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"Gilets jaunes" : L'exécutif détaille ses mesures après une décrue de la mobilisation
Publié dans Le Maghreb le 18 - 12 - 2018

Édouard Philippe a précisé dimanche les modalités des mesures en faveur des "gilets jaunes", au lendemain d'une forte baisse de leur mobilisation qui fait espérer au gouvernement une sortie de crise après un mois de chaos.

Dans un entretien au quotidien Les Echos à paraître lundi et mis en ligne dimanche soir, le Premier ministre indique que le gain de 100 euros net pour les salariés proches du Smic, mesure phare annoncée par Emmanuel Macron, passera "par une hausse massive de la prime d'activité" qui sera versée "dès le 5 février pour compléter le salaire de janvier".
Cette hausse ne concernera donc pas tous les salariés au Smic car la prime d'activité tient compte de l'ensemble des revenus du ménage, mais "nous allons élargir le nombre de foyers éligibles, qui passera de 3,8 millions à 5 millions", a précisé le Premier ministre.
"Nous avons préféré cette solution à une baisse des cotisations salariales, qui était plus injuste et qui, à ce titre, a déjà été censurée par le conseil constitutionnel", a-t-il ajouté.
Au total les mesures annoncées par Emmanuel Macron lundi soir, parmi lesquelles figurent aussi les heures supplémentaires défiscalisées ou l'exemption de hausse de CSG pour les retraités gagnant moins de 2.000 euros, vont se chiffrer à environ "10 milliards d'euros".
Le déficit, prévu à 2,8% en 2019, devrait en conséquence se creuser légèrement et atteindre 3,2% du PIB, a indiqué M. Philippe, puisque le gouvernement ne touchera pas à la transformation du CICE en baisse des charges, comme le réclamaient certains dans la majorité.
Afin d'atténuer les conséquences pour les finances publiques de ces mesures, le gouvernement a décidé de limiter la baisse du taux d'impôt sur les sociétés à celle de moins de 250 millions d'euros de chiffre d'affaires l'année prochaine. Elle sera décalée d'un an pour les autres, a précisé le Premier ministre au quotidien économique.

Mea culpa
"Nous demandons donc un effort aux plus grandes entreprises pour nous permettre de dégager une recette supplémentaire de l'ordre de 1,8 milliard d'euros", a-t-il expliqué.
Ces mesures doivent être présentées en Conseil des ministres mercredi avant de passer à l'Assemblée nationale jeudi et au Sénat vendredi.
Le Premier ministre s'est déclaré favorable sur le principe à un référendum d'initiative citoyenne (RIC), une des principales revendications des "gilets jaunes", qui peut être un "bon instrument dans une démocratie" mais "pas sur n'importe quel sujet ni dans n'importe quelles conditions".
"C'est un bon sujet du débat que nous allons organiser partout en France. Comme l'est le vote blanc", a-t-il souligné alors que l'exécutif lance une grande concertation nationale de deux mois et demi pour tirer la leçon de la crise des "gilets jaunes".
Sur la forme, le Premier ministre, s'est fendu, comme le président lundi, d'un mea culpa en concédant des "erreurs" dans la gestion d'une crise qui secoue le pays depuis un mois.
"Nous n'avons pas assez écouté les Français. Je reste persuadé qu'ils veulent qu'on transforme ce pays. Je leur dis que leur impatience est la mienne. Nous allons continuer à réparer le pays en les associant davantage", a-t-il promis, ajoutant qu'il n'y a "pas de tournant" mais "un changement de méthode".
Même si plusieurs appels à un acte VI circulent sur les réseaux sociaux pour samedi prochain et même vendredi, jour des 41 ans d'Emmanuel Macron, l'apaisement était palpable dimanche en régions, au lendemain d'une mobilisation divisée par deux (66.000 manifestants).
"Les combats sont finis, le débat c'est maintenant", a souligné dimanche le président de l'Assemblée Richard Ferrand, sans exclure l'envoi de "CRS ou de gendarmes à la campagne" pour "libérer l'espace public".

