Une mobilisation en net recul, quelques tensions mais pas de casse: le mouvement des "gilets jaunes" s'est essoufflé samedi à Paris et en régions, contrastant avec les violents heurts des semaines précédentes pour réclamer à Emmanuel Macron plus de pouvoir d'achat. Cette nouvelle journée de manifestation nationale avait valeur de test pour l'exécutif après les annonces d'Emmanuel Macron visant à mettre fin à une crise sociale inédite née sur les réseaux sociaux pour crier un "ras-le-bol" fiscal et économique. L'"acte V" "est un peu un échec, mais c'est à cause de l'État qui nous empêche de manifester correctement", estimait Lucie, une aide-ménagère de 35 ans venue de Melun à Paris. Au contraire, Laurent, qui travaille dans l'informatique et souhaite "faire évoluer la politique et la représentativité du citoyen", "ne vit pas cette journée comme un échec parce qu'on est soutenus". "Partout où on va il y a des klaxons", argumente-t-il. A partir de 17H00, la police s'est employée à disperser les manifestants encore rassemblés sur les Champs-Elysées. Dans l'après-midi, de petites échauffourées y ont opposé "gilets jaunes" et forces de l'ordre, sans le déferlement de casse et de violence survenu la semaine dernière dans les rues adjacentes. Peu avant 15H00, le ministère de l'Intérieur comptabilisait 33.500 manifestants dans toute la France à la mi-journée, deux fois moins que les 77.000 recensés samedi dernier à la même heure. Seuls 2.200 étaient recensées à Paris, contre 10.000 il y a une semaine. Selon une source policière, la capitale a connu un pic de 4.000 manifestants à midi. A Nantes, quelque 1.200 personnes, selon la police, ont aussi manifesté sous une certaine tension alimentée par des salves régulières de grenades lacrymogènes. A Besançon ou Nancy, des échauffourées ont eu lieu, comme en fin de cortège à Saint-Etienne. La mobilisation était aussi en retrait dans plusieurs villes comme à Rennes, Caen, Strasbourg ou Toulouse, stable mais faible à Lyon. A Bordeaux, où de violents débordements s'étaient produits samedi dernier, 4.500 "gilets jaunes" défilaient, un chiffre quasi-similaire à la semaine dernière.
Emplettes de Noël Autre chiffre révélateur: à 18H00, il y avait eu à Paris 168 interpellations dont 112 gardes à vue, bien en-deçà des chiffres record de la semaine dernière. Les manifestants étaient nombreux à réclamer l'organisation d'un "RIC", un référendum d'initiative citoyenne, ou la démission d'Emmanuel Macron. "On est là aujourd'hui car on n'a pas envie d'être les prochains SDF que l'on voit trop nombreux à Paris", a témoigné Julie, 31 ans, conductrice d'engin, venue de l'Aisne pour manifester pour son troisième samedi consécutif. Ailleurs dans Paris, comme sur les places de la Bastille ou de la République, si des banques et magasins ont recouvert leur façades de contreplaqué de crainte de nouvelles dégradations, ils sont malgré tout restés ouverts. Aux abords des grands magasins parisiens, en pleine activité à l'approche de Noël, les badauds se croisaient avec des sacs de courses, loin de l'impression d'état de siège des semaines précédentes. Le président de la Confédération des commerçants de France a estimé samedi que le mouvement représentait "une véritable catastrophe" pour les petits commerces, avec une baisse du chiffre d'affaires comprise entre "40% et 70% selon les corporations". Les accès aux institutions (Palais de l'Élysée, Hôtel Matignon, Assemblée nationale, ministère de l'Intérieur, etc.) restaient protégés. Mais la Tour Eiffel et plusieurs musées fermés samedi dernier étaient ouverts.
