le référendum au Soudan après une semaine de scrutin a pris fin hier soir avec la fermeture de l'ensemble des bureaux de vote et laissé place aux opérations de dépouillement des bulletins de vote devant mener à la partition du plus grand pays d'Afrique. Selon la commission référendaire, plus de 80% des quelque quatre millions d'électeurs inscrits ont participé, alors que l'ancien président américain Jimmy Carter, qui dirige une mission d'observation, estime que la participation serait de l'ordre de 90%. Pour que les résultats soient valides, il fallait qu'au moins 60% des électeurs inscrits se déplacent. La Commission a indiqué, par ailleurs, qu'aucune violation de la loi n'a été signalée. «Le référendum qui a débuté le 9 janvier s'est déroulé dans l'ordre au niveau de tous les centres et la police n'a enregistré aucun cas de violation de la loi lié au référendum», rapporte de son côté l'agence saoudienne de presse. Le plus important pour les Soudanais est d'attendre dans le calme et la sérénité les résultats de cette opération, saluée par la communauté internationale. Ainsi, le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, a salué la fin du référendum. Il a appelé les Soudanais à faire preuve de patience et de retenue en attendant les résultats définitifs. Le secrétaire général félicite le travail de la Commission du référendum à Khartoum et de son bureau à Juba, et les deux parties signataires de l'Accord de paix global. Il a exprimé sa gratitude à tous les pays donateurs dont la contribution a facilité ce processus et son appréciation aux groupes d'observateurs présents au Soudan et à l'étranger pour évaluer la situation. De son côté, la Chine n'a pas manqué d'emboîter le pas aux Nations unies. «Grâce aux efforts conjoints du Nord-Soudan et du Sud-Soudan, et de la communauté internationale, le référendum au Sud-Soudan s'est bien déroulé, a déclaré hier le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Hong Lei. La Chine a qualifié le scrutin d'«étape importante» dans l'application de l'Accord de paix global Nord-Sud. La Chine souhaite faire des efforts conjoints avec la communauté internationale et les parties concernées pour jouer un rôle actif et constructif dans la promotion de la paix, de la stabilité et du développement au Soudan», a-t-il indiqué. Grogne populaire en raison d'une inflation galopante, amertume face à la séparation attendue du sud du pays, les Nord-Soudanais s'interrogent sur leur avenir et se demandent si un soulèvement populaire comme en Tunisie est possible à Khartoum. La dévaluation de la livre soudanaise au cours des derniers mois – due à l'incertitude sur la partition prévue du pays et à un assèchement des réserves de devises étrangères – et le mauvais état des finances publiques plombées par une lourde dette, sont à l'origine d'une poussée inflationniste au Soudan. Le pays paye plus cher ses importations et le gouvernement a dû annoncer une série de mesures d'austérité. Résultat, le prix du sucre a bondi de 15% en une semaine, le pain de 20% depuis décembre et l'essence de 33%. «Tout a augmenté, alors je suis obligée d'acheter moins de choses», se plaint Fatma Mohammed, jeune mère de quatre enfants. «Le prix du kilo de viande est passé de 20 à 24 livres (environ neuf dollars). Les gens ne sont pas contents, ils disent que c'est trop, et nous demandent pourquoi», affirme Sami Mohammed Kheir, qui travaille dans une boucherie. Des heurts ont opposé la police soudanaise à des étudiants protestant contre la hausse des prix pendant deux jours de suite cette semaine dans la Gezira, large bande de terre au sud de Khartoum, entre les deux Nil, où des paysans en colère plaident pour une réforme du secteur agricole. A cette précarité, s'ajoute désormais la déception de certains nordistes face à l'indépendance du Sud-Soudan jugée inéluctable après le référendum qui s'est déroulé cette semaine. «Le terrain est prêt pour un soulèvement populaire», estime Moubarak al-Fadil, un des ténors de l'opposition, membre du parti Umma, formation vieillissante qui avait toutefois remporté les élections multipartites de 1986, un an après la chute du régime militaro-socialiste de Gafaar al-Nimeiri. Le Soudan a connu deux soulèvements populaires, en 1964 et en 1985, ayant renversé des régimes militaires. «Si le NCP (Parti du congrès national du président Omar el-Béchir) ne tire pas les leçons de l'Histoire, il doit au moins regarder les chaînes de télévision internationales. La Tunisie montre bien que rien ne peut s'opposer à la volonté populaire», ajoute M. al-Fadil. Le président tunisien aujourd'hui déchu Zine El Abidine Ben Ali, 74 ans, a quitté le pouvoir vendredi après un mois de protestations contre son régime qui ont fait des dizaines de morts. La sécession du Sud-Soudan, qui devrait être prononcée en juillet, va libérer un peu plus de 20% des sièges à l'Assemblée nationale soudanaise. L'opposition a déjà demandé la formation d'un «gouvernement de transition», mais a reçu une fin de non-recevoir du président Béchir. Celui-ci s'est dit prêt à donner des postes à des membres de l'opposition s'ils adhéraient à son programme. Des messages diffusés par de jeunes Soudanais en faveur d'un soulèvement populaire pacifique commencent à circuler sur internet, mais ces appels demeurent limités. Outre la grogne sociale et la gestion de l'après-sécession du Sud-Soudan, le gouvernement soudanais est confronté à la rébellion armée au Darfour, région de l'ouest du pays en proie depuis huit ans à la guerre civile. «Le président Béchir, même quand il semblait affaibli, a toujours su rebondir», souligne cependant un diplomate occidental sous le couvert de l'anonymat. Plusieurs analystes pensaient en 2009 que le mandat de la Cour pénale internationale (CPI) contre Omar el-Béchir pour crimes de guerre au Darfour allait éroder son soutien, mais le président a su rallier la population en lançant une croisade contre l'Occident.