"Problèmes pas résolus"
Alors que des "gilets jaunes" de plusieurs régions s'attendaient à être délogés de ronds-points par les forces de l'ordre, une source policière a fait valoir que la question des ronds-points "sera traitée".
Signe d'encouragement pour l'exécutif, un sondage Opinionway pour LCI publié dimanche faisait remonter la popularité d'Emmanuel Macron de deux points, à 31% de satisfaits.
Mais pas question de crier victoire. "Si la participation est moindre, les problèmes ne sont pas résolus pour autant", a averti François Bayrou, patron du MoDem et allié de la majorité.
Difficile de conclure à une quelconque défaite des "gilets jaunes" qui ont obtenu bien plus que les syndicats ou partis d'opposition avant eux.
"L'engagement du président sera tenu", a assuré Richard Ferrand. Qui en appelle à "la responsabilité des parlementaires" pour valider les mesures, afin qu'elles soient applicables dès le 1er janvier.
Les détails de la "grande concertation nationale" doivent également être connus dans la semaine. Le débat doit s'appuyer fortement sur les maires et aborder quatre grands thèmes (transition écologique, fiscalité, organisation de l'État et démocratie et citoyenneté --où a été insérée l'immigration).
En préambule, l'Association des Maires ruraux de France a lancé un appel demandant à la France périphérique de se "débarrasser du +complexe du plouc+" pour "imposer" une parole commune face à la "cécité" de beaucoup de dirigeants.
Pour François Bayrou, ce débat va, si "on le fait bien", "changer l'avenir du pays". Jean-Luc Mélenchon en revanche, estime que ce ne sera qu'un "grand blabla".

Salariés au Smic
Le gain de 100 euros net pour les salariés proches du Smic passera "par une hausse massive de la prime d'activité" qui sera versée "dès le 5 février pour compléter le salaire de janvier", a annoncé Edouard Philippe.
Cette hausse ne concernera donc pas tous les salariés au Smic car la prime d'activité tient compte de l'ensemble des revenus du ménage, mais "nous allons élargir le nombre de foyers éligibles qui passera de 3,8 millions à 5 millions", précise le Premier ministre.
"Cette réforme va bien au-delà des personnes qui sont juste au Smic: tous les salariés célibataires sans enfant auront 100 euros de plus jusqu'à 1.560 euros net de revenus. Avec un enfant, une mère célibataire, et elles sont nombreuses sur les ronds-points, pourra percevoir la prime jusqu'à 2.000 euros de salaire. Un couple (avec) deux enfants, dont l'un gagne le Smic et l'autre 1.750 euros, verra ses revenus augmenter de 200 euros", explique Edouard Philippe.
Tous les salariés autour du Smic ne seront donc pas concernés, comme l'avait pourtant indiqué le gouvernement ces derniers jours.
"Cela peut paraître étonnant, mais 1,2 million de salariés autour du Smic se trouvent dans les 30% des foyers français les plus aisés. Notre objectif est d'accroître le pouvoir d'achat des foyers de la classe moyenne, c'est ce qu'ont demandé les +gilets jaunes?+, et dans ce contexte prendre en compte l'ensemble des revenus ne me paraît pas scandaleux", justifie Edouard Philippe.
"Nous avons préféré cette solution à une baisse des cotisations salariales, qui était plus injuste et qui, à ce titre, a déjà été censurée par le Conseil constitutionnel. C'est la proposition du gouvernement mais nous en débattrons naturellement au Parlement", ajoute-t-il.
Edouard Philippe n'a pas précisé le montant de la hausse de la prime d'activité, mais s'il prend en compte la revalorisation automatique du Smic en janvier (23 euros brut), elle devrait être autour de 80 euros.
Soumise à des conditions, notamment de ressources, très complexes, la prime d'activité est destinée actuellement à ceux qui touchent entre 0,5 et 1,2 Smic.
Quelque 2,6 millions de personnes en bénéficient actuellement mais beaucoup de personnes qui pourraient y prétendre ne la demandent pas.
"A terme, il faut aussi travailler pour rendre cette prime d'activité plus lisible et plus automatique", admet le Premier ministre.

Un débat sur le référendum d'initiative citoyenne
Le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé la tenue d'un débat sur le référendum d'initiative citoyenne (RIC), une des principales revendications des "gilets jaunes", qui peut être un "bon instrument dans une démocratie", dans le journal des Echos.
"Je ne vois pas comment on peut être contre son principe. Le référendum peut être un bon instrument dans une démocratie, mais pas sur n'importe quel sujet ni dans n'importe quelles conditions. C'est un bon sujet du débat que nous allons organiser partout en France. Comme l'est le vote blanc", a indiqué le chef du gouvernement dans cet entretien mis en ligne dimanche soir.