"Champions du clavier" "Quand on voit le +blablatage+ sur Facebook des champions du clavier et quand on voit concrètement combien de personnes il y a dans la rue, je vous le dis honnêtement, je n'ai qu'une envie, c'est de poser le gilet", résumait à Lyon Stella, employée de bureau de 44 ans. Des accès routiers étaient perturbés, tels l'A7 (Vaucluse) mais aussi l'A62 (Toulouse-Bordeaux), A61 (Carcassonne) et l'A64 (Toulouse-Tarbes). L'A6 a été coupée dans les deux sens à la limite entre Saône-et-Loire et Rhône, par le préfet, par précaution. Les annonces d'Emmanuel Macron lundi, dont la plus emblématique porte sur une hausse de 100 euros des revenus au niveau du Smic, visaient à répondre aux revendications immédiates des "gilets jaunes" réclamant moins de taxes et plus de pouvoir d'achat. Elles ont été diversement accueillies. "Les annonces de Macron sont un premier recul, ça montre qu'on peut le faire reculer, il faut continuer tous les moyens de pression", estimait à Lille Jacques Caudron, un enseignant à la retraite âgé de 66 ans. Ce ne "sont pas des réponses qui réduisent les inégalités sociales, et le fond de l'affaire c'est quand même ça : l'augmentation des inégalités et le fait qu'on fait payer aux pauvres les allègements d'impôt des plus riches", renchérissait Claire Bornais, enseignante. Au total, 8.000 membres des forces de l'ordre ont été déployés dans la capitale, 69.000 sur tout le territoire, appuyés à Paris par 14 véhicules blindés à roues de la gendarmerie (VBRG). En fin de journée, et sous une pluie battante à Paris, à un gilet jaune venu de Maubeuge en voiture: "Vous reviendrez samedi prochain ?" "Non, on est déjà venu quatre fois, c'est bon là".
Référendum Les initiateurs du mouvement réclament désormais un référendum à Emmanuel Macron, sur quatre propositions, notamment l'instauration d'un référendum d'initiative citoyenne et la baisse des taxes sur les produits de première nécessité. "L'idée n'est pas d'imposer quoi que ce soit à qui que ce soit, mais de faire un référendum pour voir si tout le monde est d'accord sur ces points", a expliqué jeudi Priscillia Ludosky, une autre figure à l'origine du mouvement. Après l'attentat de Strasbourg, qui a fait ressurgir le spectre terroriste et dont l'auteur a été tué jeudi soir, de nombreuses voix, notamment au sein de la majorité et du gouvernement, ont appelé à ne pas manifester. "Je ne supporte pas l'idée qu'aujourd'hui on applaudisse nos policiers et que certains demain pensent qu'il est encore utile de les caillasser", a affirmé le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner lors de la réouverture vendredi du marché de Noël de Strasbourg. "Quel rapport entre le tueur de Strasbourg et le mouvement des +gilets jaunes+ ? Aucun", s'était cependant indigné la veille le chef de file de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. La détermination des "gilets jaunes" inquiète aussi les commerçants et le secteur de la distribution, frappée de plein fouet en pleine période d'achats de Noël. L'activité du secteur privé est tombée en décembre à son plus bas niveau en deux ans et demi, selon le cabinet IHS Markit.
Une "véritable catastrophe" pour les petits commerces Le mouvement des "gilets jaunes" représente "une véritable catastrophe" pour les petits commerces, a estimé samedi sur France Inter le président de la Confédération des commerçants de France. "C'est une véritable catastrophe et c'est une véritable catastrophe également psychologique, je pense, j'espère que ce samedi c'est le dernier des derniers pour la manifestation", a déclaré Francis Palombi, président de cette confédération. La mobilisation s'annonçait plus faible pour le cinquième samedi de manifestations contre les taxes et la vie chère. M. Palombi a ajouté que les chiffres de ventes "sont très mauvais", précisant que la baisse du chiffre d'affaires était comprise entre "40% et 70% selon les corporations", qui plus est en pleine saison des achats de Noël, cruciale pour le commerce. La Confédération des commerçants représente 20 fédérations professionnelles indépendantes, avec des entreprises de moins de 11 salariés ou ne comptant pas de salarié, donc les petites entreprises du commerce et de l'artisanat commercial, a expliqué son président. Il a appelé les gilets jaunes à "se mettre autour de la table des négociations" et jugé que "le président de la République a fait des propositions non négligeables, des propositions que nous n'avions jamais entendues". "C'est une sorte de prise d'otage de l'économie à laquelle nous sommes en train d'assister", a encore dit M. Palombi, appelant les gilets jaunes "à revenir à la raison". Il a également rappelé la mise en place par le ministère de l'Economie d'une cellule de crise pour aider les commerçants pénalisés ou victimes de dégradations. La perte de chiffre d'affaires pour les commerces physiques n'a pas été compensée par une hausse des achats en ligne, a assuré pour sa part samedi le président de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad) au micro de RTL. "On avait un très bon weekend du Black Friday (le 23 novembre), mais depuis les ventes sont en ligne avec les prévisions, ni plus ni moins, il n'y a pas eu du tout d'explosion des ventes sur internet", a déclaré François Momboisse. "On a constaté que les gens avaient la tête ailleurs. On avait constaté ça avec les événements dramatiques du Bataclan il y a trois ans quand il n'y avait pas eu d'achats dans les magasins ni sur internet pendant 15 jours", a rappelé le président de la Fevad.
