Six suicides en deux mois et des dizaines de tentatives avortées, in extremis. Un taux record enregistré à Souk Ahras depuis l'indépendance du pays. Chômage, mal-être, dépassements multiformes, hogra institutionnalisée et détérioration des rapports sociaux en sont les causes majeures, du moins pour les cas cités plus haut. Quatre parmi les auteurs de ces actes désespérés sont issus de milieux défavorisés et peinent à subvenir aux besoins les plus élémentaires de leurs familles. Ainsi, au lieu de la Sardaigne, les « Harraga » de Souk Ahras optent pour un voyage vers l'au-delà. Contacté par téléphone, un spécialiste dans le traitement des pathologies de la personnalité reconnaît l'ampleur de ce phénomène à Souk Ahras et l'attribue à plusieurs facteurs, dont les problèmes sociaux souvent à l'origine de cas dépressifs. « Tous les suicides sont précédés par une phase dépressive causée justement par un sentiment d'infériorité, de dédain envers sa propre personne. Un échec professionnel, des difficultés financières, les situations conflictuelles, notamment au sein de la famille, la précarité, la crise du logement et de l'emploi, offrent un terrain fertile à ce sentiment d'incapacité qui se traduit par la sociophobie et l'isolement, prélude à une volonté d'autodestruction », a-t-il expliqué. Le même spécialiste refuse d'isoler l'acte suicidaire de la dépression nerveuse. « La majorité des patients que nous avons eu à prendre en charge sont soit des sujets ayant des antécédents dépressifs soit présentant des signes sournois de la pathologie et qui peuvent passer à l'acte sans éveiller les soupçons de leurs familles », précise-t-il. Pour le cas de Souk-Ahras, notre interlocuteur a décrit par les chiffres et au superlatif le phénomène du suicide qu'il dit être sous-estimé par les responsables. De leur côté, des médecins dans le secteur public ont déploré le manque de centre d'écoute et de dépistage dans une wilaya où le problème a déjà atteint la cote d'alerte. Des crises d'hystérie et de dépression nerveuse sont quotidiennement traitées au niveau des différents services des urgences, implantés à travers les différentes communes sans pour autant assurer le suivi de ces cas. Seulement quelques-uns sont transférés vers des établissements spécialisés à la demande des parents. D'autres sont, par contre, « abandonnés à leur sort », ont-ils tenu à préciser. Une moyenne d'un suicide chaque dix jours à Souk Ahras. Qui dit mieux ?