôt que par les dirigeants politiques. 51% ajoutaient qu'ils préféraient être représentés par un citoyen ordinaire plutôt que par un politicien. Inspiré du système de votation suisse, le RIC donne l'opportunité à des citoyens de soumettre au vote une proposition de loi qui aurait au préalable recueilli un certain nombre de signatures. Les «gilets jaunes» souhaitent aussi que ce référendum d'initiative citoyenne permette d'annuler un texte législatif, de révoquer des élus ou encore de modifier la Constitution. A l'appui de cette revendication, les militants du RIC avancent l'article 3 de la Constitution, qui stipule que «la souveraineté nationale appartient au peuple, qui l'exerce par ses représentants et par la voie du référendum». Les grands perdants Pour apaiser la colère des «gilets jaunes» et circonscrire leur mouvement, Emmanuel Macron a demandé, lundi 10 décembre, à son Premier ministre – outre l'annonce de mesures sur le pouvoir d'achat – d'organiser une large concertation à travers le pays qui devrait durer jusqu'au 1er mars 2019. Les modalités devraient être rendues publiques cette semaine. Quelle place accorder au RIC dans une configuration démocratique fondée en France sur la représentation ? Une ouverture à des mécanismes de démocratie participative et délibérative élargie sera-t-elle recevable ? Faudra-t-il attendre la fin de la grande consultation dans les territoires, préconisée par Emmanuel Macron ? Le débat doit s'appuyer sur les maires et aborder quatre grands thèmes : la transition écologique, la fiscalité, l'organisation de l'Etat, et la démocratie et citoyenneté. Dans le cadre de ce débat, le Premier ministre, Edouard Philippe, s'est déclaré favorable au principe d'un référendum d'initiative citoyenne (RIC), une des principales revendications des «gilets jaunes», mais «pas dans n'importe quelles conditions». Le mouvement des «gilets jaunes» semble profiter au Rassemblement national de Marine Le Pen, qui soutient que les revendications des «gilets jaunes» sont dans son programme. Dans un sondage IFOP pour le quotidien L'Opinion, publié jeudi 13 décembre, la liste RN est créditée de 24% des voix, en hausse de quatre points par rapport à fin octobre, dans une étude conduite entre le 7 et le 10 décembre, c'est-à-dire avant les annonces d'Emmanuel Macron en faveur du pouvoir d'achat. Derrière, La République en marche et ses alliés du Modem sont crédités de 18% d'intentions de vote, quand Les Républicains de Laurent Wauquiez dépassent à peine la barre des 10%. La gauche et l'extrême gauche ne semblent pas tirer profit du mouvement des «gilets jaunes», alors qu'un référendum populaire est une constante de l'extrême gauche. «Le Rassemblement national apparaît aujourd'hui comme le principal réceptacle de la colère des ‘‘gilets jaunes''», observe le directeur général associé de l'IFOP, Frédéric Dabi, sur France Info. «Il capitalise très fortement sur le mouvement, dont les revendications et les thèmes rejoignent ses discours sur le pouvoir d'achat et la critique des élites politiques.»