À Paris, un samedi plus calme pour les habitants "Aujourd'hui, ça a l'air d'être plus calme": A Paris, après des manifestations émaillées de scènes de guérilla urbaine et de saccages, les commerçants ouvraient timidement leurs portes samedi dans une capitale restant sous un dispositif sécuritaire exceptionnel. Les façades de contreplaqué sont devenues un décor familier, comme à chaque week-end de mobilisation. Sur les Champs-Elysées, le Publicis Drugstore s'est protégé pour éviter une nouvelle tentative d'attaque comme celle de la semaine dernière. A Bastille ou à République, banques et magasins sont encore une fois barricadés derrière de hautes plaques de bois. La Banque de France s'est elle aussi ceinturée de hautes plaques de métal. Mais contrairement à la semaine dernière, la vie matinale s'anime, notamment dans les cafés et magasins, qui ont ouvert leur portes, timidement, en attendant de voir... "Mon patron m'a dit +on ouvre+, donc on ouvre", résume Laurent, serveur au Café des Phares, place de la Bastille. Samedi dernier, le café avait tiré le rideau. Et si la tension devait monter dans la journée? "On verra bien, mais ça m'étonnerait qu'on ferme aujourd'hui". Une passante devant la terrasse lance un "bon courage!" au serveur. En signe d'encouragement pour cet acte V de la mobilisation? "Non, pour le froid !", dit-elle emmitouflée dans son manteau. "Aujourd'hui, ça à l'air d'être plus calme", constate-t-elle.
"Ras-le-bol" Au café Le Beaumarchais, sur le boulevard du même nom, Lucie et Alex, les deux serveurs servent les premiers cafés de la journée. Samedi dernier, Lucie avait dû fermer le café en voyant les premiers "gilets jaunes" débarquer sur le pavé. "Dès 8H00, on les voyait passer. Aujourd'hui aucun, à part les éboueurs", sourit-elle. "Moi je savais que ça allait tomber à l'eau leur truc", commente son collègue Alex, critique sur le mouvement des "gilets jaunes". Avec ses annonces en faveur du pouvoir d'achat, "Macron a quand même fait un gros effort. Ca sert à rien de continuer maintenant", assure-t-il. Malgré ce calme apparent, la crainte d'une escalade de la violence reste présente. A la brasserie Le vin, avenue Carnot, à 100 mètres du rond-point de l'Etoile, le personnel redoute de nouvelles dégradations, comme chaque samedi depuis plusieurs semaines. Résultat, on s'adapte: pas de chaises en terrasse ni de sapin ni d'appareil chauffant extérieur - tous ont été volés les samedis précédents, raconte Maria, la responsable. "Dès que ça gaze, on a ordre de fermer et de rentrer toutes les chaises et de remonter le store de la terrasse", explique-t-elle. C'est "un peu le ras-le-bol". "Qu'ils manifestent pas de souci mais c'est cette tension, cette casse, c'est affligeant. Samedi dernier, on a dû fermer toute la journée, ça fait 7 à 8.000 euros de chiffre d'affaires perdus", déplore encore Maria. Signe que la tension est un peu retombée, la plupart des musées et théâtres sont ouverts, contrairement au dispositif adopté il y a une semaine. Ouverts aussi la Tour Eiffel, l'Opéra Garnier, les musées du Louvre, d'Orsay et le Grand palais, fermés samedi dernier, tout comme les grands magasins (Galeries Lafayette, BHV et Printemps) à l'approche de Noël. Rue de Rivoli ou place de l'Opéra, plusieurs grandes enseignes de prêt-à-porter, protégés par des plaques de bois, sont également ouvertes. Sur la place de la République, plusieurs magasins accueillent le public avec des vitrines couvertes de contre-plaqué, dont le Go Sport, pillé en fin de journée samedi dernier. Un slogan a été tagué sur le contre-plaqué: "les gilets jaunes sont verts de rage" (...) "On aimerait voir la vie en rose".