Le déficit devrait atteindre 3,2% du PIB en 2019
Le déficit devrait se creuser légèrement en 2019 et atteindre 3,2% du PIB en tenant compte des mesures prises face à la crise des gilets jaunes, a annoncé le Premier ministre Edouard Philippe.
Afin d'atténuer les conséquences pour les finances publiques de ces mesures, le gouvernement a notamment décidé de limiter la baisse du taux d'impôt sur les sociétés à celles de moins de 250 millions d'euros de chiffre d'affaires l'année prochaine. Elle sera décalée d'un an pour les autres, a précisé le Premier ministre au quotidien économique.
"Notre objectif est de tenir au maximum nos engagements (mais) nous assumons une légère augmentation du déficit du fait de l'accélération de la baisse des impôts", a indiqué le chef du gouvernement.
"Mais nous faisons attention aux comptes publics, et nous prenons une série de mesures, sur les entreprises et sur les dépenses, de l'ordre de 4 milliards. Cela devrait permettre de contenir le déficit à environ 3,2?% pour 2019", a-t-il ajouté.
Selon lui, "les mesures annoncées par le président vont coûter de l'ordre de 10 milliards d'euros".
Le déficit annoncé jusqu'alors pour 2019 était de 2,8?%, et "plutôt de 1,9% du PIB si l'on soustrait le coût exceptionnel de la transformation du CICE (Crédit d'impôt compétitivité emploi) en baisse de charges", a-t-il expliqué.
Ces mesures vont contraindre le gouvernement à maîtriser les dépenses, a encore indiqué Edouard Philippe. "Dans le cadre de l'exécution du budget 2019, nous devrons trouver d'1 à 1,5 milliard d'euros d'économies", a-t-il déclaré en promettant de faire ce travail "avec le Parlement".
Il a par ailleurs confirmé que le gouvernement entendait dès l'an prochain mettre en place une taxe sur les "Gafa", les géants de l'économie numérique (Google, Apple, Facebook, Amazon), qui devrait permettre "de générer 500 millions d'euros de recettes".
Il a enfin promis de revoir la "niche Copé" sur les plus-values de cession de filiales, qui rapportera "de l'ordre de 200 millions d'euros".
Mercredi, le commissaire européen aux affaires économiques Pierre Moscovici avait estimé, à propos d'un dépassement probable l'an prochain par la France de la limite d'un déficit de 3% du PIB prévue par les règles européennes, que c'était "envisageable" de façon "limitée, temporaire et exceptionnelle".
Concernant la baisse du taux d'impôt sur les sociétés, Edouard Philippe a rappelé que "nous avons pris l'engagement d'une diminution progressive du taux de l'impôt sur les sociétés pour atteindre le niveau de 25?% en 2022" et qu'en 2019, "le taux devait passer de 33?% à 31?%."
"Cette baisse ne concernera finalement que les entreprises ayant moins de 250 millions d'euros de chiffre d'affaires. La mesure étant décalée d'un an pour les autres", a-t-il précisé.
"Nous demandons donc un effort aux plus grandes entreprises pour nous permettre de dégager une recette supplémentaire de l'ordre de 1,8 milliard d'euros", a-t-il ajouté.

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire avait évoqué la semaine passée cette mesure, au grand dam des organisations patronales qui estiment que les allègements de cotisations sociales et d'impôts sont nécessaires à la compétitivité des entreprises françaises. Le patron du Medef Geoffroy Roux de Bézieux a ainsi déploré le 7 décembre que la France soit le pays de l'OCDE où le poids des prélèvements fiscaux était le plus important en 2017, avec 46,2% du PIB.

