Le ministre de l'Intérieur aurait instruit ses services afin de bloquer toutes les expulsions des logements et des locaux commerciaux. La mesure applicable, en temps normal, durant la «trêve hivernale», aurait était étendue à tous les mois de l'année. Les jugements rendus par les tribunaux ne sont plus exécutoires et la police ne peut plus «forcer la main» aux locataires dont le bail est arrivé à expiration. Les propriétaires ne s'expliquent pas cette décision intervenue au lendemain des événements de janvier dernier. «L'Etat ne fait pas grand cas des lois de la République. La réglementation est pourtant claire. Le propriétaire a le droit de récupérer, sans tracasserie, son bien, que ce soit un local ou un appartement, quand la durée du contrat expire», relève le propriétaire d'un appartement à Ben Aknoun qui a «sué eau et sang» pour «faire sortir une famille de son appartement». «La justice a donné raison aux locataires, alors que le contrat a expiré depuis 4 mois», raconte, déconcerté, le propriétaire. Un propriétaire de locaux commerciaux aux Deux-Moulins, à Bologhine, a des difficultés pour «faire sortir» un locataire, investisseur étranger. «Le gérant de l'entreprise ne veut plus sortir, malgré les jugements et le travail de l'huissier. L'habitation, délaissée par cet investisseur étranger, est fermée sans que je puisse la récupérer», dénonce le propriétaire qui souffre toujours des méandres de l'administration. La Fédération nationale des agences immobilières (FNAI) reconnaît une «stagnation» des expulsions. «Nous avons remarqué une stagnation des expulsions ces derniers mois. C'est peut-être lié à la situation sociale qui a prévalu ces derniers mois», constate Abdelkader Bentchakal, vice-président de la FNAI, qui signale l'existence pas moins de 30% d'appartements loués au niveau national. Des APC, concernées en partie par les expulsions, n'auraient pas reçu l'instruction. «L'instruction qu'aurait émise le Premier ministre est intervenue pour préserver la paix sociale. Les services de sécurité n'ont pourtant rien reçu et les jugements d'expulsion sont toujours rendus par les tribunaux. Sauf qu'ils sont bloqués par des appels déposés par les concernés», signale un élu d'une APC des hauteurs d'Alger, qui affirme que des décisions d'expulsion engagées suite à des poursuites de l'OPGI pour occupation illégale des locaux d'une cité sont restées inappliquées. Les propriétaires réclament le «retour» à l'ancienne réglementation qui facilite la récupération des biens. «L'Etat doit rassurer les propriétaires pour qu'ils puissent louer leurs appartements. La mesure, si elle rassure certains, dissuadera des propriétaires qui ne veulent pas connaître de tracasseries. En bloquant les expulsions, on réduit le marché locatif et on rend les loyers encore plus élevés», assure un ancien «semsar», qui fait remarquer que ces derniers mois de moins en moins de logements sont loués, surtout les «bas de gamme». Le comité SOS expulsion, hébergé par la LADDH, affirme qu'il n'est pas contre le respect du droit des propriétaires. «Les propriétaires ont leurs raisons de vouloir récupérer leurs biens. Nous ne sommes pas contre la légalité, mais pour des mesures d'aide aux familles expulsées, avec la mise en place, par exemple, de quotas pour les expulsés ou des mesures d'allégement pour l'accès à la propriété. Les APC doivent s'impliquer davantage», souhaite Hakim Salmi, porte-parole du comité SOS expulsion, qui indique que le comité a reçu quelque 400 dossiers d'expulsion.