Martine Donnette, "gilet jaune" et pasionaria du petit commerce "Ils se battent contre l'injustice, comme moi!": Martine Donnette a revêtu son gilet jaune sur un barrage de Marignane (Bouches-du-Rhône). Cette retraitée qui avait un magasin de laine est depuis des années en guerre contre les Carrefour, Ikea ou Leclerc, qu'elle accuse de tuer le petit commerce. Devant la station Total de Marignane, où une trentaine de "gilets jaunes" se relaient depuis un mois, un homme l'interpelle: "mon commerce, ils sont en train de me le fermer, j'ai pas tenu longtemps". Engoncée dans un manteau beige, Mme Donnette dit respecter "énormément les gilets jaunes qui manifestent pour leur vie, pour leurs droits". Certes le mouvement nuit aux commerces, mais "il faut aller jusqu'au bout, ne rien lâcher". À 70 ans, cette petite femme aux cheveux blonds coupés courts, ne peut pas passer ses journées dehors: des piles de dossiers de contentieux à traiter l'attendent dans son garage, siège de l'association "En toute franchise". Dans le viseur de Martine: les extensions des hypers. Des dossiers venus de tout l'Hexagone remontent à l'association qui saisit le préfet, voire le tribunal administratif, le plus souvent pour des surfaces qui ne correspondent pas au permis de construire. Mais "la plupart du temps, les maires régularisent en catastrophe la situation des hypers avant qu'ils ne soient punis", déplore la septuagénaire. La jeune Martine Donnette n'aurait jamais imaginé devenir cette pasionaria du petit commerce. Passionnée de tricot, elle voulait juste "un magasin de laine dans le Sud". En 1985, elle ouvre une boutique Phildar dans la galerie commerçante de Carrefour à Vitrolles. Quelques mois après la signature du bail, elle raconte que Carrefour lui impose de déménager dans un autre local de la galerie, en doublant son loyer. Quand le marché de la laine s'écroule et qu'elle veut changer d'activité, le groupe refuse et finit par l'expulser en 1991.
Vingt-cinq ans de procédures Avec son compagnon Claude Diot, Martine "descend en enfer". Ruiné, le couple se réfugie dans une caravane, 10m2 où ils vivront pendant quatorze ans. Martine se plonge alors dans la lecture d'un code de l'urbanisme "Dalloz", et soupçonne que l'hypermarché s'est étendu de 13.000 m2, en toute illégalité selon elle. Ce qui la pousse à combattre le groupe et à fonder son association. Pendant vingt-cinq ans, Martine dit avoir subi menaces, filatures, tentatives de corruption. Son mari s'inquiète de son avenir, elle qui ne perçoit que 580 euros par mois de retraite. "On ne voit pas beaucoup nos petits-enfants, on court toujours", déplore-t-elle. "Mais si un jour l'État s'empare du sujet, j'aurai pas fait ça pour rien". Elle range les documents les plus sensibles et les archives les plus anciennes, dans un box loué au mois, dans un lieu tenu secret. 9m2 au sol, envahi d'étagères où s'entassent 25 ans de procédures contre des grandes surfaces. Son combat, c'est "beaucoup de paperasse": recommandés, assignations au tribunal, permis de construire à éplucher... Dans son petit pavillon, indifférente au vrombissement des avions de l'aéroport tout proche, Martine reçoit ce jour-là une bonne nouvelle par la Poste: une décision de la Commission nationale d'aménagement commercial enterrant un projet de zone commerciale à Trets, près d'Aix-en-Provence. Une goutte d'eau dans un océan de défaites. Malgré sa force de caractère, cette fille d'ouvriers de Puteaux dédiée à la cause du "petit peuple" baisse parfois les bras devant "les préfectures qui laissent passer des dossiers incomplets ou frauduleux, les maires qui signent trop d'autorisations aux géants". Si les hypers s'en tirent toujours, assure Martine, c'est parce que "les lois sont faites par et pour les lobbies, qui nous martyrisent et vident nos villes de nos petits commerces". Bertrand Veau, élu sans étiquette de Tournus (Saône-et-Loire), décrit "une femme proche des gens, passionnée". Alors qu'il n'était pas encore maire, M. Veau avait bénéficié de son aide dans sa lutte contre l'implantation d'un centre Leclerc. "Elle nous a épaulés, sinon on se serait fait broyer", dit-il. Mais "en toute franchise" suscite aussi la fronde d'élus, comme Yves Moraine, maire LR des 6e-8e arrondissements de Marseille, qui a qualifié de "recours crapuleux" son action contre le projet de centre commercial du Prado, à côté du Vélodrome. Ses opposants dénoncent un combat "d'arrière-garde", "jusqu'au boutiste", comme l'ont désigné les porte-parole d'Ikea, récemment en conflit avec l'association sur l'implantation d'un magasin à Nice.
