Ce qu'est le code des marchés publics Le code des marchés publics constitue la réglementation applicable aux commandes publiques qui régit le mode de passation de contrats des entités administratives ou économiques de l'Etat. Ces contrats obéissent conséquemment aux règles particulières de droit public. Les marchés publics, au sens de ce code, sont soumis à des règles codifiées, notamment pour ce qui concerne, leur préparation au vue des besoins, la procédure d'identification et de sélection des fournisseurs et les règles de mise en concurrence, la précision de certains seuils, les modalités de publication, les dispositions contractuelles comme celles relatives aux modalités de paiement aux garanties et aux cautions, les modalités de réalisation y compris celles relatives à la sous-traitance et aux avenants, mais également celles ayant trait au contrôle tant interne qu'externe. Le marché public est forcément un contrat écrit. Il est conclu en vue de la réalisation, pour le compte du service contractant, qui est soit une administration publique, une institution nationale autonome, une wilaya, une commune, un établissement public à caractère administratif pour la réalisation de travaux, l'acquisition de fournitures, de services et d'études. L'application du code des marchés publics est étendue aux Entreprises Publiques Economiques (EPE) et établissements publics dotés de l'autonomie financière (autres que les établissements publics à caractère administratif), lorsque ces entités sont chargées de la réalisation d'une opération financée, totalement ou partiellement, sur concours temporaire ou définitif de l'Etat. L'avant-dernière révision sous le décret présidentiel n° 10-236 du 7 octobre 2010, portant réglementation des marchés publics, a étendu l'application du code des marchés publics aux EPE par l'effet d'une prescription à faire adopter et à faire valider ses dispositions par leurs organes sociaux et leurs conseils d'administration sauf pour les dispositions relatives au contrôle externe. Une instruction a cependant différé cette application aux EPE à fin mars 2011, pour que ces entités puissent adapter, dans l'intervalle, leurs procédures de passation de marchés. La réglementation des marchés publics est une nécessité, tel qu'elle définit son propre fondement basé sur la recherche de l'efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des fonds publics. Sur l'aspect d'équité cette réglementation est également pour respecter les principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures(2). La récente refonte de la réglementation des marchés publics La réglementation des marchés publics en Algérie a fait l'objet de plusieurs modifications depuis 1967, année du premier code des marchés publics. Dans le contexte d'un développement et de sauvegarde de l'économie postindépendance, cette réglementation n'a cessé d'être révisée pour être adaptée aux différentes mutations de l'environnement économique algérien. Plus particulièrement les codes des années 1982 et 1991 ont été respectivement les textes régulateurs d'une phase d'économie largement centralisée et d'une phase annonciatrice d'un début de libéralisation, précurseur d'une économie de marché dont la réglementation de marchés publics n'a été révisée qu'en 2002(3) pour atteindre la version qui a servi de base à l'amendement portée par le décret présidentiel n° 10-236 du 7 octobre 2010. Les fondements du texte d'octobre 2010, outre le fait que l'Algérie a dépensé de gros budgets d'équipements, notamment pour la dotation et l'extension d'infrastructures stratégiques, entre deux plans quinquennaux engageant plusieurs milliards de dollars, sont particulièrement basés sur un encadrement strict des procédures de passation des marchés publics, suite aux différents scandales de corruption mis en évidence et démontrant que la passation de marchés publics est, hélas, le terrain de prédilection de l'usage frauduleux pour des enrichissements à l'encontre de la moralité publique. Sur ce sujet, le communiqué du Conseil des ministres présentant la version d'octobre 2010 a particulièrement mis en exergue que la nouvelle rédaction de la réglementation des marchés publics visait à garantir la transparence dans les procédures d'approbation des marchés publics et à consolider les instruments de prévention