La wilaya de Boumerdès continue de s'accommoder de l'absence quasi totale d'activités culturelles sur l'ensemble de son territoire, y compris dans les grands centres urbains. La «désertion» de la scène culturelle a en fait commencé au début des années 1990, avec la dégradation de la situation sécuritaire et l'influence des islamistes sur la gestion de la culture. En effet, toutes les salles de cinéma existant au niveau de la wilaya ont dû fermer leurs portes pour des raisons de sécurité. Deux salles à Dellys, une à Boudouaou, deux à Khemis El Khechna, une à Baghlia, une aux Issers et trois à Bordj Menaiel, ont toutes subi le même sort : fermées, puis abandonnées. Les autorités ont fait l'effort de réhabiliter la salle Afrique des Issers, et celle de Baghlia, mais leur exploitation n'a malheureusement pas suivi. Aux Issers, on a décidé d'en faire un théâtre, mais qui n'abrite que très épisodiquement des activités dramaturgiques. A Baghlia, la salle de cinéma a été réhabilitée, mais les autorités ont décidé de la garder fermée. Pourtant, partout dans la wilaya, le besoin d'exploiter ces espaces, et d'en construire d'autres se fait sentir. Des animateurs du mouvement culturel n'ont eu de cesse d'interpeller les autorités sur cette situation, en vain. Les habitants de Bordj Ménaiel, Dellys ou Khemis El Khechna se rappellent le « bon vieux temps où il était possible d'aller voir un film après une journée de travail ou le week-end ». Un habitant de Bordj Ménaiel souligne qu'«ici, avant le début du terrorisme islamiste, il y avait les salles El Djamal, Royal et Sinjab. Notre ville était connue pour son activité théâtrale débordante qui a vu même la participation de feu Kateb Yacine, dit-on. Aujourd'hui, il ne reste que la salle Sinjab qui continue à être utilisée par la troupe qui porte le même nom. Elle a été réhabilitée ces dernières années, mais elle est loin de retrouver son rythme et son prestige d'antan». A Khemis El Khechna, «on a laissé s'effondrer la bâtisse pour convoiter le terrain qu'on a tenté de détourner», nous dit un habitant de la ville. «Khemis El Khechna est une commune de plus de 60 000 habitants où n'est organisée aucune activité culturelle pouvant intéresser le grand public. Nos élus et nos responsables en général ne s'intéressent qu'au logement et autres pseudo programmes de développement. Mais le régime s'appuie sur l'acculturation du peuple. On nous a tout retiré», se plaint notre interlocuteur. Ce problème n'a malheureusement pas épargné le chef-lieu de wilaya. «Le drame est que même la ville de Boumerdès ne dispose pas de salles de cinéma ou de spectacles. Seule la maison de la culture Rachid Mimouni organise parfois des galas artistiques. Ceci a lieu généralement pendant la période estivale ou durant le mois de Ramadhan. Ce qui exacerbe la colère des jeunes de l'ex-Rocher noir. «C'est comme si l'art ne devait se pratiquer ou se consommer que pendant des moments définis. Nous aimerions avoir des spectacles tous les soirs, des expositions d'art, des conférences, des projections de films et autres tout le long de l'année. Pourquoi limiter cela à des journées bien définies ?», nous disent des habitants du chef-lieu de wilaya. «La maison de la culture et la maison de jeunes Senani, les deux seules infrastructures aptes à abriter ce genre d'activités, sont réduites à accueillir des manifestations sporadiques qui, quand elles n'ont pas une arrière pensée politique, elles sont dominées par le caractère administratif», déplorent-ils encore.Comme quoi l'activité culturelle n'est pas seulement victime de l'intégrisme islamiste, mais aussi du « tutorat » ou de la démission étatiques.