La France "a besoin de retrouver un fonctionnement normal" Emmanuel Macron a déclaré vendredi à Bruxelles que la France avait "besoin de calme, d'ordre et de retrouver un fonctionnement normal" à la veille d'une nouvelle journée de mobilisation des "gilets jaunes". "J'ai apporté une réponse" aux demandes des "gilets jaunes", a dit le chef de l'Etat à l'issue du sommet européen. "Le dialogue (...) ne se fait pas par l'occupation du domaine public et par des violences", selon lui. Après quatre samedis de mobilisation, dont trois émaillés de spectaculaires violences et dégradations, certains "gilets jaunes" appellent à un "acte V" samedi tandis que d'autres prônent l'apaisement après l'attentat du marché de Noël mardi soir. "Je pense que le sens de l'intérêt général conduira chacun à s'inscrire dans un débat national, et échanger avec leur maire, pour formuler des propositions politiques et sincères", a ajouté Emmanuel Macron. Il a répété avoir annoncé lundi, lors de son allocution aux Français "des mesures fortes pour répondre aux demandes légitimes et sincères sur le pouvoir d'achat des travailleurs". Parmi ces mesures, figurent notamment une hausse de 100 euros des revenus au niveau du salaire minimum (Smic) et une exemption de la hausse de la CSG pour les retraités gagnant moins de 2.000 euros par mois. Emmanuel Macron a appelé les Français à s'exprimer dans les urnes aux élections européennes de mai 2019 et aux suivantes. Mais "en aucun cas ce qui s'est passé ne doit conduire à remettre en cause l'élection démocratique qui s'est tenue il y a 18 mois", selon lui. Le chef de l'Etat a par ailleurs indiqué qu'il n'y avait "pas eu d'inquiétude" exprimée par les partenaires européens au cours du sommet de Bruxelles sur ces annonces sociales. Ces dernières "se traduisent par une stratégie de réforme qui est maintenue et reconfirmée et par une stratégie budgétaire qui est adaptée à ce choix d'accélération", a-t-il souligné. Devant la presse, la chancelière allemande Angela Merkel s'est déclarée "convaincue" qu'Emmanuel Macron allait continuer à poursuivre ses réformes. "Il a fait certaines propositions, auxquelles il a bien réfléchi, pour répondre aux plaintes des gens, selon elle. Interrogé vendredi matin sur ces annonces, le Premier ministre luxembourgeois Xavier Bettel avait exprimé sa préoccupation sur leur impact financier. "On ne peut pas hypothéquer les futures générations sur les demandes actuelles de l'un ou l'autre. On a tous des responsabilités politiques pour aujourd'hui, mais aussi pour demain", a-t-il déclaré.
Merkel apporte son soutien à Macron La chancelière allemande Angela Merkel a apporté son soutien vendredi au président français Emmanuel Macron, après les mesures annoncées par ce dernier pour juguler la crise des "gilets jaunes". Interrogée à l'issue du sommet de Bruxelles sur les annonces d'Emmanuel Macron destinées à calmer les protestations, Mme Merkel a dit: "il a fait certaines propositions, auxquelles il a bien réfléchi, pour répondre aux plaintes des gens". Elle s'est dite en même temps "convaincue" que "le président français Macron va continuer à poursuivre son programme de réformes", parallèlement aux mesures annoncées pour juguler la crise des "gilets jaunes". Car cet agenda est "bon pour la France et particulièrement pour la réduction du chômage des jeunes". La série de mesures d'urgence annoncées lundi par M. Macron devraient coûter 10 milliards d'euros à la France et pourraient du coup faire repasser le déficit public français au-delà de la limite européenne de 3% du PIB, en dépit des engagements de Paris. L'Allemagne de la chancelière Angela Merkel, traditionnellement très à cheval sur le respect des règles en Europe, n'a pas toujours dans le passé fait preuve de discrétion. Mais ces derniers temps, Berlin a eu plutôt tendance à laisser la Commission européenne rappeler les règles budgétaires aux mauvais élèves, en se gardant de critiquer ouvertement. A propos du mouvement des "gilets jaunes", Mme Merkel a estimé que "la possibilité de manifester faisait partie de la démocratie". "Cela signifie également que la violence ne doit pas être utilisée", a-t-elle ajouté.