"Plusieurs dizaines de millions d'euros" de dégâts
Le groupe français de BTP et de concessions Vinci a estimé dimanche à "plusieurs dizaines de millions d'euros" le montant des dégâts commis sur l'ensemble de son réseau lors des manifestations des "gilets jaunes" depuis un mois. "Près de 250 sites ont ainsi été impactés quotidiennement par les actions des manifestants", ajoute Vinci Autoroutes dans un communiqué, dénonçant "des dégâts considérables causés aux équipements et infrastructures".
Les mises à feu volontaires ont notamment détruit six bâtiments d'exploitation, dont la direction régionale de Narbonne, 33 véhicules d'intervention, 15 échangeurs et plateformes de péage, et dégradé de nombreuses chaussées, détaille l'exploitant. Vinci Autoroutes dénonce également "des dizaines d'actes de vandalisme" dont des dégradations commises sur des caméras de sécurité, des glissières et des panneaux de signalisation, et "des centaines de tonnes de détritus enlevés" autour des "campements" construits par les manifestants. Les dernières dégradations datent de la nuit de samedi à dimanche, avec des incendies volontaires dans plusieurs zones de péages du sud, de Perpignan à Orange. L'entreprise avait également dénoncé en novembre les dégâts commis au péage de Virsac (Gironde) sur l'A10, incendié par des "gilets jaunes". "Que les réparations soient prises en charge par les assurances, par l'Etat ou par Vinci Autoroutes, c'est dans tous les cas la collectivité qui est pénalisée par ces atteintes répétées portées aux biens publics, qui ne profitent à personne", souligne Vinci.
La mobilisation des "gilets jaunes", lancée le 17 novembre contre la hausse des taxes sur les carburants avant de s'élargir à la question plus globale du pouvoir d'achat, a connu un net recul samedi, à l'occasion d'une cinquième journée de manifestation nationale, avec 66.000 manifestants comptabilisés par le ministère de l'Intérieur, contre 136.000 lors des deux week-ends précédents.

Les promesses de Macron seront tenues
"L'engagement du président" Emmanuel Macron face à la colère des "gilets jaunes" "sera tenu", assure le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand (LREM) dans une interview au Journal du dimanche. "Il n'y aura pas de carabistouille", affirme M. Ferrand au sujet des promesses du chef de l'État, notamment l'augmentation de 100 euros pour tous les salariés au niveau du Smic.
Le cinquième samedi consécutif de manifestations a été marqué par un net recul de la mobilisation.
"L'enjeu, c'est que la totalité des salariés payés au Smic en bénéficient, bien au-delà de ceux qui touchent la prime d'activité. Crédit d'impôt, baisse des charges salariales... tout est à l'étude", souligne ce proche du président Macron. "Si nécessaire, nous modifierons la première tranche de l'impôt sur le revenu pour que personne ne soit pénalisé. On ne reprendra pas d'une main ce qui aura été donné de l'autre", ajoute-t-il.
Le président de l'Assemblée nationale estime que le projet de loi pourra être adopté suffisamment vite pour que les mesures soient applicables au 1er janvier . "Il sera discuté dès jeudi par l'Assemblée et vendredi par le Sénat", précise M. Ferrand.
Le président de l'Assemblée en appelle à "la responsabilité des parlementaires" car "il serait paradoxal de retarder volontairement", par des amendements, "l'adoption de mesures sociales urgentes".
Les mesures annoncées par M. Macron lundi dernier "seront coûteuses puisqu'elles sont massives". "Nous allons injecter plus de 10 milliards d'euros dans le pouvoir d'achat des Français", rappelle M. Ferrand, ce qui entraînera "un déficit plus élevé que prévu - sans doute à 3,4 % du PIB", c'est-à-dire au-delà de ce que prévoient les règles européennes.
"Mais il s'agit d'un pic conjoncturel" puisque "la transformation du CICE en baisse des charges pérenne représente un effort exceptionnel estimé à 0,9 %", dit-il.
Concernant la suite du mouvement des "gilets jaunes", M. Ferrand dit respecter la liberté de manifester. "Mais à force de rester sur les ronds-points on tourne en rond. On ne peut pas durablement paralyser le pays", ajoute-t-il, assurant que "le temps du dialogue est venu".