et de lutte contre la corruption Parallèlement, la nouvelle réglementation liée à l'investissement direct étranger en Algérie conjuguée à la volonté de soutenir la promotion de la production nationale a amené le législateur à formuler des conditions spécifiques à l'adresse des fournisseurs étrangers, tant attirés par les opportunités de marchés à réaliser en Algérie ; d'où les mesures incitatives à la participation de l'entreprise algérienne et de la production nationale à la satisfaction de la commande publique. Sur les fondements de la moralité liée aux marchés publics Pour cadrer avec le débat sur la moralité associée à la passation et à l'exécution des marchés publics, le décret présidentiel du 7 octobre 2010 a prévu que les soumissionnaires nationaux et les soumissionnaires étrangers, ayant déjà travaillé en Algérie présentent les attestations fiscales et attestations d'organismes de sécurité sociale confirmant leur position en qualité de contribuables et d'employeurs. La fourniture de l'extrait du casier judiciaire du soumissionnaire, lorsqu'il s'agit d'une personne physique, du gérant ou du directeur général de l'entreprise, lorsqu'il s'agit d'une société est également pour apporter la preuve de la probité des dirigeants des entités cocontractantes. Le soumissionnaire à un appel d'offres public est également tenu de signer une déclaration de probité. De même que sont exclus les soumissionnaires inscrits au fichier national des fraudeurs, auteurs d'infractions graves aux législations et réglementations fiscales, douanières et commerciales. La preuve de bonne moralité rejoint même les aspects de conformité en matière de comptes sociaux puisque les soumissionnaires doivent également fournir, pour les sociétés commerciales, l'attestation de dépôt légal des comptes sociaux auprès du CNRC(4). Il faut également signaler la volonté de l'Etat dans cet effort de moralisation, en tant que régulateur, qui a prévu dans le même code la création d'un observatoire de la commande publique destiné à recenser et analyser les données économiques relatives aux marchés publics. Sur les fondements de l'implication des fournisseurs étrangers L'esprit du code des marchés publics dans sa version du 7 octobre 2010 est dans l'encouragement des services contractants à recourir au maximum aux entreprises algériennes. Tel est le cas de la disposition qui vise à permettre aux entreprises algériennes de participer davantage à la réalisation des programmes d'investissements publics par l'allotissement des projets. En pratique l'application devrait concerner les projets complexes, les grands chantiers, lorsqu'ils sont lancés en ‘clés en main' et qu'ils comportent des phases ou des lots réalisables par des moyens locaux. Pour renforcer la qualification à être retenu dans le cadre de marchés publics, les entreprises algériennes, au capital majoritairement national, tout comme les produits et services locaux bénéficient d'une marge maximale de préférence de 25%(5). De même que les contractants de secteur public doivent veiller à recourir exclusivement à l'appel d'offres national, lorsque la production nationale ou l'outil local de production est en mesure de satisfaire le besoin de leur entité. Pour rester sur le ton de l'instruction du chef du gouvernement de décembre 2008, relayé par la loi de finances complémentaire pour 2009, pour ce qui concerne l'investissement étranger, notamment sur les dispositions de majorité de capitaux nationaux résidents, la loi de finances complémentaire pour 2010 avait déjà pris le pas sur la nouvelle version du code des marchés publics en prescrivant l'obligation pour les soumissionnaires étrangers de s'engager dans le cahier des charges des appels d'offres internationaux à créer un partenariat d'investissement avec une entreprise de droit algérien dont le capital est détenu majoritairement par des nationaux résidents. L'article 24 du code des marchés publics, dans sa version d'octobre 2010, précisait que le dossier d'appels d'offres devait contenir une liste non limitative d'entreprises de droit algérien dont le capital est détenu majoritairement par des nationaux résidents, susceptibles de concrétiser une opération de partenariat avec le soumissionnaire étranger. Quand mesures et impacts des mesures ne sont pas suffisamment projetées Nonobstant