Une fronde inédite en France Les étapes de la colère inédite des "gilets jaunes", de sa naissance sur les réseaux sociaux aux violentes manifestations, en passant par les concessions de l'exécutif. Le mouvement, à l'origine contre la hausse des carburants et exprimant par la suite un profond mécontentement social, a fait six morts, pour la plupart lors d'accidents sur les barrages, et plus de 1.400 blessés depuis le 17 novembre. Dans une vidéo sur Facebook postée le 18 octobre, rapidement virale, une inconnue, Jacline Mouraud, interpelle "Monsieur Macron", dénonçant "la traque aux conducteurs". Une pétition "Pour une baisse des prix du carburant" cartonne sur internet. Le samedi 17 novembre, la première journée de blocages de routes rassemble en France près de 290.000 manifestants arborant un gilet jaune fluorescent, action organisée en dehors de tout parti ou syndicat. Le lendemain, le Premier ministre Édouard Philippe assure que le gouvernement va "tenir" son cap. L'île de La Réunion est secouée par une flambée de violence, due notamment à de jeunes casseurs. Samedi 24 novembre, pour l'"acte 2" de leur mobilisation, plusieurs milliers de manifestants s'opposent durement aux forces de l'ordre sur les Champs-Élysées à Paris. Quelque 166.000 manifestants en France (dont 8.000 à Paris) seront recensés. Le 27 novembre, Emmanuel Macron annonce vouloir adapter la fiscalité des carburants aux fluctuations de prix et organiser une "grande concertation" dans les territoires. Le 1er décembre, le troisième samedi de mobilisation donne lieu à de multiples violences, surtout à Paris, où l'Arc de Triomphe et plusieurs quartiers huppés connaissent des scènes de guérilla urbaine. L'Intérieur recense 136.000 manifestants en France. Emmanuel Macron convoque le 2 décembre une réunion de crise à l'Élysée, et Édouard Philippe reçoit le lendemain les chefs des partis politiques. Les blocages de routes, zones commerciales et dépôts pétroliers se poursuivent. Porté par cette contestation, le mouvement lycéen contre les réformes dans l'Éducation nationale perturbe les lycées à partir du 3 décembre. Le 4, Édouard Philippe annonce la suspension pour six mois de la hausse de la fiscalité sur les carburants et du durcissement du contrôle technique automobile, ainsi qu'un gel des tarifs du gaz et de l'électricité "durant l'hiver". Le 5, Emmanuel Macron fait savoir que les augmentations de taxes sur les carburants sont annulées pour 2019. Le 7, des "gilets jaunes" dits "modérés", sont reçus à Matignon. Ils appellent à manifester pacifiquement et pas à Paris pour ne pas être assimilés à des "casseurs". Le samedi 8, malgré un déploiement massif des forces de l'ordre, des heurts éclatent dans la capitale et en province. L'acte 4 mobilise 136.000 manifestants et se solde par près de 2.000 interpellations et des dégâts dans de nombreuses villes, particulièrement Paris, Bordeaux et Toulouse. Plus de 4.500 interpellations ont été réalisées depuis le 17 novembre, selon des sources policières. Dans une allocution télévisée le 10 décembre, Emmanuel Macron annonce une hausse de 100 euros par mois pour les salariés payés au Smic -à la charge de l'Etat-, des heures supplémentaires "sans impôts ni charges" et une exemption de la hausse de CSG pour une plus grande partie des retraités. Le coût des mesures annoncées par l'exécutif depuis le début du mouvement est évalué à 10 milliards d'euros. Certains gilets jaunes saluent des "avancées" mais d'autres dénoncent "une mascarade". L'opinion est désormais plus partagée sur la poursuite du mouvement, selon des sondages. Après l'attentat meurtrier du 11 décembre à Strasbourg -dont l'auteur sera tué deux jours plus tard-, le gouvernement, le numéro un de la CFDT Laurent Berger et des politiques appellent les gilets jaunes à ne pas manifester samedi. Le 13 décembre, une motion de censure contre le gouvernement déposée par les députés de gauche est rejetée. Pour le cinquième samedi de mobilisation, un déploiement important des forces de l'ordre est à nouveau prévu, par crainte de violences.