Les parents d'élèves et les commerçants connaissent de sérieux problèmes engendrés par une décision prise à la hâte et qualifiée d'incongrue. « Pas moins de 22 000 tabliers de toutes les couleurs, pour garçons et filles me sont restés sur les bras ! » Ce sont là les propos acerbes d'un commerçant d'habits pour enfants, dont le magasin est situé à la rue Belouizded (ex-Saint-Jean). A ce propos, un communiqué émanant du ministère de l'Education, rendu public le 23 juin 2009, fixe la couleur du tablier : rose obligatoire pour les filles (primaire et moyen) et blanc pour les lycéennes. Le bleu clair est exigé pour les garçons, tous paliers confondus. Certains directeurs d'établissements scolaires disent avoir été avisés dans ce sens par le ministère de l'Education. Pour eux, « ce n'est pas un problème ». Cependant, ce qui a été de fait lancé à la hâte, et sans avis préalable, estime-t-on dans les milieux populaires et commerçants, est vécu aujourd'hui comme un véritable problème au vu des difficultés, tant financières que d'ordre pratique, que cela engendre. Quelques parents d'élèves rencontrés dans les boutiques estiment incongru ce nouveau règlement. « Mes deux filles ont de jolis tabliers de bonne qualité, pourquoi devrais-je en acheter d'autres ? » s'interroge une jeune mère. Une autre de renchérir : « Je n'étais même pas au courant de ça ; je n'avais pas l'intention d'acheter de tabliers, maintenant il va falloir jeter ceux de l'année passée, et puis qu'est-ce que cela peut faire que des enfants portent des tabliers de couleur différente ?Est-ce un uniforme ? Je ne comprends pas ! » La quasi-totalité des boutiquiers questionnés sont unanimes à relever les « retombées catastrophiques de cette décision impromptue qui n'aurait dû, à la limite, entrer en vigueur que dans deux ou trois ans, au moins ». Un autre propriétaire d'un magasin de prêt-à-porter pour enfants, sis à la rue Larbi Ben M'hidi, se dit « atterré » par cette condition du ministère de l'Education qu'il trouve « totalement injuste », car n'ayant aucunement prévu les pertes « colossales » pour les négociants. « Qu'est-ce que je vais faire avec ces milliers de tabliers stockés dans l'arrière-boutique ? Les jeter ? Je ne peux même pas les donner, qui en voudrait ? » se lamente un autre boutiquier mitoyen au premier. La mort dans l'âme, il nous avouera avoir commandé quelques tabliers roses (uniquement pour filles) pour ne pas décevoir ses clients habituels. « Mais, avertit-il, il ne faut plus s'attendre à voir de la bonne qualité, le tissu est vraiment très mauvais ». L'un de ces commerçants avancera le chiffre de 375 000 tabliers entreposés chez le grossiste, en l'occurrence son propre fournisseur, du nom de Boubani. Par ailleurs, un nombre important de ces boutiquiers se sont abstenus de commander de nouveaux tabliers aux couleurs exigées, ce qui ne manquera pas de donner encore matière à spéculer à ceux qui sont toujours à l'affût « des bonnes affaires », lesquelles se font toujours selon l'adage approprié, disant : « Le malheur des uns fait le bonheur des autres ». Et ceux-là ne se sont pas fait attendre ! Certains ateliers de couture ont déjà commencé à confectionner des tabliers par séries, en drap rose et bleu, dont la qualité très douteuse, aux dires de certains, ne suscite aucunement la fine bouche, puisque, comme toujours, le client n'a jamais le choix.