C'est lors d'une session ordinaire de l'APW, le 2 juillet, que la commission de la santé et de l'environnement a présenté son exposé séquentiel sur la situation de l'environnement et ses perspectives dans la wilaya et qu'a été soulevé pour la première fois le grave problème de la pollution de l'environnement par des déchets industriels. L'assistance, lors de cette session, a appris avec stupeur que la ville de M'sila croulait depuis des années sous les déchets industriels dangereux et que rien n'avait été fait pour protéger sa population des aléas de la contamination. Ces déchets sont générés exclusivement par Agal+, unité de production et de transformation d'aluminium, en activité à M'sila depuis le milieu des années 1980. Ses déchets sont de trois types contenant des éléments chimiques et les métaux lourds : les boues, les crasses d'aluminium (déchets après fonderie) et les eaux de rejet (effluents liquides). Dans le rapport de la commission de la l'APW, il est mentionné que les déchets solides engendrés par le processus de production de cette unité sont l'oxyde d'aluminium, les hydroxydes de métaux lourds et les chromes (exavalent et trivalent). Eu égard à leur excessive dangerosité et redoutant leur infiltration dans le sol et la pollution des eaux souterraines, 50 tonnes d'exavalent et de trivalent amalgamés dans de la boue d'aluminium ont été, au milieu des années 1980, emballés dans des fûts métalliques et rangés à même l'unité. Ces 50 tonnes de déchets dangereux, stockés depuis plus de 15 ans dans l'enceinte de l'unité, jetés dans les rebuts sans aucune précaution particulière, constituent un danger permanent pour les travailleurs de l'unité, où il a été enregistré la mort de 8 travailleurs des suites de différents cancers. Ces travailleurs activaient soit dans l'atelier d'anodisation ou dans celui de traitement de surface (à forte toxicité du fait de l'utilisation du chrome), soit dans les structures qui leur sont mitoyennes. Cette forte toxicité du chrome, notamment l'exavalent, réside dans le fait, lit-on dans le rapport élaboré par l'APW, qu'« une proportion de 0,01 mg/litre tue). De ces fûts métalliques, constatés de visu lors de notre passage à l'unité Algal+, le 27 juillet dernier, rangés parmi d'autres emballages en plastique, dégoulinait, à travers la mince tôle d'emballage, une matière jaunâtre, considérée a priori être la résultante du mélange des métaux lourds tels que les chromes exavalent et trivalent, le fer, le fluor, le cuivre, le magnésium, le nitrate, le zinc… à de la boue, composée de 25% à 30% d'aluminium. Non loin de là, une montagne de déchets de couleur grisâtre, datant, nous a-t-on dit, de l'époque de Méthanof, domine la devanture de l'unité, lui donnant non seulement une apparence hideuse mais éclairant tout un chacun sur l'absence totale de politique de gestion des déchets aussi bien de la part de l'unité que de la direction de l'environnement de la wilaya. Des rejets industriels déversés en pleine nature Après cette opération de stockage des boues dans des fûts, qui est demeurée la seule, on s'est attelé, après coup, à déposer sans discontinuité et anarchiquement dans différents endroits de la périphérie de la ville, ces déchets industriels sans tenir compte de leurs effets néfastes sur l'environnement et sur la population. Laquelle population s'est trouvée, à son corps défendant, exposée aux poussières contaminées soulevées par le vents et qui pourraient être inhalées, affectant dangereusement la santé des habitants de cette ville et des villages environnants. La propension à la contamination par ces matières nocives est omniprésente par le fait que des montagnes de déchets industriels n'ont cessé de se constituer depuis des années, jusqu'à atteindre plus de 15 000 tonnes de boues renfermant de l'hydroxyde d'aluminium, du chrome (exavalent et trivalent) et différents métaux lourds. Ces déchets industriels dangereux sont abandonnés en pleine nature, principalement à Mouilha, sur les hauteurs nord-est de la ville de M'sila et anciennement sur la route de Draâ El Hadja. En cet endroit de Draâ El Hadja, nous dira un expert en environnement au fait du caractère dangereux du stockage anarchique des déchets industriels, « plus de 4000 tonnes de déchets sont enterrées à même le sol, sans aucun revêtement capable d'empêcher migration souterraine de ces produits toxiques qui présentent des dangers d'infiltration des éléments chimiques dans la nappe phréatique ». Justifiant cela, il ajoute : « Lorsqu'on dispose de sol approprié (revêtement du sol), la zone d'affectation de la charge polluante des infiltrations provenant des déchets est relativement petite, ce qui abaisse le potentiel de pollution des eaux souterraines. » Pour les eaux de rejet vers l'oued Ksob, a-t-il souligné, il y a lieu de signaler la présence de produits dangereux identiques à ceux présents dans les boues. De tels rejets peuvent nuire à la nappe phréatique par des infiltrations à travers l'oued et, selon toute vraisemblance, il y a péril en la demeure. Il faut effectuer en urgence des analyses de contrôle des rejets des effluents liquides de l'usine, conformément aux dispositions réglementaires y afférentes. Il y a sans conteste une véritable anarchie en matière de prise en charge des déchets industriels dangereux aussi bien par l'unité Algal+ que par les autorités de la wilaya, et ce, en dépit des dispositions légales et réglementaires régissant la protection de l'environnement dans le cadre du développement durable. L'ampleur de la dangerosité de ses déchets n'a jamais été mesurée depuis le lancement de l'unité Algal+, au milieu des années 1980. Les premières analyses de déchets et de boues ont été réalisées pour la première fois par le Centre de recherche nucléaire de Birine, en 2003. Les résultats de ces analyses quant à la présence de certains matériaux, notamment le chrome dans les boues stockées depuis des années à l'air libre sont sans appel. La proportion de chrome présente dans cet échantillon de déchets est de 0,032 g, une proportion trois fois supérieure à 0,01mg/l, qui, selon le rapport de la commission de l'APW, est censée tuer. Aucune enquête n'a été diligentée sur les conséquences de cette exposition des populations aux produits toxiques contenus dans les déchets industriels stockés sans protection aucune depuis plus de 20 ans.