La mobilisation s'essouffle
Une mobilisation en net recul, des échauffourées dans quelques villes mais pas de casse: le mouvement des "gilets jaunes" s'est essoufflé samedi en France, contrastant avec les violents heurts des semaines précédentes pour réclamer à Emmanuel Macron plus de pouvoir d'achat.
Ce cinquième samedi de manifestation avait valeur de test pour le président, vilipendé dans la rue depuis le 17 novembre. Il avait annoncé lundi des mesures pour mettre fin à cette fronde inédite, née sur les réseaux sociaux, contre sa politique fiscale et économique.
"Les ronds-points" du pays, occupés par des "gilets jaunes" jour et nuit, doivent désormais "être libérés et la sécurité de tous redevenir la règle", a tweeté le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner. "Le dialogue doit maintenant rassembler l'ensemble de ceux qui veulent transformer la France", a-t-il jugé.
Vers 19H00, l'Intérieur comptabilisait 66.000 manifestants dans toute la France, soit deux fois moins que les 126.000 recensés samedi dernier à la même heure. A Bordeaux et Toulouse, le nombre de manifestants était deux fois plus important qu'à Paris, avec 4.500 manifestants dans chacune des villes.
Le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand (LREM) a salué une baisse de mobilisation "nécessaire". "Il a été massivement répondu à leurs revendications" et "le temps du dialogue est venu", a-t-il jugé.
Mais le chef de l'État est de moins en moins apprécié de l'opinion. Sa cote de popularité est tombée à 23% de "satisfaits" (-2 points) et 4% de "très satisfaits" (stable), contre 76% de "mécontents" (+3 points), d'après un sondage Ifop pour Le Journal du dimanche.
Cette journée "est un peu un échec, mais c'est à cause de l'État qui nous empêche de manifester correctement", estimait Lucie, une aide-ménagère de 35 ans venue de Melun à Paris. Laurent, un salarié dans l'informatique qui veut "faire évoluer la politique et la représentativité du citoyen", rejetait tout échec: "On est soutenu. Partout où on va il y a des klaxons".
Après des scènes de guérilla urbaine et de saccages qui avaient fait le tour du monde, la France avait de nouveau été placée sous haute sécurité, avec 69.000 membres des forces de l'ordre déployées, dont 8.000 à Paris, appuyés par des véhicules blindés à roues de la gendarmerie.
A Paris, les Champs-Elysées, épicentre des heurts lors des précédents samedis, avaient rouvert à la circulation en début de soirée. Dans l'après-midi, de petites échauffourées y ont opposé "gilets jaunes" aux forces de l'ordre, sans commune mesure avec le déferlement de violence des semaines passées.
Des échauffourées, avec gaz lacrymogène et jets de projectiles, ont eu lieu à Bordeaux et une trentaine de personnes ont été placées en garde à vue. Même scénario à Saint-Etienne, où 44 personnes ont été placées en garde à vue, ou encore Toulouse, Nantes, Besançon, Nancy ou Lyon.
Les manifestants étaient globalement moins nombreux à Rennes, Caen, Strasbourg...

Pas de cadeaux pour Noël
Autre chiffre révélateur: peu après 18H00, il y avait eu à Paris 168 interpellations dont 115 gardes à vue, et sept blessés légers, bien en-deçà des chiffres record de la semaine dernière. Le parquet de Paris a comptabilisé de son côté un total de 114 gardes à vue pour la journée, précisant que 47 d'entre elles étaient toujours en cours dans la soirée.
Les manifestants étaient nombreux à réclamer l'organisation d'un "RIC", un référendum d'initiative citoyenne, ou la démission d'Emmanuel Macron.
"On se battra tant qu'on n'aura pas gain de cause", a assuré Daisy, venue à Paris de l'Isère avec son compagnon. Le couple, qui se "serre la ceinture" pour ses "petits", ne s'offrira pas de cadeaux pour Noël: "C'est trop compliqué de se faire plaisir, on s'offrira des câlins".
Ailleurs dans la capitale, comme sur les places de la Bastille ou de la République, si des banques et magasins avaient recouvert leurs façades de contreplaqué de crainte de dégradations et pillages, ils sont malgré tout restés ouverts. Toutes les stations de métro avaient rouvert avant 19H00.
Aux abords des grands magasins parisiens, les badauds se croisaient avec des sacs de courses, loin de l'impression d'état de siège des semaines précédentes.
Le président de la Confédération des commerçants de France a estimé samedi que le mouvement représentait "une véritable catastrophe" pour les petits commerces à l'approche de Noël, avec une baisse du chiffre d'affaires comprise entre "40% et 70% selon les corporations".
Les accès aux institutions avaient été protégés. Mais la Tour Eiffel et plusieurs musées fermés samedi dernier étaient restés ouverts.

