Des partis d'opposition ont «félicité» hier les Tunisiens et plaidé pour la «fin du régime totalitaire» à Khartoum. Ils demandent aussi la démission du ministre des Finances jugé responsable de la hausse des prix. La dévaluation de la livre soudanaise ces derniers mois — due à l'incertitude sur la partition prévue du pays et à un assèchement des réserves de devises étrangères — et le mauvais état des finances publiques plombées par une lourde dette sont à l'origine d'une poussée inflationniste. Le pays paye plus cher ses importations et le gouvernement a dû annoncer une série de mesure d'austérité. Résultat, le prix du sucre a bondi de 15% en une semaine, le pain de 20% depuis décembre, et l'essence de 33%. «Tout, tout a augmenté. Alors, je suis obligée d'acheter moins de choses», se plaint Fatma Mohammed, jeune mère de quatre enfants. «Le prix du kilo de viande est passé de 20 à 24 livres (environ neuf dollars). Les gens ne sont pas contents, ils disent que c'est trop, et nous demandent pourquoi», affirme Sami Mohammed Kheir, qui travaille dans une boucherie. Des heurts ont opposé la police à des étudiants protestant contre la hausse des prix cette semaine dans la Gezira, au sud de Khartoum, où des paysans en colère plaident pour une réforme du secteur agricole. A cette précarité, s'ajoute la déception face à l'indépendance du Sud-Soudan jugée inéluctable après le référendum de cette semaine. «Le terrain est prêt pour un soulèvement populaire», estime Moubarak al-Fadil, un des ténors de l'opposition, membre du parti Umma. «La crise actuelle peut seulement finir par la fin du régime totalitaire et la fin d'un régime de parti unique», a déclaré, lors d'une conférence de presse, Farouq Abou Eissa, porte-parole des Forces de la coalition, qui regroupe les partis communiste, Umma et le Congrès populaire (islamiste). Ces partis ont «félicité» les Tunisiens pour le soulèvement populaire ayant mené à la chute du président Zine El Abidine Ben Ali, et ont convenu de se rencontrer au «cours des prochains jours» pour définir les moyens de faire tomber le régime du président Omar El Béchir, au pouvoir depuis le coup d'Etat de 1989. Le Soudan a connu deux soulèvements populaires, en 1964 et en 1985, ayant renversé des régimes militaires. «Si le NCP (Parti du congrès national du président Béchir) ne tire pas les leçons de l'Histoire, il doit au moins regarder les chaînes de télévision internationales. La Tunisie montre bien que rien ne peut s'opposer à la volonté populaire», ajoute M. Fadil. La sécession du Sud-Soudan, qui devrait être prononcée en juillet, va libérer un peu plus de 20% des sièges à l'Assemblée nationale soudanaise. L'opposition a demandé la formation d'un «gouvernement de transition», mais le président Béchir s'est dit prêt à donner des postes à des membres de l'opposition s'ils adhéraient à son programme. Des messages diffusés par de jeunes Soudanais en faveur d'un soulèvement populaire pacifique commencent à circuler sur internet, mais ils demeurent limités. Outre la grogne sociale et la gestion de l'après-sécession du Sud-Soudan, le gouvernement soudanais est confronté à la rébellion armée au Darfour, région de l'ouest du pays en proie depuis huit ans à la guerre civile. «Le président Béchir, même quand il semblait affaibli, a toujours su rebondir», souligne cependant un diplomate occidental. Plusieurs analystes pensaient en 2009 que le mandat de la Cour pénale internationale contre M. Béchir pour crimes de guerre au Darfour allait éroder son soutien, mais il a su rallier la population en lançant une croisade contre l'Occident.