Un couffin modeste coûte à une famille moyenne 1000 DA par jour. Le nombre des nécessiteux est effarant dans une wilaya où l'argent coule à flots. Un autre mois de solidarité et d'entraide qui ne garde des préceptes de la religion, laquelle en fait un devoir, que des paroles lancées machinalement et à profusion par tout le monde, spéculateurs et commerçants véreux compris. Inutile de se perdre dans les détails, les causes et les conséquences de la hausse des prix des produits consommables ont dépassé l'entendement, depuis déjà une semaine. Rappelons simplement que le pouvoir d'achat est en permanente dégringolade et que la situation des fonctionnaires n'a pas changé d'un iota depuis des années, d'où les signes d'affolement et d'indignation perceptibles chez la majorité des ménages à Souk Ahras et ailleurs. La phrase suivante, émanant d'un employé du secteur de la santé, est fort éloquente : « La datte est à 350 DA le kilogramme, la viande est à 850 DA/kg et moi je perçois un salaire de 23 000 DA. Est-il interdit aux fonctionnaires moyens de goûter à ces deux aliments ? » Un couffin modeste coûte à une famille moyenne plus de 1 000 DA/jour et la classe moyenne que l'on continue à ranger, à tort, parmi les personnes à l'abri du besoin, en est sérieusement affectée. 26 000 familles nécessiteuses Il en est même des citoyens parmi cette même classe qui n'arrivent que rarement à manger à leur faim, sans pour autant tendre la main ou solliciter l'assistance d'une tierce personne. Que dire des autres ? Des travailleurs exploités dans les secteurs du bâtiment et des secrétaires employées dans des professions libérales et autres cabinets de médecins lorgnent des rétributions qui varient entre 4 000 et 8000 DA/mois mais n'osent faire appel ni aux instances de contrôle ni rouspéter sous peine d'être mis, illico, à la porte et rentrer le soir, rien dans les poches et, pire, rien sous la dent. C'est dire toute la gravité d'un chômage latent qui sévit à Souk Ahras depuis des décennies, conjugué à une déliquescence du pouvoir d'achat qui ronge des pans entiers de la société. Dans quelques jours seulement, ces mêmes gens auront à dépenser une partie de la paie du mois d'août chez le trabendiste et le buraliste du quartier. Les vitrines des artères principales de toutes les villes de la wilaya sont déjà bien achalandées. Jeans à 2 000 DA, baskets à 3 000 DA, tabliers à 600 DA et des fournitures scolaires qui oscillent entre 1 000 et 3 000 DA. Que dire de plus pour expliquer les appréhensions des citoyens qui regardent impuissants l'émergence d'une nouvelle classe de nantis, issue de la corruption, de l'impunité et de la complicité à grande échelle. Bourek et Kalb-ellouze pour les uns, et à peine un pain et une bouteille de « gazouz » pour les autres. Ainsi va l'Algérie de toutes les disparités. Pour ceux qui n'arrivent même pas à s'offrir un pain, Souk Ahras en compte 26 000 familles recensées à travers les 26 communes que compte la wilaya. Un chiffre effarant pour une wilaya où l'argent coule à flots et où toutes les affaires se traitent à coups de milliards. Ces familles qui jeûnent dans la rue ! Les familles Kadri et Djekboub, des plus anciennes de la cité Bir Youcef de Souk Ahras, expulsées de leurs maisons sur la base de documents fallacieux, comptant, entre autres, un acte de propriété et une affiliation erronés, jeûnent cette année dans la rue. Parmi eux, une septuagénaire et une centenaire, hébergées chez des âmes charitables. L'erreur judiciaire, reconnue à demi-mot n'a pas encore été corrigée. D'autres expulsions ont été mises en application pour diluer la première affaire et mettre le tout sur le compte d'une préoccupation sociale à portée nationale. Mohamed Boumessaâd, un retraité de la défunte SNTV, expulsé à son tour, par voie de justice, rompt son jeûne dans une gargote et attend depuis plus d'une trentaine d'années un gîte où il pourrait réunir son épouse et ses quatre enfants. Deux cas cités à titre illustratif pour un phénomène à plusieurs inconnues. Combien sont-elles ces familles à avoir pleuré la veille du mois sacré ? Plusieurs dizaines à travers la wilaya, d'après nos sources, et au moins une vingtaine au chef-lieu. Ceux qui squattent les terrains agricoles et communaux pour y implanter des bidonvilles, fiefs de plusieurs maux sociaux, ne sont pas encore concernés par ces expulsions.