"Champions du clavier"
"Quand on voit le +blablatage+ sur Facebook des champions du clavier et quand on voit concrètement combien de personnes il y a dans la rue, je vous le dis honnêtement, je n'ai qu'une envie, c'est de poser le gilet", résumait à Lyon Stella, employée de bureau de 44 ans.
Des accès routiers étaient encore perturbés samedi soir, notamment l'A20, l'A9 et l'A7 coupées par endroits mais l'A6 fermée samedi matin dans les deux sens entre la Saône-et-Loire et le Rhône a été rouverte dans la soirée.
Les annonces d'Emmanuel Macron lundi, dont la plus emblématique porte sur une hausse de 100 euros des revenus au niveau du Smic, visaient à répondre aux revendications immédiates des "gilets jaunes" réclamant moins de taxes et plus de pouvoir d'achat.
"Les annonces de Macron sont un premier recul, ça montre qu'on peut le faire reculer, il faut continuer tous les moyens de pression", estimait à Lille Jacques Caudron, un enseignant à la retraite âgé de 66 ans.
Ce ne "sont pas des réponses qui réduisent les inégalités sociales, et le fond de l'affaire c'est quand même ça : l'augmentation des inégalités et le fait qu'on fait payer aux pauvres les allègements d'impôt des plus riches", renchérissait Claire Bornais, enseignante.
A Paris, l'une des images de la journée restera ces cinq femmes grimées en Marianne faisant face aux gendarmes sur les Champs-Elysées, une performance de l'artiste luxembourgeoise Déborah de Robertis. Mais aussi le sit-in de près d'un millier de manifestants devant l'opéra de Paris, entre minutes de silence pour les victimes de l'attentat de Strasbourg et du mouvement des gilets jaunes et un appel "du peuple à (retrouver) la liberté et la souveraineté".
Christophe Castaner a établi samedi soir le bilan des décès à huit personnes depuis le début du mouvement. Selon une source proche du dossier, la passagère d'un conducteur alcoolisé remontant une voie de circulation bloquée par un barrage près de Soissons (Aisne) a trouvé la mort vendredi soir en percutant une voiture arrivant dans le bon sens.

"Complexe du plouc"
Au-delà des mesures, qui coûteront 10 milliards d'euros à l'État selon M. Ferrand, les "gilets jaunes" ont réussi à pousser le président Macron à modifier sa manière d'exercer le pouvoir.
Le président "sera désormais obligé d'avoir une attitude plus attentive avec les corps intermédiaires", souligne Jean-Daniel Levy, de Harris Interactiv.
Cette tentative de rapprochement doit se cristalliser lors de la "grande concertation nationale" que l'exécutif lance sur deux mois et demi. Les détails du débat doivent être connus dans la semaine. Il doit s'appuyer fortement sur les maires et aborder quatre grands thèmes (transition écologique, fiscalité, organisation de l'État, démocratie et citoyenneté, auxquels on a inclus l'immigration).
Selon le président de l'association Vanik Berberian, la demande est forte. L'ouverture de cahiers de doléances dans de nombreuses communes a rencontré "un très grand succès".
Pour François Bayrou, ce débat va, si "on le fait bien", "changer l'avenir du pays". Jean-Luc Mélenchon, en revanche, estime que ce sera qu'un "grand blabla".
Après la taxe carbone, les revendications des "gilets jaunes" se sont rapidement élargies à d'autres thèmes. Samedi, les manifestants étaient nombreux à réclamer l'organisation d'un "RIC", un référendum d'initiative citoyenne.
Richard Ferrand s'est dit prêt à ouvrir ce débat mais "à condition que l'on fixe" certaines règles comme par exemple "le taux de participation", pour s'assurer "que l'expression populaire ne soit pas trahie par des minorités".
Les revendications diverses et parfois contradictoires d'un mouvement aussi peu structuré que celui des "gilets jaunes" rendent très difficile toute prédiction quant à ses éventuels débouchés politiques. "Qu'ils s'organisent et qu'ils aillent aux élections", a suggéré M. Ferrand.
L'eurodéputé du Rassemblement national Nicolas Bay a jugé peu crédible cette hypothèse mais verrait "d'un bon œil" si des "gilets jaunes" souhaitaient "s'impliquer en politique à nos côtés".
Pour Jérôme Sainte-Marie, l'exécutif a surtout intérêt à tenir ses promesses. Sinon "il y a un risque de reprise de mobilisation très important. Car les gens ont pris conscience de leur pouvoir", dit-il.


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