les mesures de clarification apportées par le décret présidentiel d'octobre 2010, les objectifs ont été freinés, devant la difficulté d'accès au marché algérien par des opérateurs étrangers, tant par défaut de communication que par effet contraire induit par des dispositifs dont la projection n'a pas été mesurée tant au plan sectoriel que sur la taille et la nature des opérateurs. S'il est vrai qu'il ne peut être développé de réglementation au cas par cas, il n'en demeure pas moins que l'effet conjugué de la difficulté d'interprétation, en l'absence d'un mode opératoire publié, aux craintes des gestionnaires des entités publiques et à l'appréciation difficile de risque des cocontractants potentiels, notamment lorsqu'elle affecte leur présence actuelle ou projetée en Algérie, complique l'application de la réglementation. Le privilège accordé aux entreprises algériennes a éludé le motif principal visé par l'engagement d'investissement imposé aux soumissionnaires étrangers ; celui du transfert de savoir-faire. Ce transfert ne saurait se faire que s'il est structuré par secteur d'activité, concordant avec un plan de développement tant macro-économique qu'appliqué aux entreprises, selon leur industrie et leur taille. Tel devrait être l'approche du partenariat avec les opérateurs étrangers, structurant vers le modernisme, tout en tenant compte que la maîtrise des nouvelles technologies est souvent au capital des opérateurs étrangers, ce qui pose le problème de la gestion des brevets et licences. Modifications apportées par le décret présidentiel n° 11-98 du 1er mars 2011 L'article 24 du décret présidentiel du 6 mars 2011 laisse penser que certains projets de soumissionnaires étrangers pourraient être exemptés de cette condition d'investissement, laissant la prérogative de décider la désignation des projets devant donner lieu à l'engagement d'investir et la nature de l'investissement à l'autorité de l'institution nationale de souveraineté de l'Etat, de l'institution nationale autonome ou du ministre concerné. Lorsqu'il s'agira de marché contractés par des entreprises publiques économiques, financées partiellement ou totalement sur concours temporaires ou définitifs de l'Etat, les projets et la nature de l'investissement devront être définis par le ministre concerné. Pour les marchés non financés sur concours étatique, les projets soumis à l'obligation d'investissement et la nature de celui-ci seront fixés par décision du Conseil des participations de l'État. Dans ce cadre, pour faciliter les partenariats, l'article 24 du décret présidentiel du 6 mars 2011 précise que le dossier d'appel d'offres doit contenir une liste non limitative d'entreprises de droit algérien et majoritairement détenues par des résidents nationaux, susceptibles de concrétiser une opération de partenariat avec le soumissionnaire étranger. L'offre du soumissionnaire étranger doit comporter, sous peine de rejet de son offre, son engagement, selon un planning et une méthodologie, à satisfaire l'obligation citée » (extrait de l'article 24 du décret présidentiel du 6 mars 2011). L'ANDI(6) se trouve désormais impliquée dans ce processus puisque sa mission consiste à suivre le bon déroulement de l'investissement, le service contractant devant tenir informé du déroulement de l'opération de concrétisation de l'investissement, selon le cas, l'autorité de l'institution nationale de souveraineté de l'Etat, l'institution nationale autonome, le ministre concerné ou le Conseil des participations de l'État. Il reste que la confiance portée par les opérateurs contractants et cocontractants constitue le vecteur de la moralité des marchés publics. Trop d'objectifs de moralité peuvent tuer la moralité et c'est pourquoi le débat de la dépénalisation des actes de gestion, autre sujet mais à la croisée des marchés publics, tombe à pic. L'application aux marchés de gré à gré en fait également une préoccupation. (A suivre) Samir Hadj Ali. Expert-comptable -(1)Thème à suivre en seconde partie. -(2)Article 3 du code des marchés publics. -(3)Décret présidentiel n°02-250 du 24 juillet 2002 modifié et complété par le décret présidentiel n°03-301 du 11 septembre 2003. -(4)Centre national du registre du commerce. -(5)Antérieurement cette marge était de 15%. -(6)Agence nationale de développement de l'investissement.